Proche-Orient
L'ONU recrée l'État palestinien
Le Conseil de sécurité a adopté par 14 voix contre une
abstention une résolution évoquant un État palestinien
aux côtés dIsraël. Le texte a été proposé
par les États-Unis.
Cinquante-cinq ans après le vote de la résolution 181 instituant
le partage de la Palestine, le Conseil de sécurité vient d'adopter
une résolution° 1397) qui évoque pour la première fois
un État palestinien aux côtés dIsraël. Cette
résolution a été adoptée par 14 voix et une abstention,
celle de la Syrie. Le plus surprenant est que la proposition émane des
États-Unis qui lont présentée comme une initiative
de consensus, alors que Washington, dans la période récente, navait
pas hésité à user de son droit de veto pour sopposer
à toute résolution qui risquait de mettre en cause Israël.
Il est vrai quen loccurrence, tel nétait pas le cas,
puisque cette résolution, contrairement à celle du 29 novembre
1947, ne créée pas un État palestinien, mais se contente
dévoquer une «vision dune région dans laquelle
deux États, Israël et Palestine, vivent côte à côte»,
à lintérieur de frontières sûres et reconnues.
Dailleurs, si les Palestiniens ont accueilli la résolution 1397
comme une « avancée », le gouvernement israélien a
pour sa part accueilli « positivement » le vote de ce texte. Il
est vrai quAriel Sharon sest lui-même, a plusieurs reprises,
prononcé en faveur dun État palestinien dans un avenir non
précisé.
Occupation illégale
Avant louverture du débat à huis clos, le secrétaire
général de lONU, Kofi Annan, avait lancé un appel
solennel à Ariel Sharon et Yasser Arafat, un appel en forme de mise en
garde. Cest la deuxième fois en quelques semaines. Récemment,
Kofi Annan les avait avertis que lhistoire jugerait « durement »
ces dirigeants sils ne se ressaisissaient pas rapidement. Cette fois-ci,
Kofi Annan énonce pour la première fois publiquement ce quil
estime être les droits et devoirs respectifs des Palestiniens et des Israéliens
:
«Aux Palestiniens, je dis: vous avez le droit inaliénable à
un État viable à l'intérieur de frontières sûres
et internationalement reconnues mais vous devez mettre un terme à tous
les actes de terreur et aux bombes-suicides. Prendre délibérément
pour cible des civils est moralement répugnant».
Aux Israéliens, je dis: vous avez le droit de vivre en paix et en sécurité
à l'intérieur de frontières internationalement reconnues
mais vous devez mettre un terme à l'occupation illégale et, encore
plus urgemment, vous devez arrêter le bombardement des zones civiles,
les assassinats, l'emploi non nécessaire de la force létale, les
démolitions (de maisons) et les humiliations quotidiennes des Palestiniens
ordinaires».
Aux dirigeants des deux parties, je dis: vous pouvez encore éloigner
vos peuples du désastre ».
Si le discours se veut équilibré, il contraste fortement avec
le discours américain qui met exclusivement laccent sur la responsabilité
palestinienne et le droit sans limite des Israéliens à se défendre
contre le terrorisme. Surtout, cest la première fois que le secrétaire
général qualifie loccupation israélienne d«illégale».
En dautres temps, une telle déclaration aurait suscité des
réactions indignées dIsraël et une prise de distance
immédiate de la part des États-Unis. Tel na pas été
le cas. Le représentant américain John Negroponte a simplement
dit que la description de la situation par Annan était «correcte,
même si nous ne reprenons pas nécessairement à notre compte
tous les termes utilisés». Quant à lambassadeur israélien,
il sest contenté de dire quen concluant les accords dOslo
en 1993, Israël avait accepté le principe dun retrait des
territoires occupés.
Les optimistes en concluront quIsraël et les États-Unis ont
assoupli leur position dans la perspective dune reprise du processus politique.
Mais les cyniques y verront avant tout un geste dapaisement en direction
du monde arabe, de la Russie et de lEurope, au moment où le vice-président
américain Dick Cheney est au Moyen-Orient pour tenter dobtenir
le soutien des Arabes à une opération militaire contre lIrak.
OLIVIER DA LAGE
13/03/2002