La consigne où les pauvres déposent toutes leurs richesses

Solidarité . L’ouverture d’une bagagerie consigne sociale sur l’île Saint-Louis permet aux personnes en difficulté de poser leurs affaires encombrantes.

Entre une cour et les douches municipales du 4e arrondissement de Paris, le local flambant neuf de la petite association Bagagérue ouvre ses portes, le lundi et le mercredi, pour servir de consigne à bagages à toux ceux qui le désirent. Dans la petite pièce, les usagers s’affairent, venus de tout Paris, et souvent même d’ailleurs. Plusieurs expriment leur soulagement ouvertement, heureux de pouvoir déposer des affaires traînées pendant des jours. « Je suis très content d’avoir connu cette association, explique un homme venant du Tchad. Ce genre d’organisation est très pratique quand on a nulle part où dormir. » Les gens s’écoutent et se regardent entre deux gorgées de café. Tous, sans aucune distinction ni préférence de la part de l’association, et quelle que soit leur situation personnelle, peuvent utiliser gratuitement un casier, pendant deux mois au maximum, en échange d’un simple papier comprenant un nom, un prénom et, si possible, une adresse et un numéro de téléphone. Une photocopie des papiers d’identité est aussi demandée, mais pas indispensable. Chacun est accueilli par une poignée de main suivi d’un petit café et d’un petit brin de causette, si désir il y a.

C’est donc à deux pas de l’église Notre-Dame, sur l’île Saint-Louis, que Claire Grover a eu l’idée d’aménager cette bagagerie de quartier. Peintre graphiste de sa profession, membre du conseil de quartier Saint-Gervais (Paris, 4e) et fervente partenaire des activités organisées par la mairie en faveur des gens de la rue, elle soumet son initiative en février 2005 au conseil, qui la soutient immédiatement et entame une démarche auprès de la maire, Dominique Bertinotti, afin de trouver un lieu à aménager. C’est en septembre 2005 que le local des bains douches du 8, rue des Deux-Ponts lui est proposé. Afin d’officialiser et de rendre durable le développement de cette activité, l’association Bagagérue est créée, et c’est au début 2006 que les quatre conseils de quartier du 4e décident de financer à part égale l’installation de 28 casiers fermés et 6 ouverts. La bagagerie ouvre ses portes le 4 mai 2006.

soutien de la mairie

« J’essaye, avec mon équipe, de rendre le séjour de tous les demandeurs le plus agréable possible. Grâce au soutien de la mairie du 4e, de la bagagerie Emmaüs alternative, et du bouche à oreille des utilisateurs, notre petite association est très vite devenue populaire, à tel point que les casiers sont en permanence complets, et que nous devons refuser du monde. Une demande énorme et une place insuffisante pour accueillir les affaires de tous », explique la directrice. « Un problème qui peut se résoudre facilement si tout le monde donne un peu de son temps », explique une des bénévoles, car la mairie encourage et soutient ce genre d’activités, et les conseils de quartiers possèdent un budget raisonnable pour les financer. Pour l’association Bagagérue, il s’agit de deux heures par semaine, un laps de temps réellement dérisoire comparé au service rendu à tous ceux qui désirent placer leurs affaires en consigne. « Je ne cherche pas à changer le monde, je souhaite simplement rendre la vie de certains défavorisés un peu plus agréable », nous dit Claire Grover. Pari tenu et gagné.

Samuel Creutz

Article paru dans l'humanité du 28 juillet 2006.