C ) Le travail : un moyen d'accomplissement et d'humanisation ?
La lecture que nous avions faite du mythe nous avait conduit à penser le travail comme une activité contraignante parce qu'il est une nécessité liée à notre survie, ce qui nous avait conduit à le penser comme mutilant. Mais, puisque les hommes doivent subvenir à leurs besoins par leur travail, et qu'en cela ils sont originaux puisque les animaux ne le font pas, cela ne signifie-t-il pas que contrairement à ce que nous disions, dans la travail se joue quelque chose de proprement humain? 

Le mythe en effet propose une conception technicienne de l'origine de la technique et du travail : on les aurait inventé comme moyen en vue d'une fin qui en l'occurrence est la survie dans un milieu auquel l'homme n'est pas adapté. Seulement, si tel avait été le cas, l'homme n'aurait en fait pas survécu. Ce qui signifie que si l'homme utilise des techniques et travaille, ce n'est sans doute pas tant parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il le doit pour survivre, mais bien plutôt parce que le travail et la technique expriment une spécificité humaine, sont la manifestation d'une des caractéristiques de l'homme. 


 
      1 ) Le travail : une manifestation de la vie de l'homme.
Si le travail et la technique sont non pas seulement des nécessités, c'est que l'homme exprime ce qu'il est par eux. 

"On peut distinguer l'homme des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l'on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils commencent à produire eux-mêmes leurs moyens d'existence. Ils font là un pas que nécessite leur organisation physique. En produisant leurs moyens d'existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même.
La façon dont les hommes produisent leur moyen d'existence dépend d'abord de la nature des moyens d'existence trouvés au départ et à reproduire. Ne considérons pas ce mode de production de ce seul point de vue, à savoir qu'il est la reproduction de l'existence physique des individus. Il représente plutôt déjà un mode déterminé de l'activité de ces individus. Une façon déterminée de manifester leur vie, un mode de vie déterminé. La façon dont les individus manifestent leur vie reflètent exactement ce qu'ils sont. Ce qu'ils sont coïncide avec leur production, avec ce qu'ils produisent aussi bien qu'avec la façon dont ils produisent" Marx et Engels. L'idéologie allemande

Commentaire : 

  • Pour commencer, ils s'en prennent à une conception spiritualiste de l'homme : si on le distingue des animaux par la conscience, il se distingue d'eux par le travail, c'est-à-dire la production de ses moyens d'existence, c'est-à-dire encore par le fait qu'il prend en charge sa propre reproduction physique. Ils se placent du point de vue de l'histoire de l'homme et de ce point de vue cherchent à déterminés par quoi l'homme s'est d'abord distingué des animaux.
  • Ils reconnaissent ensuite que le travail doit bien en partie son existence à la constitution physique de l'homme et à ses besoins spécifiques. En cela, ils donnent du crédit à l'idée selon laquelle le travail est une nécessité?
  • Mais ils dépassent ce point de vue étroitement utilitariste qui rend compte de l'origine du travail par son utilité pour la survie en adoptant sue le travail une autre point de vue. Le travail n'est pas seulement une activité par laquelle l'homme assure la subsistance, il est une activité par laquelle l'homme se manifeste comme homme. A savoir : dire que l'homme travaille pour survivre n'est pas l'essentiel. S'il travaille, c'est d'abord parce qu'il est un homme. Si l'homme travaille pour survivre alors que les animaux ne le font pas, cela signifie que l'homme exprime quelque chose de lui-même et qui est absent chez les animaux dans le travail. Le travail dit ce qu'ils sont : des êtres qui non seulement ont pris en charge leur propre reproduction physique, mais qui parce qu'ils sont les seuls à le faire de manière systématique et généralisée, révèlent par cette activité une nature spécifique, des caractéristiques propres sans lesquelles le travail n'aurait pas vu le jour. Si l'homme est le seul être qui travaille, ce n'est pas donc parce qu'il n'avait pas le choix s'il voulait survivre, c'est parce qu'il est l'être qui le seul avait par nature la possibilité de le faire, les aptitudes qui ont rendu le travail possible. Le travail dit donc en partie ce qu'est l'homme : un être qui est capable de prendre en charge sa vie parce qu'il est doué des facultés qui rendent possible cette prise en charge.


Cette analyse est d'ailleurs en grande partie confirmée par la paléontologie : on voit en effet apparaître simultanément chez les premières espèces humaines les outils, le langage et la vie sociale. L'outil, donc la technique et le travail, apparaissent avec la faculté de s'exprimer et de communiquer qui est aussi une des facultés proprement humaines. 

L'homme exprime ce qu'il est par le travail, mais au juste qu'elles sont les aptitudes, les qualités, les facultés qui sont supposées par le travail et la technique? Qu'est-ce qui dans le travail exprime quelque chose qui est proprement humain? 


 
      2 ) Le travail suppose, mobilise et développe des facultés humaines.
Bergson. L'évolution créatrice. L'homo faber. 
La technique, le travail et l'intelligence. 

La technique et le travail supposent l'intelligence de telle sorte que l'on peut dire d'elle qu'elle est essentiellement tournée vers la fabrication et non vers la contemplation, la connaissance de ce qui est. 

Marx, Le capital, livre 7, début : le travail humain. 
 

      3 ) Le travail : une praxis?
Le travail comme expression de la nature de l'homme, de son intelligence propre, mais aussi le travail comme ce qui mobilise et développe en l'homme des facultés, des compétences, des aptitudes qui le rendent digne, accompli, heureux. 

Il offre la possibilité de s'exprimer, de montrer de quoi on est capable, d'être fier de soi. 

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