Proche-Orient
L'après-Arafat s'organise
Israël a donné son accord pour que Yasser Arafat soit enterré à la Mouqataa (Ramallah). Les funérailles officielles auront lieu au Caire.
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Après la tragi-comédie de la veille, qui a vu lépouse du président palestinien hurler que les dirigeants palestiniens venaient à Paris pour « enterrer vivant son mari », les autorités françaises, passablement embarrassées, se retrancher derrière le droit français qui donne tout pouvoir aux membres de la famille des malades, le ton a changé : lheure est aux décisions.
Avant même que la mort du raïs ne soit officiellement constatée
et proclamée, les autorités palestiniennes, israéliennes,
égyptiennes et françaises prennent leurs dispositions pour les
funérailles et linhumation du président palestinien.
Alors que limam Tayssir Al Tamimi, chef des tribunaux religieux de Palestine,
constatait ce mercredi matin à lhôpital Percy de Clamart
que le vieux leader palestinien était toujours en vie, la question de
lenterrement de Yasser Arafat était ouvertement abordée
à Ramallah, Jérusalem, au Caire et à Paris. « Tant
quil y a de la chaleur et de la vie dans son corps, on ne peut débrancher
les équipements. Cest interdit par la charia », rappelait
Al Tamimi peu avant de constater quArafat « est toujours en
vie ». Mais plus personne nentretient la fiction du coma réversible.
Diffusée sur toutes les télévisions, la physionomie bouleversée des quatre dirigeants palestiniens venus à Paris voir Arafat en disait plus que nimporte quel discours. Pour le chef de lOLP, cest le dernier combat et il est en train de le perdre.
En début daprès-midi, à Ramallah, des bulldozers
ont commencé à déblayer les gravats entassés dans
la cour de la Mouqataa, le quartier général dans lequel Arafat
vivait enfermé depuis trois ans. Cest là quil sera
enterré et quun mausolée lui sera érigé. Dans
la matinée, après quelques tergiversations, le gouvernement israélien
a fini par donner son accord, estimant vraisemblablement quil y avait
plus dinconvénients pour Israël que davantages à
interdire aux Palestiniens dy enterrer leur ancien chef.
Les funérailles officielles, en revanche, se dérouleront au Caire.
Elles seront à la fois « officielles et limitées »,
ont précisé les Égyptiens. Cela arrange aussi tout le monde.
On imaginait mal des chefs dÉtat arabes accepter de se soumettre
aux contrôles israéliens pour venir enterrer Arafat, ce qui aurait
été le cas si la cérémonie sétait tenue
dans les Territoires occupés. De surcroît, cela permet à
lÉgypte de rappeler son existence dans le dossier du Proche-Orient,
à un moment où beaucoup veulent espérer une reprise du
processus de paix. Quant à la France, dont le ministre des Affaires étrangères
Michel Barnier disait dimanche encore quil était indécent
de parler des obsèques dArafat, elle prend « toutes
les dispositions nécessaires en liaison avec la famille et les
autorités palestiniennes » pour le rapatriement du corps du
président palestinien après son décès.
Des élections sous soixante jours
Une fois la mort annoncée, la loi fondamentale de lAutorité palestinienne prévoit que lintérim de la présidence est assuré pour une durée de soixante jours par le président du Conseil législatif, Raouhi Fattouh. Au terme de cette période, des élections doivent intervenir pour désigner un nouveau président de lAutorité palestinienne.
Reste à savoir si le gouvernement israélien permettra la tenue
de telles élections. Voici près de trois ans, une semblable proposition
des Français et des Allemands sétait heurtée à
lhostilité des Américains et des Israéliens. Mais
ces derniers ayant toujours affirmé que le départ dArafat
changerait la donne, il nest pas exclu quAriel Sharon estime ou
que les Américains lui fassent comprendre que cette fois-ci, il
est de lintérêt dIsraël quune nouvelle direction
palestinienne tire sa légitimité du suffrage populaire.
OLIVIER DA LAGE
10/11/2004