Contribution au groupe de travail du 15 novembre 2006

Le thème de ce groupe  de travail est « architecture et insertion ».

Cette contribution n’aborde que très partiellement l’aspect programmatique, dont il demeure de nombreux éléments à définir et qui est le préalable obligatoire à l’élaboration du cahier des charges.
 
Parler d’architecture a un « sens
Au passage, rappelons nous ceux qui, il y a un an et demi (en soutenant à cor et à cri le projet d’un champion qui les aurait aujourd’hui « trahis ») qualifiaient de « bobos esthétisants » ceux qui s’attachaient autant à l’architecture qu’aux fonctionnalités.
Pour nous, on le répète : parler d’architecture a un « sens ».
Au-delà de la simple construction « fonctionnelle », l’architecte va pouvoir dépasser la fonctionnalité pour donner une « symbolique » au projet…
Et c’est ici, au niveau de l’esquisse, que les choses se jouent.
Car, soyons sûrs qu’entre le choix d’« une basket géante », d’une pyramide ou même d’une baleine comme à Bilbao, le contenant finira bien par inspirer le contenu.

Se contenter de ne juger que des fonctionnalités, comme certains l’ont demandé, asserviraient ce centre à ses seules fonctions principales actuelles : celle d’une gare et d’un centre commercial.

L’esthétique renvoie donc au sens, autant que Versailles renvoie à la puissance de la monarchie ou une boîte à pizza géante à Carrefour ou Monoprix.

A ce titre d’ailleurs, le premier critère de choix du concours, celui du coût final, nous paraît mal augurer de la décision finale…
Et, c’est une nouvelle fois aux artistes de tenter d’inventer le sens qui manque à ce projet.

C’est pour cette raison que nous demandons qu’on insiste plus, dans le cahier des charges, à la fois sur la dimension métropolitaine de cet ensemble, sur l’image symbolique de cette 21e porte de la capitale, et, partant, sur l’ambition qui doit être à la hauteur de la Ville Lumière.

La mixité : un objectif signifiant
Quand on parle de « sens », on ne peut se contenter d’invoquer celui de la « mixité » : la mixité n’est pas, à ce jour et aux Halles, une valeur en soi. Ce n’est encore qu’une « donnée», riche et fructueuse (propre d’ailleurs à tous les centres historiques des grandes cités) qui est ici la conséquence de l’extension des transports urbains. En revanche, l’assumer comme symbole républicain, et surtout privilégier son ACCOMPAGNEMENT ou son ACCUEIL (et pas seulement l’accueil commercial) nous semble être un objectif signifiant.

Des émergences : vers quel objectif ?
De même, alors qu’on parle d’émergences possibles au-dessus d’un hypothétique toit, nous prétendons que les consacrer à un auditorium ou  à un conservatoire  n’est pas la même chose de que  les réserver à la Fnac ou à H et M. On doit pouvoir imposer cette idée-là à travers les objectifs du cahier des charges.

Mais revenons sur des points précis :

1/ D’abord sur le coût de ce concours :
Comment expliquer aujourd’hui une indemnité de 200.000 euros allouée séparément à  dix architectes sur 16 semaines et pour des « esquisses », alors que l’on avait alloué 100.000 euros précédemment pour une étude de définition de 18 mois autrement plus complète ?
C’est le prix, nous dira-t-on sans doute, pour séduire de grands noms, peu attirés par un concours trop « encadré ».
Nous proposons donc, quitte à payer cher pour avoir beau, de veiller à ce qu’il reste aux architectes une grande part de liberté, au delà des contraintes techniques et de « l’insertion urbaine » votée par le Conseil de Paris.
Qu’au delà des lignes, des cubes,  des carreaux carrés, et des résilles algorithmées (qui ne furent jamais votées), la courbe, « les courbes » puissent avoir droit de cité.

2/ Sur le choix du « cratère de Vasconi » ou du « grand toit ». Laissons donc liberté et latitude aux concepteurs.
Rappelons tout d’abord que cette problématique n’a de sens que pour ce qui concerne la Place Basse et ses coursives…
Ailleurs, il faudra bien un toit pour protéger les nouveaux volumes !
Le débat se résume donc à : couvrir ou non le cratère.

David Mangin s’appuie, dans son argumentaire pour justifier la présence d’un grand toit, sur des considérations de lumière, de reflets, de contrastes et de visibilité publique et commerciale.

On peut rappeler ici qu’il y a d’autres considérations :
 - L’attachement au geste architectural de Vasconi, jamais remis en cause, et dont l’inspiration mérite beaucoup mieux qu’un coup de gomme.
- La possibilité, dans ce cratère, d’être plus vite à l’air libre, que ce soit pour la sécurité ou plus prosaïquement pour les « fumeurs » du centre…
- La prise en compte des critères d’économie d’énergie, tant sur le plan de la lumière que sur celui de la climatisation ( chaude ou froide).
- Le confort des salariés, pour lesquels ce n’est pas la même chose d’avoir une lumière diffuse et enfermée qu’une ouverture directe sur le ciel.

Rappelons enfin qu’il est possible d’utiliser un toit (au dessus du cratère ou ailleurs) pour d’autres usages.
 - On peut y rêver d’espaces verts aux capacités régulatrices de chaleur, de promenades, de coursives…
 - Et en y  associant des transparences, ne pas être contradictoire avec les besoins de lumière…
C’est pour ces raisons qu’il nous paraît délicat de choisir entre Vasconi ou sa suppression.
Imposer le maintien de cette architecture ou de son concept, quelle qu’en soit la qualité, c’est nécessairement brider la vision d’ensemble du projet. Laissons donc liberté et latitude aux concepteurs.

3/ Transparence, co-visibilité et synergie culturelle
Au sujet des transparences, il serait bon de suggérer que les superstructures fussent les plus transparentes possibles, tant sur les plans verticaux qu’horizontaux, afin d’assurer une aération de l’espace mais aussi de permettre une meilleure co-visibilité entre espaces culturels et espaces commerciaux.
Dans ce contexte, nous souhaitons que les centres culturels soient non seulement visibles et identifiables, mais aussi regroupés et ni disséminés ni perdus dans la masse des commerces.

4/ L’axe diagonal Place des Innocents - Saint Eustache : visuel et piéton ?
Nous regrettons qu’ait été sacrifié, sur presque toutes les hypothèses de David Mangin, l’un des axes visuels les plus remarquables qui est l’axe diagonal Place des Innocents - Saint-Eustache.
Pourquoi ne pas indiquer, comme souhait, la volonté de préserver cette perspective ?
(Et, s’il devait en être autrement afin de permettre la construction des 10 à 15.000 m2 en plus, nous rappelons que nous avons toujours été opposés à ces surfaces supplémentaires.)
D’ailleurs, à bien y réfléchir, au lieu de continuer à vouloir maintenir l’axe inutile « rambla-passerelle » d’Est en Ouest, pourquoi ne pas favoriser cet axe piéton qui permet de joindre le quartier Montorgueil-Montmartre au Châtelet ? En tout état de cause, si nous ne sommes pas opposés à la notion de passerelle Est-Ouest, sa prolongation en soi-disante rambla nous semble incompatible avec le jardin « statique », mystérieux ou  poétique que nous appelons de nos vœux.

5/ Le jardin : un lieu de détente et de rêve
En ce sens, si nous préconisons toujours d’harmoniser le dessin du jardin avec l’architecture du Carreau, nous demandons que le jardin ne soit pas asservi à sa fonction « commerciale ». Qu’il ne soit pas qu’une extension du centre commercial conçue comme un « repos du visiteur » à la façon des aires de jeux pour enfants de certains restaurants. Mais qu’il garde sa fonction propre de lieu de détente et de rêve.

6/ Un axe piéton Nord-Sud qui longerait au plus près les terrasses Ouest du Carreau
A propos des lisières du Carreau : plutôt que de voir développer un axe Nord-Sud qui irait de la pointe Saint-Eustache à la rue du Pont-Neuf et qui couperait le jardin en deux (rendant quasiment inutilisable la partie Est de ce jardin) nous suggérons de réfléchir à un axe piéton Nord-Sud qui longerait au plus près les terrasses Ouest du Carreau, permettant ainsi à la fois de drainer ces terrasses et de les isoler du jardin et de ses petits enfants.
Au sujet de ces flux, rappelons que nous demandons toujours que nous soit communiquée l’étude qui nous avait été promise pour la mi-novembre de même que nous demandons toujours l’étude de Bérénice sur les commerces,  laquelle nous a été promise en avril…

7/ Le tourisme
Remarquons aussi un grand absent de la concertation : le tourisme qui est une des toutes première activités économiques de l’île de France créatrice d’emplois (700.000). C’est 10 % du PIB de la région, le 1/3 du tourisme national. C’est du développement économique à part entière que l’on retrouve peu au Halles malgré cette situation privilégiée sur le cœur historique et sur la porte principale de Paris. Les architectes dans leur projet, tout comme UNIBAIL dans son lobbying, ne peuvent l’oublier.   

Pour conclure :
Il nous semble qu’au delà des fonctionnalités, si le Carreau parvient à être non plus seulement un centre d’achat et de transports mais aussi un événement architectural, un édifice symbolique « à voir », peut-être arriverons-nous à l’intégrer réellement dans l’axe touristique Beaubourg-Le Louvre, peut-être pourrons nous détourner le fleuve piéton de Rivoli vers ce monument incontournable, et ce autant au bénéfice de commerces alors revalorisés  que des riverains.
Le « mieux-disant architectural » peut tirer l’ambition vers le haut au bénéfice de tous.


Paroles des halles

P.S :Le texte ci-dessus, rédigé hâtivement suite à une réception tardive des documents de travail, n'est pas exhaustif. D'autres éléments, relatifs notamment à la programmation et aux circulations verticales, viendront le compléter ultérieurement.