Irak
La diatribe de Talabani contre les Arabes
Le président irakien s'en est pris violemment aux pays arabes auxquels
il reproche leur manque de solidarité envers l'Irak.
Le président Talabani est en colère et il le fait savoir. Lundi, Jalal Talabani (qui est kurde) a vivement reproché aux États arabes leur indifférence à légard des victimes de la bousculade meurtrière du pont dAl Aïmah qui sest produite à Bagdad le 31 août, lors dun pèlerinage chiite et qui avait fait un millier de victimes. En dehors du Koweït, qui a offert 10 millions de dollars aux victimes, les autres pays arabes nont rien proposé, ou des montants dérisoires.
Le chef de lÉtat, qui sexprimait devant des journalistes,
a déclaré : « lIrak ne va pas mourir de
faim du fait de labsence daide des pays arabes ». Il
a également critiqué le refus de ces pays denvoyer des représentants
diplomatiques à Bagdad, avant denfoncer le clou : « cela
contredit lintérêt quils prétendent avoir pour
larabité de lIrak ». Un article du projet de constitution
actuellement proposée a en effet provoqué une polémique
dans le monde arabe : la nouvelle loi fondamentale sabstient dénoncer
que lIrak est un pays arabe, se contentant dindiquer que les Arabes
irakiens appartiennent à la nation arabe.
La meilleure défense, cest lattaque
On ne manquera pas de noter que la diatribe de Jalal Talabani intervient à
la veille dune rencontre des ministres des Affaires étrangères
des six monarchies pétrolières du Conseil de coopération
du Golfe qui se préparaient à demander officiellement des explications
au gouvernement irakien sur labsence de référence à
larabité de lIrak dans le projet de constitution.
La meilleure défense étant lattaque, cest ainsi quil
faut comprendre la charge du président irakien. Le message quil
veut faire passer à ses compatriotes est que les États arabes,
si vétilleux pour dénoncer les manquements à la solidarité
arabe du nouvel Irak, sexonèrent facilement de cette même
solidarité : rien ou si peu pour leurs frères
arabes (chiites, il est vrai) morts dans la bousculade ; pas de diplomates
accrédités à Bagdad, lancien phare du nationalisme
arabe sous Saddam Hussein.
Jalal Talabani, un Kurde, est lui-même le premier non-Arabe de lère
moderne à diriger lIrak. Mais si certains ont cru voir dans la
désignation dun Kurde à la tête du pays les prémices
dun démantèlement de lentité irakienne, on
peut faire la lecture exactement inverse : cest en Irakien, et non
seulement en Kurde, que Talabani est désormais contraint de raisonner,
du fait même de sa fonction. En revanche, et le message ici délivré
est très clair, il ne se laissera pas imposer par les anciens partenaires
de Saddam Hussein une « arabité » qui, pour les
Kurdes et les chiites, a longtemps été le manteau servant à
habiller la domination des tribus sunnites.
OLIVIER DA LAGE
06/09/2005