Arabie Saoudite
Wahhabisme : aux origines de Ben Laden
Oussama Ben Laden et ses partisans se réclament d'une version particulièrement
sectaire et intolérante de l'islam, le wahhabisme, née au XVIII
e siècle au cur de ce qui est aujourd'hui l'Arabie Saoudite.
On les a vus en Bosnie, en Tchétchénie et ailleurs. Leurs
ennemis les baptisent «wahhabites». Leur doctrine politico-religieuse
inspire Oussama Ben Laden et les siens. Eux-mêmes préfèrent
se désigner sous le nom de «mouwahhidounes» (unitaristes).
Leur foi guerrière s'enracine dans une secte qui a fait son apparition
au XVIIIe siècle, en plein cur de la Péninsule arabique.
Son fondateur, Mohammed Ibn Abdel Wahhab, est né dans le Nejd (la région
de Ryad) en 1703. Il suit des études religieuses à Médine,
puis poursuit son éducation par des voyages à Bagdad, Damas et
Qom. Il y étudie l'islam selon l'interprétation de l'école
hanbalite (la plus rigoriste) revue par un théologien fameux, Ibn Taymiyya.
A son retour dans le Nejd, il couche par écrit sa philosophie religieuse
dans le Livre de l'Unité fondamentale, puis commence à prêcher
un islam réformateur et puritain. Pour cette raison, on l'a parfois comparé
à Calvin. Dans ses discours, il s'oppose violemment aux chiites, accusés
de croyances hérétiques et à certaines pratiques jugées
païennes comme le culte des arbres ou le pèlerinage sur les tombes
de «saints». Tout comme les protestants en Europe deux siècles
plus tôt, il demande le retour aux Ecritures. Mais les wahhabites ne se
contentent pas d'exiger que soit respecté l'esprit du Coran. Ils veulent
l'application littérale de ses prescriptions, y compris l'interdiction
du port de la soie. Ils vont même plus loin et innovent en interdisant
le tabac.
Conversions forcées obtenues par la conquête
Mohammed Ibn Abdel Wahhab dénonce violemment les idoles et souligne
l'unicité d'Allah. Il faut, dit-il, revenir à l'interprétation
littérale du Coran et abandonner les superstitions qui ont subsisté
dans la pratique musulmane. Il condamne aussi la danse et la musique qui détournent
les croyants de l'adoration d'Allah. Le radicalisme de la doctrine et la violence
de ses partisans inquiètent non seulement les chiites, mais aussi les
populations locales sunnites qui ne veulent pas renoncer à leurs pratiques
religieuses. Ce qui a permis à la doctrine wahhabite de s'étendre
au delà du premier carré de disciples, c'est l'alliance passée
en 1744 avec un chef de tribu du Nejd, Mohammed Al Saoud, favorable à
ses idées. L'alliance est scellée par un mariage entre un fils
de Mohammed Ibn Saoud avec une fille de Mohammed Ibn Abdel Wahhab. Le prosélytisme
religieux de ce dernier s'appuie sur la force des hommes du second. L'Islam,
vu par Ibn Abdel Wahhab, doit progresser par la conversion, forcée, au
besoin, et celle-ci s'obtient par la conquête.
Deux siècles plus tard, Abdelaziz Ibn Saoud, le fondateur du royaume
qui porte son nom, ne procédera pas autrement. La prise de La Mecque
en 1925 s'accompagne d'une mise à sac en règle de la ville par
les wahhabites qui voient des idoles partout. Depuis la création du royaume
saoudien en 1932, la conception wahhabite règne en maître sur le
pays où les autres interprétations de l'islam sont à peine
tolérées. Oussama Ben Laden, s'inscrit logiquement dans les enseignements
d'Ibn Abdel Wahhab, même si ces pratiques embarrassent aujourd'hui son
pays d'origine et la famille régnante des Al Saoud, garante aux yeux
des oulémas de l'application de la charia version wahhabite.
OLIVIER DA LAGE
24/09/2001