Les Chemins de Porquerolles

Un choix de textes sur l'île de Porquerolles




Les soirées provençales

par Laurent-Pierre Béranger

Plaisir des bords de mer aux iles d'Hières

extraits : pages 109 - 110
Num. BNF de l'ed. de Paris : Nyon ainé 1787

Sur un banc voisin
Terre! Terre! Terre!
Retentit soudain.
J'ouvre la paupière,
Et j'arrive enfin.
Iles fortunées
Toujours environnées
De verds citronniers;
Superbes palmiers,
Jasmins, grenadiers,
Qui bordez la plage
Qui couvrez ce port!
C'est sous votre ombrage
Que je cours d'abord.
Sur un promontoire
bientôt je gravis,
Et là j'etablis
Mon observatoire.
En noirs escadrons,
Je vois mille thons
Flotter sur les vagues.
Et vers nos madragues
Pesamment nager.
Le troupeau sans crainte,
Dans ce labyrinthe
Vole s'engager.
Les chambres se ferment,
Les pièges enferment
Cent monstres marins.
Les canots accourent,
Soulèvent, entourent
Les filets tous pleins.
Les captifs bondissent,
S'agitent, frémissent,
Se roulent, se glissent,
Jusqu'au bord des flots.
Les ondes jaillissent
Sur les matelots.
Leur bras les saisissent.
D'énormes poissons
Les barques s'emplissent;
Les buccins mugissent:
A leur rauque son,
De loin applaudissent
Les antres profonds.
La capture arrive:
Je vois sur la rive
Glisser, frétiller,
Bondir et briller
Dorades charmantes,
Et rougets sanglans,
Et vives piquantes,
Et mulets volans.
Vivante marée,
Sardine azurée,
Délicat anchoi!
Subissez ma loi:
Il faut que je dine;
De votre chair fine
Ça, régalez moi!
Midi nous rassemble
Les pécheurs ensemble,
Au bord de la mer,
Nagent dans la joie.
Feu brillant et clair,
Prépare leur proies:
Un flacon de vin
Bien rouge, bien sain,
Rafraichit dans l'onde.
La tasse d'étain
Sert à tout le monde;
Une planche ronde,
Que nous entourons,
Assis sur le sable,
Est le plat, la table,
Et nous la chargeons
De mille poissons
Bouillis pèle mèle,
Dans l'eau maternelle
Par les vieux patrons.