Proche-Orient

Le dilemme d'Arafat

 

Alors qu'Israël poursuit ses attaques contre les activistes palestiniens, Yasser Arafat est confronté à l'opposition croissante des Palestiniens qui veulent en découdre avec Israël.

Mardi, Yasser Arafat, qui se trouvait aux Emirats arabes unis, a dû écourter une tournée dans le monde arabe pour revenir précipitamment à Gaza. Des affrontements avaient opposé la police palestinienne à des activistes proches du Hamas, mais aussi du Fatah, le propre mouvement de Yasser Arafat.

L'événement qui a déclenché les affrontements est l'interpellation lundi par les forces de sécurité palestiniennes de membres du Hamas et des Comités de résistance populaire. Ces derniers rassemblent d'anciens policiers proches du Fatah. Dès l'annonce de leur arrestation connue, des émeutes ont éclaté à Gaza, rassemblant plusieurs centaines de manifestants. Pour l'Autorité palestinienne, ces heurts ont pour cause une «provocation politique» de la part du Hamas. Mais la réalité est beaucoup plus inquiétante pour Arafat et ses proches : l'opposition provient désormais de son propre mouvement.

Qu'il y ait divergence d'appréciation entre le pouvoir politique (l'Autorité palestinienne) et sa base n'a rien d'une nouveauté. L'éclatement de la seconde intifada en septembre 2000 avait permis à Yasser Arafat de retrouver une partie de la popularité perdue lors des années de négociations israélo-palestinienne, lorsque le président palestinien apparaissait trop souvent aux yeux des siens céder sans contrepartie aux Israéliens. Depuis l'éclatement de la révolte, il était à nouveau en phase avec son peuple.

Mais depuis l'attentat de Tel Aviv qui avait coûté la vie à plus d'une vingtaine de jeunes civils israéliens à l'entrée d'une discothèque, Yasser Arafat s'est trouvé soumis à une intense pression, notamment de la part des Européens, pour qu'il accepte et fasse respecter le cessez-le-feu préconisé par George Tenet, le chef de la CIA. C'est sous la pression internationale, aux côtés de Joschka Fischer, le ministre allemand des Affaires étrangères, que Yasser Arafat a annoncé cette acceptation. Depuis, la communauté internationale n'a pas relâché sa pression sur lui.

Les Palestiniens favorables aux attaques anti-israéliennes

Selon un sondage menée conjointement par des instituts israélien et palestinien publiée dimanche dernier, 92 % des Palestiniens se disent favorables à des attaques armées contre les soldats israéliens dans les Territoires occupés et 58 % soutiennent des attaques armées contre des civils en Israël même.

Déchiré entre la solidarité avec son peuple, soumis aux incursions répétées de l'armée d'occupation, et le souci de ne pas perdre le soutien international crucial pour la réalisation de ses aspirations, Yasser Arafat a longtemps paru tergiverser. L'appui du G8 au principe du déploiement d'observateurs internationaux, même s'il est assorti de conditions, a convaincu Arafat qu'il fallait conserver la confiance de la communauté internationale qui commence à faire défaut à Ariel Sharon. Or, cette confiance a un prix : la neutralisation, autrement dit l'arrestation, des groupes paramilitaires du Hamas ou du Fatah susceptibles de remettre en cause le cessez-le-feu sur lequel Arafat a engagé son crédit.

Mais dans le même temps, les attaques ciblées de l'armée israélienne contre les casernes palestiniennes, la fermeture des routes qui interdit aux chefs militaires palestiniens de coordonner leur activité affaiblissent la structure du pouvoir d'Arafat, tout comme les attaques politiques du gouvernement Sharon contre Arafat, qui viennent saper davantage encore son autorité. Un jour, c'est Sharon lui-même qui parle d'Arafat comme d'un «menteur pathologique» et d'un «terroriste», un autre jour, tel ministre dénonce «Arafat le terroriste» tandis qu'un journal israélien publie un rapport des services secrets selon lequel le maintien d'Arafat au pouvoir présente davantage d'inconvénients pour Israël que sa disparition. Enfin, le chef d'état-major Shaul Mofaz répète à l'envi que l'Autorité palestinienne est devenue une «entité terroriste».

Au fond, l'entreprise de délégitimation de Yasser Arafat lancée par Ariel Sharon depuis son accession au pouvoir semble commencer à porter ses fruits : Arafat, récusé comme partenaire par le gouvernement israélien, ne semble plus en mesure de convaincre non plus qu'il contrôle ses troupes.


OLIVIER DA LAGE
25/07/2001

 
 


 

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