Les Chemins de Porquerolles

Les Cartes anciennes de l'île




Plan du "Feu d'Assurance" Deuxième partie
Plage Notre Dame, Les Médes, La Galère, Les Salins

Première partie
Image de la carte en haute définition
L'Equin
           En continuant notre périple, nous trouvons la route qui va desservir l'Alicastre puis aller jusqu'à Notre Dame. Une source est signalée au bas de la descente, Millet de Mouville la signale aussi : " ...il y a une seconde plaine appelée la Courtade au bas de laquelle, sur le bord de la mer, au nord il y a un petit pré et terrain pour en former un de cinq à six journées de faucheurs, y ayant une fontaine au milieu qui ne courre point sur la surface de la terre. " Sur le plan il s'agit de la Grande Plage ancien nom de la Courtade et ici aussi, la source est vraisemblablement une excavation atteignant la nappe phréatique.
           Le cap Lequin est signalé (plus ancienne apparition de ce nom) mais sous l'orthographe L'EQUIN, ce qui pourrait mieux nous aiguiller vers l'origine du mot, bien entendu on trouve le FORT DE LA LICASTRE et, plus étonnant, une source vers le milieu de la baie de l'Alycastre.
           Le chemin d'accès au fort n'est pas représenté, le fort était probablement inoccupé à l'époque.
           La route continue sur le tracé actuel pour atteindre la plage Notre Dame.
          Une fois arrivé au début de la Plage, un chemin part à droite pour desservir le feu d'assurance, assez proche au départ, du chemin actuel de la Galère. On remarque au premier quart de la plage, les vestiges d'un débarcadère, probablement construit par Molé ou Saint Germain pour sortir le bois extrait de l'Ile. Le chemin conduit à la ferme de Notre Dame où, dans une zone boisée, on trouve une habitation, quelques constructions et un puits.



           En retournant sur la plage, on remarquera que les principaux vallons sont représentés : Le grand vallon, puis celui de Notre Dame et enfin deux autres, baptisés sur le plan, " Le Valon de la Treille " à l'extrémité de la plage et le " Valon de Coupa " avant d'arriver au massif des Mèdes. La " Tuilerie " signalée par Cassini, au dernier quart de la plage Notre Dame, n'existait pas encore.


           Le Vallon de la Treille était, à l'époque, le siége d'une activitè économique, il y a un débarcadère, entouré ou protégé par des rochers, c'est le " Port des petits bateaux " que l'on trouvera ainsi baptisé sur la carte de Cassini et sur la carte nautique de 1793
           Pourquoi un petit port dans ce lieu isolé ? l'explication se trouve dans le vallon, à environ trois cent mètres du rivage, une source est signalée sur le plan. Il s'agit d'une retenue d'eau, d'une capacité supérieure à 2000 M3, réalisée grâce à un barrage en travers de la vallée. Ce barrage est actuellement étonnamment bien conservé et a du être réutilisé il y a environ une cinquantaine d'années ; Il mesure environ 35 mètres de long, 5 mètres au plus haut et il est constitué de deux murailles faites avec de très gros blocs avec une âme en terre. une " bonde " à sa base permet de le vider dans le ruisseau et des trous sont prévus au bas du vallon pour stocker l'eau. Il s'agit très vraisemblablement d'une Aigade prévue pour le ravitaillement en eau des navires. C'est la seule carte qui signale, indirectement sous forme de "source ", cette retenue d'eau.
           Pas d'explication au nom donné au vallon, on peut penser que quelques pieds de vignes ont été plantés par la, les vignes redevenues sauvages grimpent volontiers aux arbres à Porquerolles ,mais il serait plus satisfaisant de trouver une étymologie en rapport avec le barrage. Signalons à tout hasard que le mot ancien traille désigne un câble de halage traversant une rivière et utilisé pour guider un bac.
           Pour le vallon suivant, l'origine est simple à trouver: coupa signifie en vieux provençal brisé, cassé (dictionnaire de Marius Autran) Il permet en effet de passer entre le massif des Mèdes et celui que nous venons de dépasser, un chemin l'empruntera fin 18eme et c'est actuellement la voie d'accès logique à la crête de la batterie haute des Mèdes (le point le plus haut de Porquerolles) Il y avait peut être à l'époque du plan, une carrière pour exploiter la roche qui est ici de bonne qualité. La carrière actuelle ne devait pas exister, elle à du démarrer au début du 19eme avec la construction de la batterie des Mèdes.
           Sur le massif des MEDES sont signalées les ruines d'un monastère, avec un petit plan, il s'agit bien évidemment des restes de l'habitat fortifié du Veme siècle après JC qui fut occupé de 420 à 450 de notre ère, par des moines ou des ermites. Les fouilles archéologiques du site sont décrites dans un fascicule du Centre Archéologique du Var en 1993 (ouv.cité)
           Ce site a pu être sporadiquement réutilisé comme refuge lors de passages de pirates, mais il n'y a pas eu de réinstallation d'un monastère à cet endroit, un véritable nid d'aigle difficile d'accès. Il était connu de la population de l'époque, peut être utilisé en sauvegarde, la légende d'une abbaye à Porquerolles est vraisemblablement due à la présence de ces ruines.
           En continuant de faire le tour de l'ile, mais maintenant en bateau, car nous n'avons aucun chemin sur les falaises, nous tournons le cap des Mèdes avant de passer Le RATON (actuellement le Gros Mur du Nord) puis le GROS BEAU et d'arriver à LA GALEASSE, et enfin à la baie avant l'anse de la Galère, qui s'appelait à l'époque LE GALEASSON. La Galère
           Une ancienne Madrague est signalée sur la pointe précédant l'anse de la Galère , nous la retrouverons chez Cassini, il est curieux que le souvenir de cette ancienne madrague ait subsisté, à moins qu'elle n'ait été remise en activité vers le milieu du 18eme. L'anse de la Galère s'appelait La JEANNE, on ne retrouve ce nom transformé en JAUME sur la carte de Cassini, viennent ensuite les ilots du GROS et PETIT SARAIGNER avec un point de sonde à 14 brasses entre les deux, pour indiquer que le passage était sûr. Ensuite on trouve le GROS MOURRE, devenu maintenant la Pointe du Gabian et enfin à une certaine distance LES SALIS, à l'emplacement de la baie des Salins actuelle.
           La carte de Cassini a repris tous les noms de lieux depuis le Cap des Mèdes, on y trouve en plus le Port des Anges après le GROS MOURRE et LOUSTAU DE DIOU, après la baie des Salins. Ce nom est donc apparu entre 1740 et 1778, il devait alors probablement désigner la petite crique abritée du vent d'est située à l'ouest de la baie des Salins qui a du servir d'abri miraculeux.
           Mais remontons sur la terre ferme pour grimper à l'extrémité du mont des Salins, lieu où l'on trouve le " feu d'assurance ". Le chemin d'accès à ce feu passait à l'ouest de la plaine Notre Dame le long de la partie montagneuse, parallèlement au chemin actuel. Il existait déjà sur la carte de Phélipeaux et devait donc desservir déjà un feu d assurance vers 1690. Deux constructions apparaissant sur cette dernière carte sont remplacées par une habitation ruinée. Actuellement le chemin a disparu, à cause des cultures, jusqu'au carrefour d'où part la route pour le sémaphore, sa trace est visible ensuite mais c'est devenu... un ruisseau. C'est un phénomène classique à Porquerolles : les chemins s'usent, il se crée une déclivité au centre et le ruissellement des eaux creuse patiemment le chemin. Si l'on suit ce " ruisseau ", on s'aperçoit bien vite qu'il n'a pas un comportement classique, il contourne les vallons, circule à flanc de montagne et n'a pas de bassin d'alimentation.
           Le chemin n'est plus utilisé depuis plus de 2 siècles et le ruisseau s'est enfoncé à la vitesse de quelques millimètres par an, il continue d'ailleurs à charrier des alluvions.
           Le chemin n'aboutit pas au sommet, il fallait finir par un sentier pour amener le matériel nécessaire au feu d'assurance. On trouve sur le site de Marius Autran une description du feu d'assurance de Sicié, issu d'un texte de Jean DENAN écrit en 1715.
           " Le 20 juillet 1589, étant consuls de la Communauté, Hugues Denans, Cyprien Fabre et Peiron Vidal, avaient proposé au Conseil que les gardiens du Cap Sicié étaient souvent empêchés par les corsaires de faire de la fumée sur le dit cap, ce qui était un signal aux bâtiments de mer de ne point passer à cause qu'il y avait des corsaires. Sur quoi pour la sûreté des personnes des dits gardiens et pour qu'on pût continuer à faire des signaux, le dit conseil délibéra de faire bâtir la tour qui est sur le dit cap, ce qui fut exécuté et depuis lors, au lieu de faire de la fumée, le gardien lorsqu'il découvre quelque bâtiment de mer suspect d'être corsaire, élève le jour sur une bigue au plus haut de la dite tour un grand rameau de bois de pin et sur l'entrée de la nuit après avoir fait le feu d'assurance, il allume consécutivement l'un après l'autre autant de feux comme il a découvert de vaisseaux ou autres bâtiments de mer qu'il croit être corsaires ".
           Ce feu indique que les corsaires représentaient une menace sérieuse à cette époque, cela est confirmé par les chroniques, dans son histoire de îles d'Hyères, Claude Brénac relate quelques incidents survenus à cette époque :
1726 (mai) : le chef des corsaires Chaban-Reïs s'empare d'un navire royal au mouillage sous Porquerolles, commandé par M. de Montlaur. Une légende dit, qu'à la suite d'une "régate" autour de l'île, gagnée par ce dernier, l'équipage est libéré. C'était la première Porquerolles' Cup!
1727 : un corsaire tunisien est capturé par un vaisseau royal.
1731 : deux corsaires tunisiens pillent un bâtiment de Menton, pourchassent l'équipage à terre.
           Il faudra chercher dans les archives qui était responsable de ce feu et à quelles époques il a fonctionné. feu d'assurance
           La fin du tour de l'Ile ne présente pas de surprises, un voyageur de l'époque ne serait pas perdu avec une carte moderne : On passe successivement la CALLE LONGUE, maintenant rebaptisée l'Oustal de Diou mais qui n'est pas desservie par un chemin, contrairement à la carte de Phelipeaux, puis LA BAUMELLE, BONNEAU, La Pointe DU GABIAN (le Phare actuel) LE CAP D'ARMES, puis le BREGANCONNET, non desservi, mais il en était de même sur la carte de Phélipeaux et enfin, on termine notre périple au Langoustier à PORT FAY ( plus ancienne mention de ce nom sur un document) maintenant devenue la Plage Noire depuis que la fabrique de soude y a déposé ses scories qui se sont transformées en sable noir.
           Cette carte est importante pour l'histoire de Porquerolles, elle nous donne quelques éléments sur l'activité de l'Ile dans le premier tiers du 18eme siècle, nous montre que les noms de lieux utilisés depuis la carte de Cassini et jusqu'à nos jours étaient déjà employés et signale l'existence, jusqu'ici inconnue, d'un feu d'assurance sur l'ile. Sa datation demeure imprécise : entre 1710 et 1740, et correspond à une période un peu floue de l'histoire de Porquerolles : le transfert de propriété entre MOLE et DE LENONCOURT et ses enfants.
           Elle est remarquable par le tracé précis des cotes mais les reliefs et les chemins son représentés sommairement. On ne connaît pas le commanditaire, elle n'appartient probablement pas a un recueil militaire, de cette époque existe l'Atlas des fortifications de 1718 où il est fait mention de Porquerolles, mais je ne l'ai pas encore trouvé, l'atlas de Jean-Frederic Phelypeaux, Comte de Maurepas, Ministre de la Marine publié en 1723, je ne sais pas s'il existe encore mais une carte de Toulon, issue de cet atlas et conservée au National Maritime Museum, à Londres n'est pas faite par le même topographe, les représentations des arbres ombrés sont assez différentes.
           Nous ferons l'hypothèse qu'elle a été établie par De Lenoncourt au moment du procès qui l'a opposé à l'Hérant de Saint Germain pour récupérer la propriété de Porquerolles,. L'abbé Bozon nous dit : " Le Sieur L'Hérant de St-Germain n'ayant pas payé l'acquisition de Porquerolles, une action fut intentée contre lui, et le Parlement de Paris ordonna la remise de cette île aux héritiers de Lenoncourt, par arrêts en dates des 13 mai 1734 et 21 avril 1735. " (Il faudrait retrouver ces arrêts aux Archives Nationales, mais c'est très compliqué.) Nous daterons donc la carte, provisoirement, de 1734, à mi-chemin entre celle de Phélipeaux et celle de Cassini.
           Outre sa datation qui demande à être précisé, ce plan pose plusieurs questions :
Qui était le commanditaire, pourquoi avoir réalisé cette carte ?
Quelle était la nature des activités du vallon de la Treille et de la Caupa et pourquoi Millet de Mouville ne nous en parle pas ?
Qui s'occupait du Feu d'Assurance et de quelle autorité dépendait-il ?

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