Arabie Saoudite
Exécutions de droit divin
L'Arabie Saoudite est l'un des pays où l'on exécute le plus, notamment
des étrangers. En Arabie, la peine de mort, qui n'est pas remise en cause
dans la société, s'appuie sur des considérations à
la fois religieuses et coutumières.
Au 20 juin de cette année, 57 personnes avaient été décapitées
en Arabie Saoudite. En 2000, au moins 123 personnes ont été exécutées
dans le royaume. Certaines années, la moyenne peut monter jusqu'à
200, comme en 1995. L'année précédente, elle était
tombée à 59.
Dans ce pays où le débat public est inexistant, il serait vain
d'en imaginer un sur la peine capitale. D'autant que son application fait consensus.
Non seulement les autorités, comme le public, la considèrent comme
un châtiment dissuasif et exemplaire, tout comme aux Etats-Unis ou en
Chine, mais encore et surtout, c'est une sanction explicitement prévue
par la charia , la loi religieuse. Et on ne discute pas les ordres divins.
En Arabie Saoudite, les condamnés à mort sont décapités
au sabre, en public, après la prière de la matinée. Le
plus souvent, c'est le vendredi, le jour de la prière, mais depuis quelques
années, on exécute aussi les autres jours. Parfois, dans le cas
de crimes particulièrement atroces, les suppliciés sont crucifiés
après leur décapitation et leur corps reste exposé au public.
Le condamné, souvent maintenu au secret avant pendant et après
son jugement, est tiré de sa cellule sans savoir où on l'emmène.
Ces exécutions attirent toujours une foule considérable, mais
il est rigoureusement interdit de photographier ou de filmer la scène.
Parfois, il arrive qu'au dernier moment, alors que le condamné est sur
le point d'être agenouillé devant la rigole qui recueillera son
sang, un membre de la famille de la victime sorte de la foule pour accorder
le pardon au meurtrier. Conformément à la charia, et plus encore
au droit coutumier, la famille de la victime a le droit de pardonner. Nullement
frustrée du spectacle, la foule applaudit alors sa magnanimité.
Décapité pour blasphème
Généralement, les condamnés le sont pour meurtre, pour
viol, pour vol avec violence ou pour trafic de drogue, conformément à
la loi islamique (la possession d'amphétamines est passible de la peine
de mort). Mais parmi les exécutions récentes, on note des condamnations
pour inceste, proxénétisme ou trafic d'alcool, ce qui relève
moins de la charia en elle-même que de son interprétation par les
autorités saoudiennes. L'apostasie est également passible de mort
: en 1992, un chiite de la Province orientale a été décapité
pour blasphème et apostasie. Selon le communiqué du ministère
de l'Intérieur, le coupable aurait déclaré que «
l'islam est une fausse religion », que « Mahomet était un
menteur et un prestidigitateur » et que « le Coran avait été
écrit par Mahomet ». Le jugement du tribunal islamique, ratifié
par le roi Fahd, précisait que l'acte du condamné « n'était
pas seulement une apostasie, mais un crime méritant l'exécution,
même s'il se repentait ».
Car en Arabie Saoudite, le système judiciaire est pyramidal. Le travail
des tribunaux s'effectue sous la supervision du Conseil judiciaire, suprême,
un organisme de 11 oulémas (docteurs de la foi) présidé
par le ministre de la Justice qui passe en revue toutes les condamnations à
mort, les amputations et les condamnation à la lapidation pour adultère.
Le roi, qui peut exercer sa grâce, signe personnellement l'ordre pour
chaque exécution capitale.
OLIVIER DA LAGE
22/06/2001