M. Bertrand DELANOË
Maire de Paris
Hôtel de Ville
Paris, le 16 septembre 2005,
Monsieur le Maire,
Bien que nos précédentes lettres soient restées sans réponse de votre part comme de M. l’adjoint chargé de l'urbanisme et de l'architecture ou de la Direction de l’Urbanisme, nous voulons toujours croire en votre capacité à affronter les questions difficiles et en votre volonté de développer la démocratie participative. Aussi, pour la première fois depuis le
début de l’opération des Halles, nous nous rassemblons pour vous faire part de notre désarroi devant le manque de transparence et de démocratie dans le traitement du projet.
Depuis la conférence de presse du 15 décembre 2004 où vous annonciez la victoire de l’équipe SEURA-MANGIN dans les marchés de définition organisés pour le réaménagement des Halles, l’opacité la plus totale a gagné le projet d’urbanisme et la concertation.
Aujourd’hui, force est de constater que les promesses n’ont pas été tenues. D’abord, du côté de la Direction de l’Urbanisme - qui a repris en régie l’opération - c’est le silence le plus complet. En freinant l’information, on pourrait croire que les techniciens de la Ville essayent de gagner du temps. Mais gagner du temps pour quoi faire ?
S’agit-il d’éloigner les associations, les usagers et la presse afin de passer en catimini des marchés qui montreraient le désengagement de la Ville au profit d’Espace Expansion et éventuellement de la RATP ? La Ville abandonnerait-elle sa responsabilité de maître d’ouvrage au profit du « chacun pour soi » ?
En effet, si David Mangin dit qu’il va travailler avec Espace Expansion et la RATP, il reste particulièrement vague sur ce sujet et la Ville ne nous éclaire pas. Nous ne savons rien non plus des missions actuelles et futures de l’agence SEURA : qui lui passe commande aujourd’hui ? Quelle est la nature des missions qu’on lui octroie ? Les insuffisances du projet
que nous avions signalées dans nos précédentes lettres ont-elles été corrigées ? Etes-vous en possession du « schéma directeur » dont vous demandiez l’élaboration dans la délibération du 12 décembre 2002 ? Quand sera-t-il porté à la connaissance des élus et des citoyens ?
Nous nous demandons également comment la Ville intervient sur le travail fait par les architectes, car, depuis le Comité de pilotage du 15 septembre 2004, l’équipe SEURA n’a « officiellement » rien présenté. Or, vous en conviendrez, ni les objectifs poursuivis, ni la programmation ne sont suffisamment développés et validés, c’est le moins que l’on puisse
dire, pour pouvoir élaborer le programme du concours du Carreau.
Ensuite, nous sommes étonnés du silence du Conseil Régional d’Ile-de-France. S’agirait-il d’un calcul économique et/ou politique ? Pourtant, en même temps que vous lanciez les études pour les Halles, n’aviez-vous pas invité le Président de Région à entrer dans le projet et les négociations ? Les Halles étant le centre incontesté de la métropole et de la région Ile-de-France, pourquoi la région ne s’investit-elle pas : pour « ne pas mettre un sou dans l’opération des Halles » ?
Enfin, lors de la prochaine réunion que vous allez, à notre connaissance, convoquer pour le 29 septembre (mais dont nous ne connaissons pas l’ordre du jour), nous demanderons des REPONSES sur le traitement de la SÉCURITÉ à l’origine du projet : les sorties RER, de même que celles du Forum ne respectent plus, depuis longtemps, les normes de sécurité. Faut-il attendre encore trois ans avant d’y remédier ? Cette question engage du même coup les responsabilités des différents acteurs économiques, parties prenantes de la gestion de cet espace.
En ce qui concerne la concertation, la situation est également au point mort. Une réunion a bien été organisée à l’Hôtel de Ville le 13 avril dernier ; mais d’une part, cette réunion n’était pas publique et la presse en avait été exclue (elle ne réunissait que les associations s’étant déjà manifestées dans la première phase de l’opération), et d’autre part,
il s’agissait surtout de définir les modalités à mettre en oeuvre pour la suite de la concertation, avant que l’objet même de cette concertation ou ses implications sur le projet n’aient été débattus !
Si cette réunion n’a encore débouché sur aucune action concrète, il semble néanmoins que la DU ait opté pour des modes de concertation qui procèdent plus d’une démarche de promotion que d’une réelle écoute et d’une reconnaissance des points de vues exprimés à verser aux débats, d’où notre hypothèse que la DU cherche « à noyer le poisson ». Nous en voulons pour preuve le fait que la réunion avec les associations soit programmée deux jours après le Conseil de Paris, et le soir de la réunion du Comité de pilotage ! La Ville demandera-t-elle alors aux associations de valider la décision préalable du Conseil ? Le dispositif de concertation de la Ville est-il en fait une chambre d’enregistrement ? Ne sommes-nous donc qu’un alibi afin d’éviter le risque de contentieux sur le projet de ZAC ?
Quant à la question de la représentativité dans le dispositif, la réponse de la Mairie à nos remarques et propositions a été l’organisation d’une réunion privée avec un seul collectif en juin 2005. Selon son compte rendu, Jean-Pierre Caffet aurait affirmé -ce qu’il n’a pas démenti- avoir donné son approbation à presque toutes les propositions d’Accomplir sur le
futur dispositif de concertation et assuré que le processus présenté par la DU en avril serait mis en place malgré les positions exprimées par les autres associations et le rapport de l’Observatoire Parisien de la Démocratie Locale OPDL).
Or, comme le montre l’OPDL, cette réunion d’avril a tout de même permis de faire émerger deux conceptions de la concertation entre lesquelles la Ville a, semble-t-il, déjà tranché : - soit, comme le propose le collectif Rénovation des Halles, une concertation entre la Mairie de Paris et les seules associations de quartier, dispositif lourd, non républicain et d'ailleurs illusoire, introduisant une confusion constante des rôles entre les politiques, les techniciens et les citoyens.
- soit, comme nous le proposons, une charte de concertation citoyenne conforme à l’esprit des lois et de la charte de 1996, prescrivant, à l’initiative du pouvoir politique administratif, la concertation et la participation des citoyens (associatifs ou non, riverains ou usagers). Les principes de cette démarche de programmation concertée et participative permettent à tout un chacun de prendre part au projet.
Ces promesses non tenues et ce manque de transparence nous amènent à vous faire part de nos demandes et nos remarques.
Nous vous demandons plus de communication, d’information et de concertation avec les usagers. Sans information, la concertation ne peut exister ; si ce manque d’information persistait, nous envisagerions un recours lors de l’enquête publique.
En nous inspirant par exemple des principes de la Commission Nationale du Débat Public1, nous vous demandons une organisation plus démocratique des débats publics comme celui qui pourrait être organisé pour cette réunion prochaine avec les associations et évidemment pour le prochain débat public. Nous souhaitons que la Mairie nous expose clairement son projet. Par exemple, les six questions que se posait M. Caffet en juillet 2004, soit après la remise des projets par les équipes, ont-elles aujourd’hui trouvé réponse ?
Permettez-nous de joindre à ces questions d’autres réflexions qui pourraient nourrir ce débat de fond et nous éclairer sur votre projet :
- où seront relogés les équipements publics déjà existants : seront-ils regroupés ou éclatés pour servir d’attracteurs aux commerces ? A qui s’adressent-ils ?
- quelle sera la nature de ce grand équipement public ? S'agit-il d'un nouvel équipement, ou est-il plus question d'une augmentation d'un des équipements déjà existants. D’ailleurs que devient le Centre du Design et de la Mode ?
- quelles solutions, testées par la RATP, sont retenues pour la salle d’échange et les circulations afin de satisfaire aux exigences de sécurité et de « confort » ?
En ce qui concerne les principes :
- quelle place est faite aux valeurs de mixité sociale et de solidarité dont la Mairie de Paris et la Région Ile-de-France se sont toujours prévalues ?
- quels sont les objectifs en ce qui concerne le caractère métropolitain et international du projet ?
En souhaitant de nouveau être entendus sur ces différents points, nous vous prions, Monsieur le Maire, de croire à l’expression de toute notre considération.
Association des Parents d’élèves du conservatoire du centre de Paris,
Association Curiositas,
Atelier des Halles du FSL Paris Centre,
Et Association Paris des Halles
Copie à : M. Jean-Pierre CAFFET, Adjoint chargé de l'urbanisme et de l'architecture,
Mme Catherine BARBE, Directrice de la Direction de l’Urbanisme.
1 Il faudrait au minimum mettre en place un calendrier de la concertation!; publier les questions posées avant le débat par des individus ou des collectifs ; lors de la réunion, déterminer précisément des temps de parole (présentation, questions de la salle, réponse du comité de pilotage)!; inciter les personnes interpellées dans les débats à répondre dans les 3 jours!; publier, 15 jours après, le compte rendu intégral du débat!; …
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Cf. : Nos précédentes lettres :
- Paris des Halles au Maire de Paris, le 24/08/05
- L’Atelier des Halles du FSL Paris Centre au Maire de Paris, le 18/07/05
- Curiositas à la Direction de l’Urbanisme, le 10/07/05
A chacune de ces lettres était annexée la charte de « Principes et mise en oeuvre d’une démarche de
programmation citoyenne des projets urbains et environnementaux » (EPPPUR, 14/01/05).
Documents complémentaires sur le site de l’Institut d’Urbanisme de Paris.