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Procés intenté par Anne Gaspard de la Croix de Castries, baron de Gaujac, sieur de Meyrargues, contre les frères de Lenoncourt

Extraits de la Gazette de Tribunaux années 1777 et 1779



         Porquerolles appartenait depuis 1935 aux quatre fils de Joseph Michel, Nicolas Sublet de Hendicourt de Lenoncourt :
          Joseph Michel, Nicolas Sublet, Abbé comte d’Heudicourt
         Michel Nicolas Joseph Sublet, chevalier de Lenoncourt ;
         Baltazar Joseph Michel Nicolas Sublet, comte de Lenoncourt ;
         Philippe Gaspard Sublet, marquis de Lenoncourt (dit aussi chevalier d’Heudicourt).
Ce dernier vendit son quart de l’île, par contrat du 29 septembre 1764, à Louis Joseph de la Croix de Castries, au prix de 18.000 livres, et racheta le quart aux héritiers de son frère comte de Lenoncourt
         Au décés de Joseph de la Croix de Castries, le quart de Porquerolles, en vertu de son testament, passa aux mains de son frère, Anne Gaspard de la Croix de Castries, baron de Gaujac, sieur de Meyrargues, capitaine des vaisseaux du Roi.
         Ce dernier, qui avait mis en valeur la plaine de Notre Dame, a intenté un procés aux trois frères Lenoncourt qui laissaient leur domaine à l'abandon, avec l'intention de récupérer l'intégralité de l'Ile

         
Gazette des Tribunaux 18 aout 1777
         Il vient de nous tomber sous la main un petit mémoire de M. PIALAT, Avocat au Conseil, pour M. de CASTRIES de MAYARGUES, Chef d'Escadre, et Commandant dans l'Ile de Porquerolles, contre le Chevalier de LENONCOURT, l'Abbé de LENONCOURT, le Comte de LENONCOURT, etc.
         Comme cette affaire tient au droit public, elle nous a paru mériter une place dans nos feuilles.
         Un domaine considérable, qui a sept lieux de tour, l'Ile de Porquerolles sur la mer Méditérranée, a été concédé par Louis XIII à la charge d'être défrichée, cultivée et garantie des Forbans ; Depuis 1637 , elle a passé dans différentes mains. Le Chevalier de la CROIX en a possédé une partie pour laquelle il a rendu son Hommage à sa Majesté et payé les lods et ventes ; il est décédé, sa portion a passé à son frère, le Seigneur de CASTRIE de MEYRARGUES,. Ce dernier possesseur, qui devait cultiver la portion de l'Ile qui lui appartient à titre de concession, ayant vu que les Sieurs de LENONCOURT n'avaient remplis aucune des conditions posées par le bail emphytéotique, a demandé que la concession fût déclarée nulle à leur égard, & que leurs portions fussent réunies à la sienne, aux offres qu'il faisait de faire défricher toute l'Ile, et de payer annuellement l'albergue de 150 livres. Cette demande a formé instance au Conseil, sur laquelle le roi doit statuer.
         Les moyens du Sieur de CASTRIES, sont la concession faite par Louis XIII de l'Ile de Porquerolles, à l'effet de la cultiver. Il soutient que les conditions n'ont point été remplies par les Adversaires ; qu'ils n'ont point payé les arrérages de la rente qu'ils doivent ; qu'ils n'ont point cultivé ni mis en oeuvre les terres qui leur avaient été concédées, & qu'ainsi le bailleur est en droit de rentrer dans son fond.
         L'auteur du mémoire cite à cet égard le sentiment de BOURARIC dans son traité des droits seigneuriaux, les Lois féodales qui s'expliquent sur la matière, de la façon la moins équivoque : Si quis dederit beneficium conditionale propter habitationem & culturam, deferta habitatione & cultura, beneficium amittetur.
         De ces principes, on en vient à la conséquence ; d'ailleurs, l'intêret, la sûreté du Domaine, de l'Etat même, exigent que l'Ile de Porquerolles, soit cultivée et habitée. Les Barbaresques, si souvent infectés de la peste, & ceux qui commercent avec eux abordent dans cette Ile presque déserte et non gardée ; il leur est facile, par ce moyen, d'apporter la contagion en France ; ce motif ne mérite-t-il pas la plus grande considération ? N'exige-t-il pas que l'Ile entière, réunie dans une même main, devienne désormais une contrée cultivée, habitée, propre au commerce, &, par ces avantages, offre un asile sûr a ceux qui voudraient s'y établir, & ce bien si désirable ne pourra s'opérer, tant que la majeure partie de l'Ile sera déserte, et servira de repère aux bêtes qui la ravagent ?
         Cette contestation qui intéresse si officiellement l'Etat, doit bientôt être décidée. Le Sieur de CASTRIES de MAYRARGUES regarde la demande comme fondée sur la justice, & il observe que, dans le cas où sa Majesté se déterminerait à conserver à ses adversaires la portion dont ils jouissent dans l'Ile de Porquerolles, il serait de la justice de leur fixer un temps pour mettre en valeur les terres qu'ils possédent, passé lequel, elles demeureraient réunies à la portion du Sieur de CASTRIES, pour en jouir conformément au titre de concession, c'est à dire, pour en former par la culture un sol fertile, en un mot, la rendre propre à recevoir ceux qui voudraient s'y fixer.
         
Gazette des Tribunaux 10 avril 1779
          La concession faite par LouisXIII de l'Ile de Porquerolles, à la charge d'être défrichée, cultivée & garantie des Forbans, a donné lieu au procés dont il s'agit ; nous en avons donné une notice suffisante & il ne nous reste plus qu'à mettre sous les yeux de nos lecteurs, l'Arret qui l'a terminé.
         Vu au conseil d'Etat du Roi,&c... Vu aussi le dire de l'Inspecteur du Domaine, par lequel il aurait estimé «  qu'il y avait lieu d'ordonner que les sieurs de LENONCOURT seraient tenus de défricher et mettre en culture les terrains à eux accensés dans un délai de trois ans, sinon, et dans le cas où il se serait écoulé trois années sans travaux de leur part, pour parvenir audit défrichement ; que le sieur de MAYRARGUES fût autorisé à défricher les terrains, & en appliquer les fruits à son profit ; que les sieurs de LENONCOURT ne pourraient rentrer en jouissance des héritages dont il s'agit, qu'en remboursant au sieur de MAYRARGUES les dépenses qu'il justifirait avoir faites ; & que dans le cas où le sieur de MAYRARGUES aurait fait cette exploitation pendant dix ans, lesdits terrains seraient regardés comme lui ayant été cédés et abandonnés par les sieurs de LENONCOURT, & lui maintenu en la propriété & possession d'iceux, à la charge de faire hommage au Roi, et de lui en fournir aveu et dénombrement ». Ouï le rapport....Le Roi en son Conseil faisant droit sur l'instance... maintient le sieur de LENONCOURT dans la possession et la jouissance des trois portions de l'Ile de Porquerolles ; ordonne néanmoins que sa Majesté, que dans le délai de dix ans, à compter du jour du présent arrêt, lesdits sieurs de LENONCOURT seront tenus de défricher ou cultiver les portions à eux appartenantes de l'Ile de Porquerolles, & qu'à faute de ce faire dans ledit temps & icelui passé, elles seront et demeureront réunies pour le compte de sa Majesté. Fait au Conseil d'Etat du Roi, tenu à Versailles le 10 avril 1778.
         Nous n'avons vu, dans cette affaire, qu'un Mémoire imprimé de M. PIALAT, pour le sieur CASTRIES de MAYRARGUES

         Donc, malgré l'avis favorable donné par l'expert à la thèse de MAYRARGUES, l'île est restée, pour les trois quart, aux LENONCOURT mais le pouvoir royal se réservait la possibilité de le déposséder si le domaine n'était pas mis en culture dans les 10 ans, les évènements de la Révolution Française ont mis un point final à cette affaire, les deux Seigneurs de l'île étant dépossédés de leurs biens, et l'île, une fois de plus est retournée en jachères.