Golfe
L'Arabie boude les autres monarchies
Les six monarchies du Conseil de coopération du Golfe ont achevé
leur sommet à Manama sans avoir tranché le différend opposant
l'Arabie Saoudite au Bahreïn.
Pour la première fois de son existence, le Conseil
de coopération du Golfe, créé en 1981, a tenu son
sommet annuel en labsence du leader saoudien, le prince héritier
Abdallah, qui dirige de fait le royaume depuis la maladie du roi Fahd, ayant
décidé de boycotter le sommet.
A lorigine de cette bouderie, la décision du royaume de Bahreïn,
hôte du sommet cette année, de signer un accord de libre-échange
en septembre dernier avec les États-Unis. Lune des raisons dêtre
du Conseil de coopération du Golfe (CCG) étant lunion douanière
de ses membres, Ryad soutenait quil était illogique que lun
des membres, en loccurrence le Bahreïn, accorde des conditions plus
favorables aux Etats-Unis quà ses partenaires du CCG. Largument
ne manque pas de validité, mais il dissimule mal la véritable
raison de ce mécontentement.
Il est désormais évident aux yeux de tous que lArabie Saoudite,
qui à lépoque où le CCG a été créé
dominait ses cinq partenaires du Conseil de coopération du Golfe, perd
régulièrement de linfluence sur ces derniers. Le Qatar a
été le premier, au début des années 90, à
défier ouvertement le pouvoir de Ryad, cheikh Hamad, le nouvel émir
du Qatar allant jusquà claquer la porte dun sommet du Golfe
pour manifester sa mauvaise humeur. Puis ce fut le tour des Émirats arabes
unis de se plaindre dêtre abandonnés par lArabie Saoudite
dans leur différend avec lIran sur les trois îlots occupés
depuis les années 70. A chaque fois, lArabie saoudite dénonçait
ce comportement « irresponsable ».
Une influence en déclin
Mais ce qui vient de se passer est la conséquence directe de la guerre dIrak et du renforcement de la présence américaine dans le Golfe. On en a eu lillustration lorsquen avril 2003, les forces américaines basées au sud de Ryad ont quitté lArabie saoudite pour sinstaller durablement au Qatar. Progressivement, les émirats du Golfe qui subissaient naguère encore le protectorat saoudien, ont tiré parti de la nouvelle donne régionale pour saffranchir de cette pesante tutelle. Depuis le 11 septembre 2001, la méfiance américaine envers la monarchie saoudienne a revalorisé le statut de ces principautés, riches en pétrole, mais pauvres en sécurité. Désormais, sappuyant sur des accords bilatéraux signés avec Washington, les petites monarchies pétrolières de la Péninsule arabique se permettent de tenir la dragée haute au royaume dArabie Saoudite en proie au terrorisme islamiste à lintérieur et à la méfiance des Américains à lextérieur.
Les vieux réflexes nont pas disparu : non contents de boycotter
le sommet de Manama au niveau du prince héritier, les Saoudiens ont menacé
de se retirer de lunion douanière, désormais sans objet.
Mais la réalité du rapports des forces nest plus à
la hauteur de ces menaces : à la fin de la réunion de Manama,
où, officiellement du moins, le différend saoudo-bahreïnien
na pas été abordé, lArabie Saoudite sest
résolue à battre en retraite et à accepter le fait accompli
de son petit voisin. Il est vrai que le Royaume est le seul membre du CCG à
ne pas appartenir encore à lOrganisation mondiale du commerce et
que cette appartenance est un élément crucial de la modernisation
économique voulue par ce même prince Abdallah.
OLIVIER DA LAGE
21/12/2004