- Qu'est-ce qu'une oeuvre d'art ? -

[ Troisième et dernière partie ]
 

III ) Quels sont les rapports qui existent entre une œuvre d'art et le réel ? Point de vue des rapports entre le réel et les œuvres. Il est courant d'entendre dire que les œuvres d'art expriment quelque chose ou bien représentent quelque chose. Telle toile ou sculpture représenterait telle scène quotidienne ou mythologique, tel morceau de musique exprimerait tel ou tel sentiment…

D'ailleurs, lorsque des œuvres nous laissent perplexes, nous nous demandons : "Qu'est-ce que cela représente ?" et "Qu'est-ce que ça veut dire ?".

Or, soutenir que les œuvres d'art représentent ou expriment quelque chose, c'est soutenir qu'elles nous parlent, qu'elles disent quelque chose, qu'elles ont un sens. C'est cela qui expliquerait qu'elles nous fassent parler ou parfois penser qu'on ne les comprend pas : elles nous feraient parler de ce qu'elles représentent et expriment ou pour nous faire dire qu'on ne comprend pas ce qu'elles représentent, ce qu'elles veulent dire. Tout cela indique que nous avons à l'égard des œuvres d'art une attente de signification, d'expression, de sens qui doit être expliquée et analysée.

Or aussi, soutenir que les œuvres d'art expriment ou représentent quelque chose, c'est dire qu'elles ne sont pas des objets comme les autres et pas seulement en cela qu'elles seraient belles ou plaisantes. Si on soutient que les œuvres d'art renvoient à autre chose qu'elles-mêmes, alors cela signifie qu'elles sont des signes, si par signe on entend une réalité qui en indique une autre, une réalité perceptible qui en indique une autre qui elle n'est pas présente : pas perçue ou impossible à percevoir.

A ce titre, elles sont apparentées aux langues comprises comme ensemble de signes différenciés.

Du coup, on peut se demander si une œuvre d'art ne pourrait pas se reconnaître à cela qu'elle est un signe, un quelque chose qui représente et/ou exprime quelque chose.

Soit, mais cette idée n'est pas très claire !

  • Que signifie représenter et exprimer quelque chose ?
  • Qu'est-ce que les œuvres d'art expriment ou représentent ? Quels types de choses, quelle réalité ?
  • Comment le font-elles spécifiquement ?
Représenter et exprimer :

Posée face à une œuvre d'art, la question : "Qu'est que cela représente ?" signifie qu'on se demande à quel l'objet l'œuvre nous met en présence. A cette question, on peut répondre de bien des manières : une œuvre peut représenter une personne, un paysage, une histoire, des Dieux, …

Représenter en art, c'est rendre présent quelque chose qui ne l'est pas, quelque chose d'absent pour nous, avec un "à la place de", avec un substitut, un représentant, un signe donc. C'est rendre présent sous une forme sensible, puisque les œuvres d'art sont des objets sensibles.
 

Représenter, c'est rendre présent sous la forme d'un objet sensible quelque chose d'objectif, à savoir d'extérieur à nous, que cette chose existe ou non (César ou Jupiter) et qu'elle soit sensible ou non (la personne qu'on aime ou l'amour en tant que tel).

"Qu'est-ce que ça veut dire/exprime ?" est une question qui elle porte ou sur le sens de l'œuvre, ou sur l'objet qu'elle présente/exprime. A cette question, on peut répondre soit en explicitant dans un discours la signification, c'est-à-dire l'intention, implicite et supposée de l'artiste, soit en disant qu'elle est la réalité rendue par l'œuvre. Mais attention, lorsqu'on parle de ce qu'une œuvre d'art exprime, on ne parle pas du même type de réalité que celle qu'elle représente : ces deux réalités ne sont pas du même ordre : Les Montres molles de Dali représente comme son nom l'indique des montres molles, mais cette toile exprime une angoisse liée au temps. Mieux, une œuvre peut ne rien représenter et ne faire qu'exprimer quelque chose : cas de bien des toiles non figuratives, des installations, de la musique et de l'architecture…

Exprimer, c'est faire connaître par des signes sensibles quelque chose qui n'est pas sensible. Exprimer, c'est mettre dehors, expulser et exposer sous une forme sensible quelque chose qui en tant que tel n'est pas de l'ordre du sensible, comme une idée ou un sentiment. Exemplairement, les mots sont les signes dans lesquels nous exprimons nos pensées, nos idées.

Exprimer, c'est rendre sous une forme sensible quelque chose de subjectif donc qui n'est pas sensible.

Rq : La représentation pallierait l'absence pour nous de ce qui représenté, l'expression à l'extériorité radicale de ce qui est exprimé avec le sensible.

Qu'est-ce que, par conséquent, les œuvres d'art peuvent représenter et exprimer ?

Si représenter, c'est rendre présent un objet qui n'est pas présent pour nous, alors on ne peut représenter que des êtres et des objets qui composent le monde extérieur ou qui peuvent être figurés sous la forme de ces êtres et objets.

Et, si exprimer, c'est rendre sous une forme sensible ce qui ne l'est pas par nature, alors on peut exprimer les éléments de notre subjectivité : des idées et ce qu'on appelle parfois le monde intérieur, celui des passions, des sentiments et des émotions.

Les œuvres d'art seraient donc ou bien des représentations du monde extérieur ou bien des expressions de ce qui se passe en nous.

Telle est du reste l'opinion commune en la matière : les œuvres d'art seraient pour les artistes les moyens de s'exprimer, d'exprimer leur sensibilité et les œuvres elles-mêmes représenteraient des choses du monde avec plus ou moins de bonheur.

C'est cette double thèse que nous allons examiner à travers la dernière question que nous inspirait l'idée selon laquelle les œuvres d'art seraient nécessairement des signes.

Si les œuvres d'art représentent ou expriment des choses, comment le font-elles ? Par quels moyens est-il possible de représenter les choses ? De les exprimer ?

Parce que représenter se distingue d'exprimer, il apparaît qu'on ne peut pas employer les mêmes moyens pour représenter les choses et pour les exprimer. C'est pourquoi nous allons examiner séparément les moyens par lesquels on représente les choses de ceux qu'on emploie pour les exprimer.

Comment les œuvres d'art peuvent-elles représenter quelque chose ?

A cette question, on donne d'ordinaire une réponse simple : les œuvres d'art représentent ou expriment les choses en les imitant. L'art proposerait une imitation du réel.

Thèse qui semble confirmée par les œuvres d'art elles-mêmes : si elles paraissent représenter le monde tel qu'il nous apparaît, elles ne peuvent donc que le reproduire, l'imiter donc.

Elle semble aussi être confirmée par une expérience assez courante : trouver qu'une œuvre d'art rend bien quelque chose que nous connaissons ou que nous avons vécu. Un portrait rend bien celui qui s'y trouve peint, une scène d'un film décrit avec finesse une situation que l'on a déjà connue, … Bien rendre, n'est-ce pas bien reproduire, bien imiter donc ?

A ) Les œuvres d'art représentent-elles la nature en l'imitant ?

Dire que l'art imite la nature, c'est dire que les œuvres d'art imitent la nature, la reproduisent, la rendent présente à un public. Cette thèse a pour intérêt d'expliquer en quoi les œuvres d'art peuvent être considérées comme des représentations ou des expressions de quelque chose, comme des signes : elles montrent comme signes ce qu'elles imitent du réel, ce qu'elles reproduisent de lui.

Il semble aller de soi que pour pouvoir représenter le réel ou simplement quelque chose, il faut l'imiter. Mais que signifie imiter au juste ? En quoi les œuvres d'art imitent-elles le réel ou la nature ?

1 ) Est-il possible d'imiter la nature ?
Qu'est-ce qu'imiter la nature pour une œuvre d'art ?

  "C’est un vieux précepte que l’art doit imiter la nature ; on le trouve déjà chez Aristote. Quand la réflexion n’en était encore qu’à ses débuts, on pouvait bien se contenter d’une idée pareille ; elle contient toujours quelque chose qui se justifie par de bonnes raisons et qui se révélera à nous comme un des moments de l’idée ayant, dans son développement, sa place comme tant d’autres moments.

D’après cette conception, le but essentiel de l’art consisterait dans l’imitation, autrement dit dans la reproduction habile d’objets tels qu’ils existent dans la nature, et la nécessité d’une pareille reproduction faite en conformité avec la nature serait une source de plaisirs. Cette définition assigne à l’art but purement formel, celui de refaire une seconde fois, avec les moyens dont l’homme dispose, ce qui existe dans le monde extérieur, et tel qu’il y existe. Mais cette répétition peut apparaître comme une occupation oiseuse et superflue, car quel besoin avons-nous de revoir dans des tableaux ou sur la scène des animaux, des paysages ou des événements humains que nous connaissons déjà pour les avoir vus ou pour les voir dans nos jardins, dans nos intérieurs ou, dans certains cas, pour en avoir entendu parler par des personnes de notre connaissance ? On peut même dire que ces efforts inutiles se réduisent à un jeu présomptueux dont les résultats restent toujours inférieurs à ce que nous offre la nature. C’est que l’art, limité dans ses moyens d’expression, ne peut produire que des illusions unilatérales, offrir l’apparence de la réalité à un de nos sens ; et, en fait, lorsqu’il ne va pas au-delà de la simple imitation, il incapable de nous donner l’impression d’une réalité vivante ou d’une vie réelle : tout ce qu'il peut nous offrir, c’est une caricature de la vie. (…)

On peut dire d'une façon générale qu'en voulant rivaliser avec la nature par l'imitation, l'art restera toujours au-dessous de la nature et pourra être comparée à un ver faisant des efforts pour égaler un éléphant."

HEGEL, Esthétique I.

Commentaire :

1 ) C'est l'enfance de la pensée. Cette thèse a pour elle des raisons, mais partielles, insuffisantes.

2 ) Définition de l'imitation.

Imiter, c'est reproduire, refaire une seconde fois des objets tels qu'ils existent dans la nature. Cette reproduction à l'identique serait source de plaisir.
C'est formel : aucun contenu spirituel dans les œuvres.

3 ) C'est oiseux et superflu : à supposer que l'art parvienne à imiter les choses, quel est l'intérêt pour ceux qui les ont déjà vu ? Ce qui s'oppose à l'idée selon laquelle les œuvres d'art offrent des spectacles plaisants. Or, puisqu'elles présentent bien un tel spectacle, cela signifie qu'elles ne sont pas des reproductions d'objets réels sans quoi elles ne seraient pas plaisantes.
Hegel suggère déjà que les œuvres d'arts ne sont pas de simple reproductions, sans quoi elles n'existeraient pas ou ne seraient pas appréciées.
Mais il ne dit pas encore que la chose est impossible.

4 ) C'est voué à l'échec.

Argument plus fort. Vouloir imiter la nature est présomptueux : c'est se donner un but impossible et donc ne pouvoir obtenir que des résultats inférieurs à l'original.

Pourquoi ?

D'abord pour des raisons techniques : l'art comme tel ne dispose pas des moyens de refaire, de reproduire le réel, la nature comme tels. Les techniques artistiques ne sont pas des techniques de re-production, de clonage. Un tableau n'est pas le double du modèle.

Ensuite, parce que le caractère limité des moyens empêche tout simplement de refaire la même chose pour ne permettre que de produire (et non reproduire) que des illusions, des apparences et pour un seul sens. A vouloir imiter, on ne fait que rendre des apparences. Donc, on ne reproduit pas la chose, mais les apparences de la chose en tâchant de faire croire, de faire illusion.

Enfin parce que lorsque l'art se contente de cela, c'est-à-dire de rendre les apparences, de ne reproduire que les apparences et non la chose même, il ne fait guère illusion : il n'offre pas de la réalité qu'il imite une représentation vivante, il ne donne pas l'impression de la vie, du mouvement, il ne fait que présenter la réalité sous une allure grossière et grotesque, celle d'une caricature. Comme le dit Hegel : si on ne va pas au-delà des apparences, on ne donnera pas l'impression d'avoir affaire à ce qui est imité.

En imitant les apparences de la vie, on ne la rend pas. Voilà pourquoi l'art qui voudrait imiter la nature est dit présomptueux et comparable à un ver qui voudrait de faire éléphant. Cette image rend bien à la fois l'impossibilité et le ridicule pour l'art de vouloir imiter la nature comme telle. S'il ne fait qu'imiter, il sera toujours ridiculement éloigné de son modèle.

Hegel mobilise contre la thèse de l'art-imitation deux objections très différentes : la première consiste à dire que c'est impossible d'imiter réellement la nature, la seconde que si l'art s'en tenait à l'imitation - qu'il semble cette fois admettre comme possible -, il ne rendrait pas ce qu'il représente. Imiter les apparences d'une chose ne permettrait pas de donner l'impression de la chose imitée.

Quand l'art imite la nature, il ne donne pas l'impression de la vie et c'est en cela qu'il est inférieur à ce qu'il imite, beaucoup plus finalement qu'en cela qu'il ne peut pas imiter comme tel les choses. Il n'est donc pas si grave que l'art ne puisse pas imiter la nature ou n'en imiter que les apparences pour un seul sens parce que l'art qui se contente d'imiter ne rend pas la vie ou la nature, n'en donne pas l'impression.
 

En somme, dire que l'art imite la nature est faux parce que cette imitation est impossible si par imiter, on entend reproduire ce qu'on imite. Par conséquent, imiter, c'est ne reproduire que les apparences. Mais à s'en tenir là, on ne peut donner l'impression de représenter ou de rendre le réel. L'imitation ne permet donc pas de représenter la nature de manière vivante.
 

Est-ce que cela signifie qu'il est impossible pour les œuvres d'art de représenter quelque chose ? Non puisque bien des œuvres d'art représentent en effet des choses ou des êtres. Non puisque, selon les arguments de Hegel, ce qui est impossible, ce n'est pas de représenter, mais de le faire par l'imitation des apparences des choses.

Il dit précisément que si l'œuvre d'art ne va pas au-delà de la simple imitation des apparences, elle ne donnera pas l'impression d'une réalité vivante. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'on ne représente pas la nature en reproduisant ses apparences. Pour représenter la nature ou la vie, il ne faut pas s'en tenir aux apparences sensibles, il faut aller au-delà d'elles, voire contre elles ! Quel paradoxe !

Mais quand on observe les œuvres d'art, ce paradoxe semble être confirmé :

Le marcheur de Giacometi a ses deux talons au sol et toutefois il donne bien l'impression de marcher, certains bustes de Rodin sans tête, ni bras ni jambes semblent exploser de joie, bras et jambes tendus…, des chevaux peint par Gericault sont totalement déformés mais par ces déformations, ils donnent une impression de vitesse, le David de Michel Ange a des proportions qui n'ont rien à voir avec la réalité physique des hommes, mais sans que cela suggère qu'il est difforme ou monstrueux ou, dans le même ordre d'idée, Platon reprochait aux bas reliefs des frontons de représenter les hommes de manière déformée, afin de corriger les déformations liées à la perspective en contre plongée des spectateurs au pied de l'édifice. Dans ces deux derniers exemples, c'est bien non pas les apparences des choses elles-mêmes qui sont rendues, mais les apparences pour ceux qui les voient.

A l'inverse, les répliques à l'identique en cire du musée Grévin font fausses, figées, mortes, voire ne sont pas du tout ressemblantes ! C'est le même paradoxe, mais dans l'autre sens cette fois : une imitation fidèle des apparences ne ressemble pas bien à la chose imitée.
 

Mais comment expliquer ce paradoxe ? Comment peut-on représenter le réel sans l'imiter, sans s'en tenir à ses apparences, voire en tordant ses apparences ? Comment donner l'impression du réel si on ne l'obtient pas par la reproduction de ses apparences ? C'est extrêmement paradoxal parce que cela signifie que c'est en donnant à la chose représentée des apparences qu'elle n'a peut-être pas qu'on va la reconnaître. Que, c'est en déformant le corps des chevaux qu'on va reconnaître des chevaux au galop sur une toile. Que ce sont des chevaux imaginaires, chimériques qui représentent à nos yeux les mouvements réels des chevaux réels.

On ne peut s'en tenir à ce paradoxe et on ne peut le dépasser qu'en le supprimant : sauf à dire que les œuvres d'art, en réalité, ne représentent rien ni de réel ni d'imaginaire, on ne peut comprendre qu'elles représentent quelque chose quelque chose sans imiter exactement les apparences sensibles qu'en soutenant qu'en réalité les œuvres d'art représentent bien les apparences des choses, mais à un autre point de vue. C'est donc sur cette notion d'apparence qu'il nous faut réfléchir.
 

2 ) Comment peut-on représenter sans imiter ?
Qu'est-ce que rendre les apparences d'une chose ?

Le mot apparence est un mot ambigu dans la mesure où les apparences sont liées à la fois aux objets et aux sujets : elles sont ce qui apparaît d'une chose à quelqu'un. Les apparences sont celles d'une chose pour quelqu'un. Or, ces deux versants des apparences peuvent être partiellement séparés.
 

Du coup, ou bien par apparence, on entend les apparences de la chose, c'est-à-dire ce pour quoi elle se donne, comment elle se donne, quand à sa forme, sa texture, ses couleurs, sa consistance… Ses apparences objectives, mesurables pourrait-on dire. Ou bien par apparence, on entend la chose telle qu'on la perçoit, telle qu'elle nous apparaît.

En effet, nos perceptions sont déterminées notre état physique et psychologique, par nos connaissances, l'appartenance à une culture… On ne perçoit pas purement et simplement les choses, on les voit à travers, mais aussi par notre subjectivité : celle de notre constitution physique, psychologique et intellectuelle. Puisqu'on ne peut pas dire que nous pouvons voir les choses d'une manière neutre et toujours identique, puisque nos perceptions sont des constructions subjectives, percevoir quelque chose, c'est en produire une interprétation, presque déjà une œuvre.
 

Quel est l'intérêt de cette distinction ?

Elle permet de mettre fin au paradoxe : les œuvres d'art qui représentent les choses peuvent ne pas les imiter, ne pas reproduire leurs apparences, si par là on entend qu'elles n'en reproduisent pas fidèlement les apparences objectives, presque mesurables, pour rendre au contraire les apparences des choses, mais pour nous. Les œuvres d'art pourraient ne pas imiter les apparences des choses tout en les représentant si elles reproduisent la perception que nous avons des choses, si elles figurent, rendent sous la forme d'une œuvre ce que nous voyons et comme nous le voyons.

On peut alors distinguer deux types d'œuvres : celles qui imitent les apparences des choses, et celles qui objectivent dans les œuvres notre manière de nous les représenter.

Lorsqu'elle imite les apparences de la chose, l'œuvre est proche de la chose qu'elle représente, elle tâche de se faire passer pour la chose dont elle reproduit les apparences Dans ce cas, elle imite les apparences de la chose mais de telle sorte qu'elle cherche à donner l'impression d'avoir affaire à la chose même et non à une imitation de la chose. Elle cherche à faire croire, à tromper, à abuser, à se faire passer pour, à faire illusion. L'imitation du cuir n'en est pas et même est une matière bien peu noble, de même pour ce qui imite le bois.

On parlera de simulacre et de trompe-l'œil.

Mais, comme le montre Hegel, cette entreprise est ou vaine ou oiseuse. Ironiquement, il dit qu'elle n'est bonne qu'à tromper des pigeons et des singes (allusions aux raisins peint par Zeuxis et que des pigeons ont pris pour de rais raisins et à des planches qui reproduisaient des insectes si parfaitement qu'un singe voulu les manger), ce qui n'est pas un argument en faveur de la valeur des œuvres d'art imitatives.
 

Lorsqu'elle cherche à rendre une manière de percevoir les choses, elle ne se fait pas passer pour autre chose qu'une représentation de quelque chose, c'est-à-dire pour un signe. Dans ce cas, on ne perd pas de vue que ce n'est pas la chose elle-même, l'oeuvre n'abuse personne, elle ne se donne pas pour ce qu'elle n'est pas : elle se donne pour une simple représentation comme telle, pour un signe.

Elles ne représenteraient pas les choses telles qu'elles sont, c'est de toute façon impossible, mais telles qu'on les voit/conçoit, conformément à notre manière de les percevoir, étant entendu que nos perceptions sont sous l'influence de nos conceptions.

Elles ne prendraient des distances avec le réel que pour mieux coller à notre perception du réel et cela de telle sorte que nous pourrions immédiatement reconnaître ce qui est représenté sans pour autant que cela soit ressemblant au sens d'identique.

Des exemples :

S'il est exact qu'un marcheur n'a pas en même temps les deux talons au sol, cela importe peu si cela n'est pas perçu par nous avec précision et si en revanche on perçoit avec force, comme une évidence, l'inclinaison en avant du buste qui crée un déséquilibre, c'est elle seule qu'il faut rendre dans le bronze de telle sorte qu'il suggère un mouvement de marcheur…

Ou par exemple peindre à des tailles différentes des êtres de condition sociale distincte, comme c'est le cas des miniatures du Moyen-Age. Cette manière de représenter les hommes, qui nous semble bien peu réaliste, grossière, maladroite, est en réalité une manière au fond très parlante de représenter les êtres tels qu'ils sont perçus et conçus dans leur vérité sociale. Ces miniatures les représentent bien tels qu'ils sont socialement et ontologiquement pour ceux qui les regardent.

Ou adopter au contraire la perspective dans la représentation picturale. Elle passe pour la manière de représenter la réalité la plus fidèle et la plus conforme à ce qu'elle est, mais en fait elle est d'abord une construction géométrique par laquelle on cherche à rendre sensible une nouvelle conception de l'espace : elle est le moyen par lequel on parvient à figurer l'espace sur un plan. Cela semble aller de soi : la perspective est en réalité ignorée en de nombreux endroits comme elle l'était au Moyen-Age…Mais cette ignorance n'est pas un manque : la perspective n'aurait servi à rien dans la représentation des hommes lorsqu'elle tient compte seulement de leur dignité sociale et ontologique.

Et, on se rend d'autant moins compte que les œuvres d'art n'imitent pas du tout la réalité mais qu'elles exposent notre manière de la percevoir qu'elles le font bien. Pourtant, il est bien exact qu'on ne reconnaît les choses qui sont représentées que lorsque les œuvres, au lieu de coller aux apparences "réelles" des choses, nous offrent une objectivation de notre rapport subjectif aux choses.

Représenter en art n'est rien d'autre que rendre présent sous la forme d'une œuvre la manière avec laquelle on SE représente les choses. Une œuvre d'art est donc l'objectivation de notre rapport subjectif au monde, notre manière de le concevoir/percevoir, notre rapport vécu au monde.

Rq : Notre rapport subjectif au réel, notre rapport vécu au monde peut être analysé de bien des manières, notamment à partir de l'opposition nietzschéenne entre affirmation et négation, affirmation du devenir du multiple et ressentiment morbide, lointain écho de l'opposition entre apollinisme et dionysisme sur laquelle repose l'opposition entre les arts de la mesure et de l'embellissement mensonger du monde et les arts de l'exaltation du devenir du multiple, du tragique.

C'est là un des sens de la fameuse phrase de Klee selon laquelle l'art ne rend pas le visible, mais rend visible. Rendre le visible serait représenter la réalité visible, sensible de manière imitative. On sait que la chose n'est pas possible. Rendre visible, c'est rendre objectif et sensible une chose qui n'est pas de l'ordre du sensible mais qui est bien réelle. Rendre visible, c'est donc exprimer sous une forme sensible quelque chose qui n'est pas sensible.

Rq : Rendre sensible, ce n'est absolument pas rendre intelligible !

C'est parce que les œuvres d'art ne restituent pas fidèlement des choses que Platon s'en prend aux artistes dans La République. Parce qu'elle ne ressemble pas à ce qu'elle représente, elle abuse le spectateur en se faisant passer pour ce qu'elle n'est pas ou en faisant passer la réalité pour autre chose qu'elle n'est. L'artiste imitateur est donc un dangereux imposteur : il passe pour savant en les choses dont il parle, alors qu'il n'en connaît que les apparences pour nous. L'artiste fait croire qu'il sait de quoi il parle ou ce qu'il représente parce qu'il semble en bien parler, parce qu'il semble rendre à merveille ce qu'il représente, mais c'est une tromperie, un abus de confiance.

Ce qui signifie que lorsqu'on voit une œuvre d'art qui semble rendre quelque chose à merveille, on est abusé par elle : elle parvient à nous faire croire qu'elle rend la chose, alors qu'elle ne fait que provoquer en nous des effets qui s'approchent de ceux que la chose provoque. Elles n'imitent pas, elles trompent, font croire, ne montrent que des apparences. Elles se donnent pour des répliques des choses, pour la vérité des choses, pour les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes et non pour des approximations, des erreurs, des faux-semblants.

Seulement, si on soutient que les œuvres d'art ne reproduisent pas les apparences des choses, mais rendent sous une forme objective la manière subjective que nous avons de nous représenter les choses, cela signifie que les œuvres d'art ne représentent pas tant les choses, qu'elles expriment notre rapport à elles. Les œuvres d'art ne représentent pas les choses en les imitant, mais en exprimant notre rapport subjectif à elles.

Qu'est-ce que tout cela signifie ? Nous étions partis de l'idée selon laquelle les œuvres d'art représentent les choses et qu'elles le font en imitant leurs apparences. Or, il apparaît que ce n'est pas en imitant les apparences des choses qu'on les représente au mieux, mais que c'est en donnant une forme sensible, objective à notre manière subjective de les percevoir/concevoir/vivre qu'on y parvient. Ce qui signifie donc qu'en art la représentation des choses est de l'ordre non pas de l'imitation mais de l'expression de notre subjectivité.

Représenter, c'est exprimer et exprimer, c'est objectiver un rapport vécu à la chose qu'on représente.
Or, c'était précisément l'art en tant qu'expression de notre subjectivité que nous devions examiner en second lieu.
 

B ) Les œuvres d'art expriment-elles alors seulement notre subjectivité ?

Comme nous l'avions déjà dit, il est courant de dire que les œuvres d'art sont l'expression de la subjectivité des artistes : ils exprimeraient en elles leurs idées, leurs sentiments, leurs passions. L'art serait une forme d'expression.
Or, après avoir compris qu'il est impossible de représenter une chose autrement qu'en exprimant notre rapport à elle, on est venu à soutenir que les œuvres d'art sont l'expression d'un rapport subjectif au monde.

Est-ce à dire que nous donnons raison à l'opinion courante, tout en lui donnant une plus large extension puisque nous soutenons que toutes les œuvres d'art, y compris celles qui semblent tout bêtement ne faire que "représenter" la réalité, sont des objectivations de notre rapport subjectif au monde ?

Pas du tout : nous ne retrouvons nullement cette thèse commune selon laquelle certains œuvres d'art exprimeraient la subjectivité de leurs auteurs : leurs idées, leurs sentiments, leurs passions.
Pourquoi ?
Dire qu'une œuvre d'art exprime un rapport subjectif au monde n'est pas la même chose que dire qu'elles sont l'expression d'un état subjectif tout court.

Et si une œuvre d'art peut en effet exprimer un état affectif, (comme la musique ou la poésie savent le faire), cet état n'est jamais sans rapport avec un objet du monde et, en outre, cela ne veut pas dire que cette œuvre d'art exprime les affects ressentis par son auteur. Il est parfaitement possible d'exprimer un état qu'on ne connaît pas du tout ou pas au moment où on l'exprime. On peut faire dans la joie, l'exaltation des œuvres très sombres. C'est le cas des dernières toiles de Van Gogh.

Mais attention, que les œuvres d'art expriment un rapport au monde n'exclut pas que les affects jouent un rôle. Au contraire, ils sont constitutifs de ce rapport, l'imprègnent, le colorent, l'orientent, le déterminent en grande partie. Mais ils ne sont pas l'objet de l'œuvre d'art.

Contrairement à une idée reçue, les œuvres d'art n'expriment pas la vie affective des artistes en tant que telle, elles expriment bien plutôt un rapport vécu au monde sous l'influence de cette vie affective.

Si les œuvres d'art sont des signes, elles ne sont pas, comme on pourrait le penser spontanément, des signes qui indiquent le monde ou la pure subjectivité d'un artiste : elles signalent un rapport vécu au monde.

Soit, mais ne peut-on pas malgré tout dire que les artistes, à défaut d'exprimer leur subjectivité pure, expriment dans leurs œuvres leurs propres rapports vécus au monde ?

1 ) La subjectivité de qui ? Si on soutient que les œuvres d'art ne rendent pas les choses telles qu'elles sont, mais telles qu'elles nous apparaissent, telles que nous les percevons/concevons/vivons, on peut alors admettre que les artistes, au lieu de rendre la manière avec laquelle nous percevons les choses cherchent à rendre celle avec laquelle ils les perçoivent/conçoivent/vivent eux dans leur singularité, et de telle sorte qu'ils fassent voir, sentir et éventuellement comprendre aux autres comment ils les voient, qu'ils exposent leurs re-créations du monde à travers leurs œuvres. C'est pour cette raison qu'on peut parler de l'univers ou du monde d'un artiste.

C'est ainsi qu'on peut comprendre que certaines œuvres s'éloignent non seulement des apparences des choses, ce qui est inévitable, mais encore de la perception/conception commune des choses pour en proposer une qui est une interprétation manifeste, une manière de les enjoliver, de les trahir, de leur donner un autre sens que celui qu'on leur prête… jusqu'à l'irréalité la plus manifeste.

Exemples : Les histoires de princes charmants comme les personnages qui volent dans les airs peints par Chagall.

C'est bien le rapport au monde qui se trouve ainsi exprimé : une œuvre onirique, qui embellit la réalité, qui en dissimule les aspects sordides, qui fait toujours triompher le bien ou la vérité, ne peut naître que du refus douloureux de la réalité telle qu'elle est.

Rq : C'est là que se joue l'originalité d'une œuvre. Comme cette originalité est très fortement liée à toute une série de déterminismes qui orientent la pratique artistique, il faut convenir qu'elle peut parfaitement être l'expression de ces mêmes déterminismes et donc par exemple exprimer une époque, un profil psychologique, un complexe d'oedipe chahuté, l'état des connaissances et des préjugés… De sorte que l'artiste est plus un médiateur qu'un auteur au sens strict.

Comment les artistes font-ils pour rendre ainsi dans une œuvre leur rapport au monde ?
 

2 ) Comment les œuvres d'art parviennent-elles à exprimer notre subjectivité ?

Qu'est-ce que cela signifie qu'elles représentent les choses non pas telles qu'elles sont mais telles qu'on les perçoit/conçoit/vit ?

Comment les artistes font-ils pour exprimer la manière avec laquelle on perçoit/conçoit/vit les choses, pour rendre non les apparences, mais la manière par laquelle on les vit ?

Comment exprimer, c'est-à-dire rendre sensible, ce rapport subjectif et donc étranger au monde objectif ou sensible ?

Comment restituer sous la forme d'un objet sensible quelque chose qui n'est pas du même ordre que les objets sensibles ?

Bien sûr, en premier lieu, rendre les choses telles qu'elles nous apparaissent, cela revient à les représenter de telle sorte qu'on trahisse leur aspect d'une manière qui les rendre identifiables. On peut, par exemple en sculpture déformer les proportions des corps destinés à corriger les déformations liées à la perspective (les bas reliefs des frontons des temples grecs ou le David de Michel Ange)

Mais restituer notre rapport subjectif au monde va généralement beaucoup plus loin : il est le plus souvent nécessaire non pas de déformer les apparences, mais d'introduire dans la représentation des éléments (qui n'existent pas réellement ou pas comme tels) qui suggèrent sous une forme sensible une caractéristique non sensible ou impossible à restituer comme tel.

Exemples : exprimer la vitesse et le mouvement par des déformations expressives des corps et des objets ou par une perspective outrée, la grâce ou la spiritualité par une auréole ou une aura lumineuse autour de la tête, la dignité sociale par la taille dans la composition, la souffrance par des stridences chromatiques ou sonores, par une composition heurtée …

Or, ce n'est souvent possible que si l'artiste adopte ou invente certaines règles, certaines conventions ou certains signes qui permettent de rendre ce que l'on voit lorsqu'on perçoit/conçoit/vit la réalité. Il doit pour rendre la subjectivité de la perception adopter ou créer des codes, des règles, c'est-à-dire un langage plastiqueou symbolique qui comme tel est de l'ordre de la convention.

Mais, si la représentation artistique est en partie de l'ordre du symbole, alors les œuvres d'art créent et obéissent à la fois à des conventions esthétiques par lesquelles on peut identifier à quoi elles renvoient, à quoi elles font allusion, de quoi elles parlent. Comme l'auréole symbolise la sainteté par exemple.

Or, cette dimension symbolique est inséparable de la culture dans son ensemble puisqu'un symbole n'est possible et lisible que sur le fond de références culturelles communes et reconduites. De ce point de vue, elles en disent beaucoup plus sur les caractéristiques culturelles des sociétés dans lesquelles elles sont nées et ont été reconnues que sur le réel qu'elles figurent.
 

Rq : C'est par son langage plastique ou artistique qu'il est possible d'identifier un courant artistique, une école ou un style. Par ailleurs, on peut interpréter toute rupture artistique, dans les pratiques, les langages artistiques et les formes de représentation comme des ruptures symboliques, des modifications des conventions esthétiques, donc comme l'indice, autant qu'un facteur, d'une mutation culturelle.

Mais cela signifie qu'il entre dans l'art une dimension conventionnelle, sociale qui le coupe du réel. Mais alors, qu'est-ce que les œuvres d'art représentent au juste ? Quel est leur rapport au réel ? N'est-il pas rompu par l'expression et ses moyens symboliques ?

Les œuvres d'art ne sont pas, comme on pourrait le penser spontanément des signes qui indiquent le monde ou la pure subjectivité d'un artiste : elles donnent à voir des mondes qui objectivent ceux dans lesquels vivent les artistes et cela dans des formes symboliques propres à une culture.
Les œuvres d'art sont des symboles qui figurent des mondes parallèles.

Mais alors, que reste-t-il de la réalité effective dans les œuvres d'art ?
 

3 ) Les oeuvres d'art ne sont-elles pas sans aucun rapport avec le monde réel, purement fantaisistes ?

Art, vérité et fantaisie.
 

La perte du réel : si les œuvres d'art expriment notre rapport subjectif au monde, si elles expriment une subjectivité collective ou singulière, la référence au monde devient simple prétexte : le réel auquel elles semblent faire référence est en fait escamoté.

De sorte qu'on peut dire que le réel est comme absent des œuvres. Donc que les œuvres qu'on appelle abstraites en cela qu'elles ne sont pas figuratives ou qu'elles ne représentent rien ne le sont pas plus que toutes les autres parce qu'elles aussi ne représentent au fond rien.

Une peinture ou une sculpture qui représente un dragon ou un angelot n'est pas moins abstraite qu'une toile de Jackson Pollock : elles sont toutes également l'expression de quelque chose qui n'existe que pour nous et par nous. Mais il en va de même avec toutes les œuvres figuratives : elles ne donnent pas plus le monde à voir qu'une œuvre non figurative puisqu'en elle tout est pénétré de subjectivité : celle, singulière, du rapport que l'artiste entretient au monde et celle, culturelle, des symboles et conventions esthétiques !

Dès lors qu'on admet que les œuvres d'art n'imitent pas le réel, on admet qu'elles ne le représentent pas, mais qu'elles expriment notre manière de le vivre. Or, du coup, il apparaît que la référence au monde lui-même devient superflue : si les œuvres d'art expriment notre subjectivité individuelle ou collective au moyen de conventions esthétiques, le monde n'y est plus qu'un simple matériau, un prétexte, un faire-valoir dont on peut d'ailleurs se passer sans perte.
 

Les œuvres ne représentent pas le réel, ne le rendent pas du tout : elles inventent des mondes, créer au moyen de symboles des mondes rivaux du monde réel, des arrière-mondes.
 

Art et vérité : Si les œuvres d'art ne représentent au fond rien du tout de la réalité, si le lien entre l'art est le réel doit être rompu, alors il est vain de parler de la vérité des œuvres d'art, de la qualité du rendu, de la ressemblance entre les œuvres et le réel. En revanche, on peut bien parler de la vérité des œuvres lorsqu'elles expriment avec justesse notre rapport subjectif aux choses. Seraient vraies celles qui sauraient rendre au mieux non pas les choses, mais finalement la perception/conception qu'on s'en fait. Elles seraient la vérité de nos erreurs d'appréciation de la réalité…

L'erreur serait alors de confondre ces deux aspects : croire que les œuvres correspondent parfaitement à la réalité sous prétexte qu'elles objectivent parfaitement notre manière de la vivre.

Or, c'est exactement cette erreur que dénonce Platon dans La République. S'il condamne les arts, c'est aussi parce qu'ils créent des confusions dangereuses.

Les œuvres d'art nous font prendre des conventions esthétiques pour la restitution fidèle de la réalité : on prend pour vraies des représentations du réel qu'on serait troublé ou offensé de rencontrer dans la réalité. Je trouve belle et vraie telle représentation théâtrale de la passion amoureuse mais dans le même temps, je jugerais folle et indigne toute personne qui dans la vie ferait les mêmes choses. Les œuvres nous conduisent à confondre la réalité avec de simples conventions, avec ce sur quoi on se met d'accord. Elles soutiennent le relativisme conventionnaliste des Sophistes.
 

Mais si les œuvres d'art ne représentent pas la réalité, si elles sont de l'ordre du symbole, de la convention esthétique, tournées vers le social et non vers le réel, comment rendre compte des rapports entre elles et le réel ? Comment s'expliquer qu'elles semblent pourtant exprimer ou représenter quelque chose pas seulement sous une forme symbolique, comment expliquer que ce qui peut passer pour des conventions esthétiques expriment pourtant quelque chose du réel, dise quelque chose de ce qu'il est ?

Comment expliquer que les œuvres d'art ne semblent pas seulement rendre avec justesse notre rapport aux choses, mais encore les faire voir telles qu'elles sont réellement ? Comment expliquer que les oeuvres d'art ne font pas que proposer une représentation de la réalité plus ou moins personnelle, plus ou moins plaisante ou écoeurante, mais tout au contraire une représentation vraie de cette réalité ?


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