- Qu'est-ce que la conscience ? -

[ Troisième partie ]
 

III ) Peut-on parler d'une pensée inconsciente ?

Rappel des problèmes que soulève la définition de la conscience réflexive comme aperception immédiate des actes et contenus de notre pensée.

De manière spontanée, on n’envisage pas la possibilité selon laquelle la conscience pourrait ignorer certains de ces propres contenus. On pense que tout ce qui est présent en nous, tout ce qui est en notre esprit est nécessairement présent à nous-mêmes, c’est-à-dire aperçus. On pense donc qu’il n’y a aucune différence entre l’esprit et la conscience ou entre la vie psychique et la conscience de telle sorte que toute notre pensée, confondue avec la conscience intentionnelle, est apercevable en totalité. Il y a solidarité entre la thèse selon lesquelles la pensée se confond avec la conscience intentionnelle et celle selon laquelle nous pouvons apercevoir toutes nos pensées, puisqu'on ne peut que les apercevoir toutes (immédiatement ou non, de manière nécessaire ou pas, dans le détail ou dans des ensembles, cela importe peu ici) dès lors que nos pensées sont toutes des objets intentionnellement visés par nous. 

Or, nous l’avons vu avec Leibniz et avec Nietzsche, il est possible de ne pas apercevoir une perception, de ne pas saisir réflexivement un contenu de conscience ou de le faire avec retard sur l’acte de conscience. De sorte que l’identification spontanée entre vie psychique et conscience intentionnelle s’en trouve remise en question. Toutefois, Leibniz comme Nietzsche ne vont pas jusqu'à remettre en cause la possibilité de prendre conscience de nos pensées certes non intentionnellement présentes en nous. 

Mais, on peut aller plus loin encore : non seulement soutenir que certains contenus de conscience nous échappent, passent inaperçus, mais qu’ils sont impossibles à apercevoir, qu’ils nous échappent non pas à cause d’un défaut d’attention, mais parce que nous ne pouvons ou ne voulons pas les apercevoir.

Cette hypothèse est celle d’une vie psychique inconsciente, celle de Freud. Elle consiste à dissocier totalement la pensée ou vie psychique de ce que la conscience réflexive saisit ou éclaire en nous. Car, dans le vocabulaire de Freud, la conscience, c'est toujours la conscience réflexive. Le conscient, c'est le connu de moi, la conscience, c'est la faculté dont l'activité est de saisir mes actes et contenus de conscience, et dont je crois qu'elle sait tout de moi.


 
" Qu’une chose se passe dans ton âme ou que tu en sois de plus averti, voilà qui n’est pas la même chose. " Freud, Une difficulté de la psychanalyse.   Seulement, cette hypothèse pose un problème méthodologique : comment peut-on affirmer l'existence d'une vie psychique impossible à apercevoir puisque justement on ne peut rien savoir d'elle ? Que penser donc d'une telle hypothèse ? Qu'est-ce qui permet de l'envisager comme valable ?
 

A ) Peut-on fonder l’hypothèse d’une vie psychique inconsciente

Parler d’une vie psychique inconsciente peut sembler absurde : cette idée s’oppose au témoignage immédiat de la conscience selon lequel la vie psychique se réduit non à la conscience mais à ce que la conscience réflexive saisit en moi de moi, et il n’existe, par définition, aucune saisie directe possible de l’existence de cette vie psychique inconsciente. Je ne peux pas en prendre conscience moi-même réflexivement, et, a fortiori, personne d’autre n’est susceptible de le faire non plus. 

Seulement, (on retrouve ici l'objection de la pétition de principe faite à Descartes), le témoignage de la conscience ne prouve rien dans la mesure où précisément, si cet inconscient existe, la conscience ne peut pas en être consciente. Ainsi, l’impossibilité de faire une expérience directe de l’existence d’une vie psychique inconsciente ne constitue pas une objection recevable d'autant qu'il est peut-être possible d’inférer son existence à partir d’effets constatables par la conscience ou autrui et dont elle serait la cause. 
 
 

"On nous conteste de tous côtés le droit d’admettre un psychisme inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. Elle est nécessaire parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l’homme sain, et tout ce qu’on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’origine, et de résultats de pensée dont l’élaboration nous est demeurée cachée. Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d’actes psychiques ; mais ils s’ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d’aller au-delà de l’expérience immédiate. Et s’il s’avère de plus que nous pouvons fonder sur l’hypothèse de l’inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l’existence de ce dont nous avons fait l’hypothèse."
FREUD, Métapsychologie, "L'inconscient"
  Ce qui justifie donc cette hypothèse, ce sont des faits psychiques aperçus de nous mais qui ne peuvent pas être expliqués par la conscience, comme par exemple, les rêves, les actes manqués, les symptômes de maladies psychiques, ou encore toutes les idées qui nous viennent à l’esprit sans que leur élaboration aient été conduites par la conscience. L’existence de tels faits permet d’inférer, c’est-à-dire de supposer une cause non constatée en elle-même à des faits constatés et compris comme ses effets, l’existence d’une vie psychique inconsciente. Ce qui justifie l’hypothèse d’une vie psychique inconsciente, ce sont donc des indices qui ont valeur de preuve en faveur de cette hypothèse une fois qu’elle est émise. (Comme dans le cadre d’une enquête de police, on constate des faits qui servent à se représenter ce qui s’est passé et qui n’est plus observable directement parce que c’est passé. Ces faits ont la fonction d’indices dans le processus de enquête elle-même, dans la tentative de reconstitution des faits passés et ils ont une fonction de preuves en faveur de la représentation de ce qui s’est passé une fois qu’elle est élaborée.)

L’hypothèse de l’existence d’une vie psychique joue donc à deux niveaux : elle est un principe d’intelligibilité des faits psychiques observés et aberrants pour la conscience, et, elle est un principe de réalité dans la mesure où cette hypothèse ne permet pas seulement de comprendre, mais elle (sup)pose une existence, l’existence d’un quelque chose qui a des effets, qui est la cause réelle des faits constatés.
 

RQ On peut toutefois faire observer que ce texte de Freud pose en lui-même certains problèmes dans la mesure où l’inférence joue précisément sur le plan de l’intelligibilité autant que sur celui de la réalité, et passe au second à partir du premier. Freud pose une existence comprise comme cause des faits psychiques constatés à partir de ce qui n’est d’abord qu’un simple principe d’intelligibilité, c’est-à-dire un principe d’explication, d’interprétation pour être précis, puisque de l’aveu même de Freud, cette hypothèse permet un gain de sens, donne un sens à ces faits qui sans elle n’en ont pas.

Or, le passage de l’intelligibilité à la réalité ne va pas de soi dans la mesure où au fond rien ne permet de garantir qu’un principe d’explication et d’interprétation, aussi fécond soit-il, a un pendant réel, extérieur à la représentation qu’on en a et qui serait alors compris comme cause des faits expliquées. On peut très bien, avec vraisemblance, interpréter les orages comme l’effet de la colère d’un Dieu, sans pourtant qu’il soit légitime de poser l’existence de ce Dieu comme cause des orages. Plus généralement, l’inférence d’une existence est toujours conjecturale.

Mais, d’autre part, il est aussi possible, et les neurobiologistes l’ont fait, de procéder à d’autres inférences à partir des même faits, de trouver d’autres explications et d’autres causes à ces faits. Méthodologiquement, rien ne s’y oppose, d’autant plus que ce sont les mêmes faits ou des faits de même type qui servent à la fois d’indices et de preuves en faveur des hypothèses avancées. Tout cela est possible parce qu’il est impossible en l’espèce d’envisager des procédures expérimentales qui permettent de tester les hypothèses. Sans parler du vice interne de l’induction.

Que ces faits soient des effets, c’est possible encore que hautement conjectural, que la cause de ces effets soit connue de nous n’est tout au plus que possible, que cette cause coïncide exactement avec ce qui nous sert de principe d’explication et d’interprétation, rien n’est moins sûr. On a affaire à un tissu de conjectures, séduisantes, fécondes, susceptibles de fonder une pratique qui peut, elle aussi, avoir des effets plus ou moins conformes à ceux qui étaient espérés, mais rien de solide absolument parlant. Mais, toutes ces raisons qui jettent le doute sur la validité de cette hypothèse, ne permettent nullement de nier l’existence d’une vie psychique inconsciente pour autant, pour cette raison simple qu’il est aussi peu sûr d’inférer une existence que d’inférer une non-existence. FIN RQ. 

Cette fois que l’hypothèse d’une vie psychique inconsciente est devenue légitime, il s’agit de se demander à présent quelle est la structure générale de la vie psychique dans son ensemble afin de savoir quels sont les rapports entre la conscience et l’inconscient. 

B ) La structure de la vie psychique.

Tous les êtres humains, en tant qu’ils sont des êtres vivants, doués de conscience et en tant qu’ils ont une vie sociale et qu’ils sont au monde appartiennent simultanément à deux types de vie : la vie biologique et la vie sociale.

L’appartenance à la vie biologique, le fait d’avoir un corps biologique, implique la présence en eux de certaines déterminations naturelles propres aux êtres vivants : des appétits, des désirs, des tendances, comme la faim, le désir sexuel, l’agressivité. Ils sont soumis à des exigences somatiques liées à la conservation de soi et à la reproduction.

L’appartenance à la vie sociale, le fait d’avoir une vie sociale, de vivre avec les autres, implique qu’ils sont soumis à des lois, des impératifs sociaux, moraux, légaux... qui règlent la vie sociale et la vie individuelle en tant qu’elle est socialisée.

Or, ces deux types d’exigences ne sont pas cohérents entre elles : ce qu’exige le corps n’est pas toujours en accord avec ce qu’exige la loi, les impératifs moraux... De sorte que le sujet, pris entre ses impératifs divers et contradictoires devient un lieu de conflit entre eux et tend à trouver un équilibre, un compromis entre ses exigences.

Du point de vue de la vie psychique, les impératifs liés à la vie biologique se manifestent sous la forme de pulsions, c’est-à-dire de forces, en elles-mêmes entre le biologique et le psychique, agressives et sexuelles, qui ne sont pas conscientes et qui investissent certaines représentations, qui se fixent sur des représentations présentes dans la vie psychique (des souvenirs, une perception...). Ces désirs tendent à devenir conscients, à entrer dans la conscience, pour être satisfait. Le désir ne veut et ne connaît que le plaisir.

Seulement, il est possible que certains désirs entrent en conflit, en contradiction avec les lois morales ou sociales assimilées par le sujet. Certaines représentations, certains désirs peuvent être en contradiction avec les aspirations morales ou esthétiques du sujet, ou offenser le sentiment de sa propre dignité. Le sujet peut trouver ce désir inacceptable : il en résulte un conflit et une souffrance psychologique qui vont enclencher un mécanisme de défense dans le sujet. A savoir, pour éviter le conflit, pour ne pas avoir à souffrir de cette contradiction, le désir inacceptable va être refoulé, c’est-à-dire qu’il va être maintenu dans l’inconscience et oublié. Il faut en effet bien comprendre que le refoulement est lui-même inconscient, que le mécanisme de défense n’est pas conscient, qu’à aucun moment donc la conscience ne prend conscience du désir tenu pour inacceptable. Le refoulement est donc une fuite devant la souffrance. Dans cette perspective, on peut dire avec Freud que l’inconscient, c’est le refoulé. Il faut ajouter qu’il n’y a rien de pathologique dans ce mécanisme, qu’il est "normal" et nécessaire à la vie du sujet.

Mais, le désir refoulé n’a pas pour autant été détruit par le refoulement, il est toujours présent et tend toujours à entrer dans la conscience. De sorte que l’équilibre atteint par le sujet est fragile et peut se rompre. Comment ? Le désir refoulé peut parvenir à franchir la censure, à détourner le mécanisme de défense, mais pas sous sa forme initiale, sous une forme différente, c’est-à-dire associé à d’autres représentations que celles avec lesquelles il était d’abord lié. Ce retour du refoulé constitue un déguisement du désir initial, un compromis entre ce qu’il désire et ce que peut tolérer la censure. Ce retour du refoulé sous une forme différente, c’est par exemple un lapsus, un acte manqué, les rêves, les symptômes d’une maladie psychique. Tout cela constitue des satisfactions du désir sous une forme acceptable par la censure, des satisfactions substitutives. Mais, au fond personne n’y trouve son compte avec ce compromis : le désir n’est satisfait que d’une manière indirecte et partielle, le sujet ne comprend pas ce qui lui arrive, ce qui le pousse à faire ce qu’il fait et peut souffrir finalement du retour du refoulé.

Cette conception de la vie psychique donne lieu à une représentation de la vie psychique, de sa structure, sous une forme spatiale ou topique. Il y a deux topiques chez Freud. La seconde distingue diverses instances de la vie psychique, qui sont comme les divers personnages d’un drame qui se joue à l’intérieur de la vie psychique de chaque sujet.

- Le Ca : il est l’instance des pulsions, des exigences somatiques dans le psychisme. Il est totalement inconnu de la conscience, il est réglé par le principe de plaisir, c’est-à-dire qu’il ne tend qu’à la satisfaction de ses désirs. Le Ca correspond à l’appartenance à la vie biologique.

- Le Moi : il est l’instance en laquelle on trouve la conscience, c’est-à-dire l’ensemble des représentations dont nous sommes conscients. Mais, le Moi n’est pas la conscience en tant que telle puisqu’une partie du Moi est inconsciente, la censure, le mécanisme de défense qui refoule les désirs inacceptables ou qui les adapte aux exigences du sujet. Il est régi par le principe de réalité, c’est-à-dire qu’il est conscient des impératifs liés à la vie sociale et à la réalité en général.

- Le Surmoi : il est l’instance où se trouvent intériorisés les interdits sociaux, les impératifs moraux. A ce titre, ses contenus sont très fortement déterminés par l’histoire des moeurs, des impératifs moraux de la civilisation à laquelle le sujet appartient et à son histoire personnelle, aux interdits parentaux, aux forces répressives que l’individu a rencontrées au cours de son existence. Cette dimension du sujet correspond à l’appartenance sociale du sujet et donc à son inscription dans l’histoire et dans une histoire singulière. Il est inconscient et préconscient, c’est-à-dire qu’une partie du Surmoi est susceptible de devenir conscient. C’est le cas par exemple de certains interdits sociaux dont je suis conscient.

Le Moi se trouve donc coincé entre les exigences du Ca et la sévérité du Surmoi, et plus ces deux sources d’impératifs sont fortes et plus le Moi est soumis à des tensions qui mettent son équilibre en danger.

Au total, la vie psychique inconsciente n’est pas comme un double ou un envers de la conscience qui aurait pour particularité spéciale d’être ignorée de la conscience. Il n’y a pas d’un côté la conscience et de l’autre l’inconscient. D’une part, la conscience est intégrée dans la vie psychique en général de telle sorte qu’il y a bien une vie psychique unique et pas deux, organisée selon diverses instances psychiques qui sont consciente ou non ou partiellement seulement. Le caractère conscient ou inconscient de ces instances et en quelque sorte secondaire par rapport à l’organisation des instances psychiques. D’autre part, à proprement parler, l’inconscient n’existe pas. Il n’y a pas un inconscient et une conscience, il y a des instances, des processus et des représentations qui sont pour certains conscients et d’autres qui ne le sont pas. La conscience tout comme l’inconscient ne sont pas des choses ou des zones bien délimitées dans la vie psychique, mais des déterminations nécessaires ou accidentelles propres à certains processus, représentations, instances. En un mot, conscience et inconscient ne sont pas des choses, mais des adjectifs qui servent à qualifier les éléments présents dans la vie psychique en général. Ce ne sont pas des substances, mais des accidents.

Tout cela nous permet de comprendre, puisqu’il existe des éléments de la vie psychique, tel que le Ca, le Surmoi, la Censure, ou certaines représentations refoulées par la censure, qui sont nécessairement inconscients, que nous ne sommes pas ce que nous avons conscience d’être et qu’il n’est surtout pas possible de devenir conscient de tout ce que nous sommes dans la mesure où une part importante de notre vie psychique échappe à notre conscience et que cette part de nous mêmes qui est ignorée n’est pas simplement un ensemble neutre et passif de choses qui se trouvent en nous, mais un ensemble d’éléments qui ont une influence déterminante quoiqu’ignorée comme telle sur nos pensées, nos actions, nos goûts et dégoûts, nos jugements, notre conduite, notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Donc sur notre liberté. Il en va d’elle comme de l’idée selon laquelle nous sommes toujours conscients de ce qui se trouve en notre conscience : elle n’est peut-être qu’une illusion de la conscience. 

On a donc répondu de deux manières à la question de savoir si nous avons toujours conscience de ce dont nous avons conscience, de ce qui est présent en notre esprit : on peut d’abord dire que nous n’en avons pas toujours conscience, que la conscience réflexive admet donc des limites. On a ensuite soutenu que certains contenus de conscience restent inaccessibles par nature, ceux qui forment la vie psychique inconsciente. 

A présent, il nous reste encore à répondre à une dernière question, celle qui porte sur la conscience morale et c’est à la lumière de tout ce que nous savons sur la conscience, qu’il va nous être possible de répondre à la question qui consiste à se demander si la conscience morale est d’un autre ordre que la conscience tout court ou la conscience même en tant qu’elle est en rapport avec la morale. 

En quoi est-il possible de parler de conscience morale ? Lorsqu’on parle de conscience morale parle-t-on de la conscience même ? Quel rapport existe entre la conscience telle que nous l’avons analysé et la conscience morale ?


 

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