Proche-Orient

L'ultimatum de Barak

 

Confronté à un double risque de conflit, contre les Palestiniens et sur le front nord, contre le Liban, Ehoud Barak a lancé un ultimatum à Yasser Arafat tout en se préparant à un gouvernement d'union nationale avec le Likoud. Le Conseil de sécurité a condamné samedi «l'usage excessif de la force» par Israël.

Samedi soir, après le shabbat, et alors qu'Israël se prépare à célébrer le Yom Kippour (je jour du pardon), le premier ministre israélien a donné 48 heures à Yasser Arafat pour donner l'ordre de faire cesser les violences dans les Territoires palestiniens, faute de quoi l'armée israéliennes aurait tout pouvoir pour rétablir la paix. Ehoud Barak a clairement indiqué que si le président palestinien ne faisait pas preuve d'autorité envers ses concitoyens en révolte, ce serait la fin du processus de paix. L'ultimatum a été aussitôt rejeté par les dirigeants palestiniens tandis qu'à Washington, le président Clinton annulait tous ses déplacements pour suivre la situation depuis le Bureau ovale. Ses nombreux coups de téléphone aux dirigeants de la région ne semblent pas avoir calmé la tension au Moyen-Orient.

La journée de samedi, il est vrai, avait été marquée par des développements dramatiques sur le terrain. Outre les violences désormais habituelles depuis neuf jours, et les morts et blessés qu'elles provoquent, l'évacuation tôt le matin à Naplouse des soldats israéliens qui s'étaient retranchés dans le tombeau de Joseph, transformé en casemate, a donné lieu à un véritable saccage de ce lieu saint pour les juifs. Les Israéliens y ont aussitôt vu la preuve que l'Autorité palestinienne était incapable de respecter ses engagements, puisque le retrait des soldats de Tsahal s'était fait en liaison avec la sécurité palestinienne, investie de la protection du tombeau de Joseph. Le traumatisme est grand en Israël, dans la mesure où d'autres lieux saints juifs se trouvent en territoire palestinien, comme le tombeau de Rachel ou le caveau des Patriarches d'Hébron.

Vers un gouvernement d'union nationale avec Sharon

Toutes choses égales, le saccage du tombeau de Joseph heurte les sentiments juifs comme la venue de Sharon sur l'Esplanade des Mosquées avait pu heurter les sentiments musulmans. Yasser Arafat a d'ailleurs ordonné au maire de Naplouse de faire reconstruire le tombeau mis à sac. Mais il en faudra davantage pour rassurer les Israéliens qui se battent désormais sur plusieurs fronts : la capture par le Hezbollah de trois militaires israéliens dans les fermes de Chebaa, une zone revendiquée par le Liban, à la lisière de la Syrie et toujours occupée par Israël, a brutalement réveillé la blessure libanaise, que l'on croyait refermée avec l'évacuation du Liban Sud en mai dernier. A nouveau, le bruit des hélicoptères s'est fait entendre à la frontière libanaise, où débarquaient les renforts acheminés par Tsahal, des tirs étaient échangés au-dessus des barbelés séparant désormais Israël du Liban. Ehoud Barak a mis en garde directement les autorités libanaises et syriennes, les rendant responsables de la sécurité des trois soldats tandis que l'on évoquait à nouveau la possibilité de bombarder Beyrouth.

Face à la menace d'une guerre ouverte israélo-arabe, Ehoud Barak a entamé des pourparlers avec le leader du Likoud Ariel Sharon pour former un gouvernement d'union nationale. Devant le danger d'une nouvelle guerre, même le parti de gauche Meretz se déclare prêt à cohabiter avec Sharon. L'union nationale est pour Ehoud Barak une façon d'échapper à trois menaces : la disparition de sa majorité au parlement, le danger que représente une confrontation simultanée avec les Palestiniens et sur le front libanais, et la pression internationale.

Depuis neuf jours, celle-ci ne cesse de se renforcer : le Conseil de sécurité a finalement adopté samedi 7 octobre une résolution condamnant l'usage de la violence par Israël. Les Etats-Unis, qui ont bataillé plusieurs jours pour empêcher l'adoption de ce texte, ont finalement renoncé à faire usage de leur veto. Les 21 et 22 octobre, les chefs d'Etat arabes se retrouveront au Caire et il ne fait aucun doute que la condamnation d'Israël, voire l'appel à la rupture des relations diplomatiques des pays arabes avec l'Etat hébreu sera à l'ordre du jour.

Israël est isolé, Israël a peur et croit désormais à l'imminence d'une guerre.


OLIVIER DA LAGE
08/10/2000


 
 


 

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