Proche-Orient
Israël entre espoir et craintes
La perspective de la mort dArafat suscite autant de craintes que despoirs
chez les dirigeants israéliens car lavenir immédiat est
gros dincertitudes.
Il ne manque pas en Israël de gens pour souhaiter la mort dArafat. Certains, parmi les plus hauts responsables, ont même réaffirmé ces derniers mois leur souhait de le tuer. Cest notamment le cas de Shaoul Mofaz, le ministre de la Défense, lun des plus ardents au sein du cabinet israélien à plaider pour son élimination physique ou, à défaut, son bannissement à létranger. Cest pourtant ce même Shaoul Mofaz qui, dès mercredi, a donné son autorisation au transfert du président palestinien à lhôpital de Ramallah, levant de fait lassignation à résidence à laquelle il avait contraint le vieux leader cloîtré ces trois dernières années dans les quelques dizaines de mètres carrés de ce qui reste de la Mouqataa, la présidence de lAutorité palestinienne.
Doù vient donc cette étrange shadenfreude à lheure
où la biologie semble accomplir le rêve dAriel Sharon et
des siens ? Cest que la joie à la perspective de voir disparaître
leur vieil ennemi se mélange de sourdes inquiétudes. La première
est de se voir accuser par la communauté internationale davoir
délibérément causé la mort du Raïs en le privant
des soins que nécessitait son état. Il importe donc de ne pas
prêter le flanc à la critique, à un moment particulièrement
délicat sur le plan diplomatique : lélection présidentielle
américaine est dans moins dune semaine, et son résultat
incertain et un récent rapport du ministère israélien des
Affaires étrangères a mis en garde le gouvernement sur les risques
dune opposition marquée avec lUnion européenne, appelée
à jouer un rôle croissant dans les affaires du monde dans les années
à venir.
Le risque dun débordement
Lautre souci relève de la sécurité. En labsence
dun successeur incontestable, la guerre des chefs risque de dégénérer
en conflit civil armé entre les différentes factions palestiniennes.
Et sil est parfois bon de voir lennemi se déchirer, les services
secrets israéliens sont parfaitement conscients des risques de débordements
menant à une situation explosive et incontrôlable, dans laquelle
les différentes tendances en lutte pour le pouvoir chercheront à
gagner leur légitimité en faisant assaut dintransigeance
à lencontre de loccupant. Le risque nest donc pas confiné
aux Territoires palestiniens et pourrait fort bien gagner Israël. Linquiétude
du royaume jordanien devant la perspectives de troubles au sein de la population
palestinienne, qui représente près de 60 de celle du royaume hachémite,
na rien qui puisse rassurer Israël, bien au contraire.
Enfin, la mort, ou lincapacité qui frapperait Yasser Arafat intervient
dans un moment crucial pou Ariel Sharon, qui vient dobtenir de haute lutte
laccord de la Knesset pour le désengagement de Gaza. Or, ce plan
de retrait unilatéral navait pour seule justification, tant auprès
de la population israélienne que de lallié américain,
que labsence dun partenaire palestinien avec qui poursuivre le processus
de paix.
Cest dans ce contexte quil faut lire la déclaration du ministre
israélien des Affaires étrangères Sylvan Shalom, qui a
déclaré jeudi matin que son pays était prêt, sous
certaines conditions, à renouer le dialogue avec une direction palestinienne
si Arafat venait à mourir.
Avant même que ce scénario se produise, les volontaires se sont
fait connaître, au premier rang desquels lancien chef de la police
de Gaza et éphémère ministre de lIntérieur
Mohammed Dahlan, toujours bien vu des Israéliens et des Américains,
qui vient de déclarer en substance que le seul problème empêchant
la reprise du dialogue avec Israël était le cas Arafat. Mais encore
une fois, quel que soit le leader qui émergera de la compétition,
les Israéliens en sont conscients, il devra gagner sa légitimité
en adoptant une position dure à légard de lÉtat
hébreu. A défaut, il apparaîtrait comme lhomme des
Israéliens et ne durerait guère.
On connaît le diable que lon perd, mais pas celui qui le remplace
OLIVIER DA LAGE
28/10/2004