Proche-Orient

Camp David : autopsie d'un échec


Il y a un an, les négociations de Camp David échouaient, marquant la fin du processus de paix. Peu après, éclatait l'intifada qui a déjà fait près de 700 morts. Avec le recul et les témoignages désormais publics de différents acteurs, on s'aperçoit qu'à Camp David, et surtout aussitôt après, beaucoup a été accompli et qu'un accord était à portée de main.


Un an après le traumatisme de l'échec des négociations de Camp David et après dix mois d'affrontements meurtriers qui ont fait près de 700 morts, on a peine à imaginer qu'à la veille de l'intifada, Yasser Arafat et Ehoud Barak devisaient amicalement autour d'un dîner, au domicile de ce dernier.


Depuis, Israéliens et Palestiniens ont doublé la guerre sur le terrain d'une guerre de propagande cherchant à faire porter à l'autre camp la responsabilité de l'échec et des affrontements. Pourtant, même dans les phases les plus critiques, les contacts n'ont jamais cessé et alors même que les porte-paroles se vilipendaient mutuellement, les négociateurs, dans la discrétion d'une capitale européenne ou de la chambre d'un hôtel israélien continuaient inlassablement de tisser la toile que les combattants s'employaient à déchirer à l'extérieur.


Au lendemain de l'échec de Damp David, Ehoud Barak et Bill Clinton se sont employés à faire porter à Yasser Arafat l'entière responsabilité de cet échec : le président palestinien n'aurait pas saisi la générosité du premier ministre israélien lui offrant une forme de souveraineté sur Jérusalem et 97 % des territoires occupés. Les Palestiniens ont, bien sûr, toujours contesté cette interprétation, soulignant qu'ils avaient mis en garde contre un échec, dû à l'impréparation du sommet.


Le huis-clos de Camp David avait été assez relatif, dans la mesure où Israéliens et Palestiniens avaient pris à témoin l'opinion. Depuis peu, Bill Clinton s'y est mis à son tour en donnant à l'étranger une série de conférences-débat tarifées au prix fort. Mais surtout, on dispose désormais du témoignage direct de deux témoins prévilégiés du processus de paix : Robert Malley, conseiller du président Clinton pour le Proche-Orient, et Terje Roed-Larsen, l'envoyé spécial des Nations Unies à Jérusalem.


Mythes et légendes sur Camp David


Dans une série d'articles publiés aux Etats-Unis et dans la presse internationale, Robert Malley s'en prend aux «légendes» colportées sur l'échec de Camp David. Pour l'ancien conseiller de Clinton, on ne peut pas dire que cela a constitué un test des intentions réelles d'Arafat, dans la mesure où ce dernier, qui attendait toujours qu'Israël procède au dernier retrait prévu par les accords précédents, a cru que Barak cherchait à se soustraire à ses obligations. Autre mythe, selon Malley : Arafat a rejeté une offre généreuse qui répondait aux aspirations des Palestiniens. En fait, explique-t-il, même si la proposition israélienne allait beaucoup plus loin qu'aucune autre dans le passé, les Palestiniens n'avaient toujours pas l'Etat viable sans lequel une paix ne pouvait être durable. Malley témoigne aussi pour la première fois que la colère et la frustration de Clinton étaient dirigés aussi bien contre Barak qu'Arafat. A ce dernier, Malley reproche de ne pas avoir saisi l'occasion pour faire des contre-propositions.


Quant à Terje Roed-Larsen, il souligne dans un entretien au New York Times que dans la foulée de Camp David, d'intenses négociations ultra-secrètes se sont poursuivies entre Israéliens et Palestiniens, produisant un document de travail pouvant servir de base à un accord de paix. Le sérieux de ces discussions explique qu'Ehoud Barak, qui avait publiquement fustigé l'attitude d'Arafat après Camp David, ait radicalement changé son approche, allant jusqu'à «courtiser» le leader palestinien et l'inviter à dîner dans l'intimité de son domicile privé le 27 septembre.


Le lendemain, la promenade d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des mosquées à Jérusalem-Est donnait lieu à de vives protestations palestiniennes dont la répression par l'armée israélienne a été le point de départ de cette deuxième intifada.


Pourtant, assurent tous les participants à ces négociations secrètes, le travail accompli n'est pas perdu. Les documents déjà rédigés seront nécessairement la base de tout accord futur, lorsque reviendra le temps des pourparlers.


OLIVIER DA LAGE
27/07/2001
 
 

 

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