Proche-Orient
Les Américains s'impliquent
Washington dépêche deux hauts responsables chargés daider
les Palestiniens à réformer leur administration et à permettre
une reprise des contacts israélo-palestiniens.
George Tenet, le directeur de la CIA arrive au Proche-Orient ou se trouve, depuis
mercredi, Williams Burns, sous-secrétaire d'État chargé
de la région au Département dÉtat. Après moult
tergiversations au sein de ladministration américaine, le président
Bush a finalement suivi les conseils de ceux de ses proches qui lui faisaient
valoir quau Proche-Orient, linaction dégénérait
inéluctablement en crise.
George Tenet, qui, voici tout juste un an, avait accompli une mission de bons
offices afin de permettre aux Palestiniens et aux Israéliens de reprendre
leur coopération en matière de sécurité, arrive
avec une mission bien différente : évaluer les besoins de réorganisation
des forces de sécurité palestiniennes avant de superviser, ultérieurement,
cette réorganisation. La mission Tenet a été décidée
par George Bush lorsque ladministration américaine a fini par se
persuader quil était illogique de continuer à demander rituellement
à lAutorité palestinienne de faire davantage pour arrêter
les poseurs de bombe et kamikazes palestiniens alors même que lappareil
de sécurité palestinien avait été en grande partie
détruit et désorganisé par les attaques de larmée
israélienne.
Pour autant, les Américains, qui avaient accepté le point de vue
israélien selon lequel il fallait que lAutorité palestinienne
se réforme en profondeur, ne voulaient pas entendre parler dune
simple reconstitution du système antérieur, dans lequel sept ou
huit services de sécurité coexistaient plutôt mal que bien,
chacun étant en concurrence des autres et relevant directement de Yasser
Arafat. Cest pourquoi Washington sest déclaré prête
à financer et encadrer la réorganisation des forces de sécurité
palestiniennes, à la condition que ces forces soient réunifiées
au sein dun corps unique selon les normes dun État démocratique
moderne.
Cette approche ne fait évidemment pas du tout laffaire dAriel
Sharon et des dirigeants militaires dIsraël. Ces derniers font valoir
quils nont pas méticuleusement détruit depuis plusieurs
mois lessentiel de lappareil policier dArafat pour que les
Américains viennent à présent en reconstruire un encore
plus performant. Ariel Sharon est dautant plus mécontent que, depuis
plusieurs jours, le responsable du Proche-Orient au Département dÉtat
est sur place pour tenter de relancer le processus politique, tout en encourageant
Yasser Arafat à réformer son administration. Au Caire, William
Burns a dénoncé jeudi les «humiliations quotidiennes»
dont souffrent les Palestiniens, rompant avec ce qui est longtemps apparu comme
une certaine indifférence de ladministration Bush, même sil
est vrai que dernièrement, le président lui-même sest
ému du sort des civils palestiniennes, même si cétait
pour ajouter aussitôt que Yasser Arafat était le principal responsable
de leurs souffrances.
La conférence internationale paraît compromise
William Burns, qui a rencontré jeudi Yasser Arafat et vendredi Ariel
Sharon, a proposé un processus en trois volets : un volet politique,
un volet sur la réforme de lAutorité palestinienne et un
volet sur la sécurité. Les trois devraient évoluer en parallèle.
Ariel Sharon sest vigoureusement opposé à cette approche,
dans la mesure où, selon le Premier ministre israélien, il ne
peut être question de parler politique avec les Palestiniens quau
terme dune réforme complète de leurs institutions se traduisant
avant tout par la mise à lécart de Yasser Arafat.
Or, Washington, dont les dirigeants néprouvent pourtant aucune
sympathie pour le leader palestinien, se sont désormais résignés
à lévidence : il est illusoire, dans un avenir prévisible,
denvisager une alternative au «Vieux» et il est exclu den
faire un préalable à toute discussion comme continue de lexiger
le chef du gouvernement israélien. Dautant que les dirigeants arabes
alliés de Washington (jordaniens, saoudiens et égyptiens), qui
ont effectivement fait pression sur Yasser Arafat pour quil accepte dengager
des réformes, estiment avoir rempli leur part du contrat et attendent
désormais des Américains quils en fassent autant avec leur
protégé israélien.
Dans ces conditions, la réunion dune conférence internationale
annoncée pour le mois de juin par Colin Powell voici quelques semaines
paraît bien hypothétique, même pour le mois de juillet. De
plus, la brutale dégradation de la situation en Asie du Sud, où
le risque dune guerre ouverte entre lInde et le Pakistan croît
de jour en jour va désormais mobiliser une attention croissante de la
part des dirigeants américains pour tenter dendiguer la catastrophe
nucléaire qui menace. Et cela ne pourrait se faire quau détriment
des autres dossiers internationaux, à commencer par celui du Proche-Orient.
OLIVIER DA LAGE
01/06/2002