Irak

Saddam Hussein, l’insaisissable

 



Les Américains n’ont pas encore réussi à mettre la main sur Saddam Hussein et ne savent pas s’il est mort ou vivant. La question est loin d’être purement académique.


Saddam Hussein est-il mort ou vivant ? C’est la question que se posent avec de plus en plus d’insistance les responsables américains qui ont décidé d’en avoir le cœur net en y mettant les moyens. Pourtant, depuis la chute du dictateur et de son régime, symbolisée par le déboulonnage de sa statue le 9 avril place du Paradis, sous les regards des téléspectateurs du monde entier, l’ordre ancien s’est effondré. À supposer qu’il ait échappé aux multiples bombardements qui l’ont spécifiquement visé depuis le 20 mars, ou à ceux dans lesquels il aurait pu périr simplement parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, Saddam Hussein vivant représente-t-il toujours une menace pour la coalition américano-britannique ?


Pour Washington, la réponse ne fait aucun doute et elle est positive. L’incapacité des Américains à établir que Saddam Hussein est mort ou à le capturer s’il est vivant ne fait que renforcer le mythe de son invincibilité. Certes, vu l’importance des forces américaines en Irak, ce n’est pas cela qui va lui rendre le pouvoir mais cela complique sérieusement la situation pour Washington. De surcroît, il y a le fâcheux précédent d’Oussama Ben Laden, que George W Bush avait promis de capturer «mort ou vif». Or, après de longs mois durant lesquels, sans en être sûrs, les services de renseignement américains supposaient que le fondateur d’Al Qaïda était mort dans les bombardements de Tora-Bora, la multiplication des messages vidéo, audio ou écrits attribués à Ben Laden et quelques interceptions de communications téléphoniques laisseraient plutôt penser désormais que Ben Laden est vivant et se terre, probablement dans les zones tribales à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. Même chose pour l’ex-chef des Taliban afghans, le mollah Omar. Washington ne veut surtout pas rééditer cet échec cette fois avec Saddam Hussein dans le rôle de l’insaisissable fugitif.


Depuis plusieurs semaines, les forces d’occupation en Irak font face à ce que l’administrateur américain Paul Bremer a qualifié de «résistance organisée». Les forces américaines font face à des attentats et des embuscades et perdent des soldats à un rythme presque quotidien. Saddam vivant, le moral des Irakiens qui lui sont restés fidèles n’en sera que renforcé.


À l’inverse, les opposants du régime baassiste continuent pour beaucoup de vivre dans la crainte d’un retour du dictateur. Or, cette peur diffuse empêche nombre d’Irakiens de collaborer ouvertement avec les Américains de crainte que le dictateur ne revienne se venger sur eux et leur famille. C’est notamment le cas des responsables scientifiques ou militaires qui pourraient fournir des indications sur les fameuses armes de destruction massive (ADM) qui ont servi de justification à cette guerre et que les armées anglo-américaines n’ont toujours pas réussi à trouver.


Les soldats américains ont donc entrepris de fouiller à l’aide de bulldozers les décombres des maisons dans lesquelles il était censé se trouver lors des bombardements qui le visaient : celui du 20 mars, et celui du quartier Al Mansour où il aurait tenu une réunion avec ses fils Oudaï et Qoussaï quelques minutes avant le bombardement du 7 avril. Des experts chargés de procéder à des analyses d’ADN des cadavres trouvés dans les gravats accompagnaient les soldats du génie aux fins d’identification. Les services américains ont en effet des échantillons d’ADN de membres proches de la famille de l’ex-président irakien de façon à procéder aux analyses. Celles-ci n’ont jusqu’à présent rien donné.


Une unité spéciale de recherche


Les résultats n’ayant rien donné, les autorités militaires américaines se sont donc résolues à affecter 1 400 hommes dans l’unique but de mettre la main sur Saddam Hussein. Ce contingent, mené par la Task-Force 20 de la CIA, s’appuie sur les instruments les plus sophistiqués dont dispose l’appareil de renseignement américain : images satellites, interceptions des transmissions téléphoniques et radio, es drones Predator, avions sans pilotes équipés de moyens d’observation et de transmission vidéo, et de missiles Hellfire capables d’anéantir des véhicules blindés. Tous les moyens d’interception de la NSA (National security Agency) sont mobilisés pour cette traque à laquelle le Commandement central (CentCom) a donné la plus haute des priorités.


C’est ainsi que mercredi dernier, un convoi de véhicules traversant la frontière syrienne a été détruit. La presse américaine croit savoir que les militaires pensaient que Saddam et ses fils pouvaient se trouver dans l’un des véhicules. Le bombardement, qui s’est produit du côté syrien de la frontière, a fait des victimes. Mais aux dernières nouvelles, Saddam Hussein et ses fils n’en feraient pas partie.


Ce bombardement intervenait quelques jours à peine après que l’on eut appris la plus belle prise des Américains, son secrétaire garde du corps et proche parent Abed Hamid Mahmoud Al Takriti, qui suivait le président irakien comme son ombre. La conviction des Américains était que son maître ne devait pas se trouver loin. L’homme a été capturé quelque part entre Bagdad et Takrit. Il aurait révélé s’être réfugié en Syrie avec les fils de Saddam Hussein avant d’en être expulsés mais ces informations n’ont pas pu être vérifiées de façon indépendante.


Pour l’heure, Saddam Hussein est porté disparu. Mais rien ne prouve qu’il soit mort.

OLIVIER DA LAGE
24/06/2003
 
 


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