Proche-Orient
Nouveau coup dur pour Ehoud Barak
Coup sur coup, le premier ministre israélien a essuyé deux nouveaux coups durs: la démission de son ministre des Affaires étrangères David Lévy et le vote par la Knesset (Parlement) d'une loi organisant des élections anticipées.
Ehoud Barak avait en vain demandé à David Lévy de retarder
l'annonce de sa démission. Mais le chef de la diplomatie israélienne,
dans une conférence de presse, a justifié son départ du
gouvernement par les concessions qu'aurait faites le chef du gouvernement lors
des négociations de Camp David. « Pour la première fois,
un gouvernement est prêt à diviser Jérusalem », a-t-il
martelé devant les journalistes, sans prendre en compte l'échec
de ces négociations israélo-palestiniennes.
Pourtant, la décision couvait depuis plusieurs semaines, déjà.
Le refus de David Lévy d'accompagner aux Etats-Unis Ehoud Barak était
un signe avant-coureur de sa décision. Lévy, qui dirige le parti
Gesher, est un ancien transfuge du Likoud (droite). Il y a dix ans de cela,
il fut, en tant que membre du Likoud, ministre des Affaires étrangères
d'Yitzhak Shamir. Par la suite, faute d'avoir pu conquérir la tête
du parti qui avait échu à Benyamin Netanyahou, il avait quitté
le parti pour fonder le Gesher, un parti à l'identité politique
mal définie, mais qui attire principalement les votes des juifs orientaux,
les Sépharades, parmi lesquels David Lévy, d'origine marocaine,
jouit d'une grande popularité. Le fait que Barak avait perdu sa majorité
parlementaire avant les négociations de Camp David n'est sans doute pas
étranger au nouveau positionnement de David Lévy.
Quoi qu'il en soit, Barak qui tente de replâtrer sa majorité parlementaire
perdue, n'avait pas besoin de la défection de Lévy et des siens.
Quelques heures plus tard à peine, on en a eu la preuve avec l'adoption
d'un projet de loi présenté par le Likoud prévoyant l'organisation
d'élections anticipées. Ce projet a été voté
par 61 voix contre 51 et 6 abstentions (sur les 120 députés que
compte la Knesset).
Après l'échec des négociations de Camp David, la défaite
surprise de Shimon Peres, le candidat travailliste à la présidence
de l'Etat d'Israël, tout paraît désormais aller de travers
pour le chef du gouvernement. Mais pour Ehoud Barak, tout n'est pas encore perdu.
Le vote intervenu ce mercredi 2 août n'est qu'un vote préliminaire.
Pour être effective, cette loi doit encore être votée à
deux reprises par les députés. Or, il n'est pas sûr que
tous aient le désir de retourner devant les électeurs, ce qui
pourrait modifier les votes d'ici la troisième lecture. Mais surtout,
les vacances parlementaires, qui durent trois mois, commencent dès le
2 août au soir. Ehoud Barak a donc un répit qui va durer jusqu'à
la fin octobre pour tenter de retourner la situation.
Ce délai de trois mois va, sans aucun doute, être mis à
profit pour renouer le dialogue avec Arafat et, si la chose est possible, permettre
à Ehoud Barak de conclure l'accord qui lui a échappé au
mois de juillet à Camp David.
Même le succès n'est pas au rendez-vous du processus de paix, des
élections anticipées ne sont pas nécessairement une mauvaise
nouvelle pour Barak: en ce qui concerne le processus de paix, le général
le plus décoré d'Israël peut encore, dans une large mesure,
s'appuyer sur l'opinion publique israélienne qui, même divisée,
lui accorde davantage sa confiance que la classe politique. C'est ce que prouvent
les sondages montrant qu'une majorité d'Israéliens regrettent
que Shimon Peres n'ait pas été élu à la tête
de l'Etat.
OLIVIER DA LAGE
02/08/2000