Prologue

Minuit et toujours cette bruine. La place Denfert était vide. Pas un passant, juste quelques bagnoles fantomatiques. Et c’est là que je l’ai vue, malgré la pénombre. Une forme dans une flaque noire. Mon cœur s’est emballé. Je me suis un peu approché et j’ai compris. L’estomac noué, j’ai bondi en arrière. A mes pieds, un molosse gisait dans une marre de sang. Mon pouls martelait ma poitrine. Mais une autre sensation a pris le dessus : l’impression de ne pas être seul. Comme si… comme si on m’observait. Je me suis retourné et j’ai reçu le second choc. A trois mètres de moi, il était assis sur un banc. Un type chauve avec une épaisse moustache. Et des yeux... béants. L’angoisse m’a vrillé les reins. Son regard exorbité ne laissait aucun doute : il était mort. J’en suis resté tétanisé ; puis, j’ai réussi à tendre le bras.

Lorsque mes doigts ont touché son manteau trempé, la chair de poule m’a submergé ; mes membres se sont crispés. Mon mouvement a déséquilibré son torse. Sa tête s’est affaissée en avant ; elle a entraîné son corps qui a basculé. Le cadavre s’est effondré à côté du clébard. L’adrénaline a redoublé, comme si mes vertèbres m’injectaient de l’acide dans les nerfs. Le chauve portait une étrange blessure au cou. Des palpitations résonnaient partout en moi ; je me suis quand même accroupi pour mieux voir. Une envie de vomir m’a submergé. Je me suis détourné pour gerber au pied d’un marronnier. Je tremblais de tous mes membres. J’ai dû m’accrocher au banc pour me redresser. Mes dents jouaient des castagnettes. C’est alors que j’ai remarqué l’inscription : "Vengeance." Le mobile du crime était taggué à la bombe rouge sur le mur. Je me suis raisonné comme j’ai pu et j'ai appelé les flics avec mon portable.

Quand je suis enfin arrivé chez moi vers une heure, ma compagne était endormie, une plaquette de Témesta posée en évidence sur la table de chevet. Je n’ai pas réussi à la réveiller pour lui raconter ce qui m’était arrivé. De toute façon, je savais qu’elle m’aurait tiré la tronche : depuis la veille, nous étions en froid à cause d'une engueulade puérile sur l'écriture. Malgré le somnifère que je lui empruntais, ma nuit fut agitée. Je me réveillais à plusieurs reprises avec l’impression d’être pourchassé par des aboiements féroces. Au petit matin, comme le sommeil ne venait toujours pas, je finis par me relever pour aller m’assommer d'une double rasade de Whisky.

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