TRAITE CONSTITUTIONNEL
Notre section s'est prononcée lors du référendum militant du 1er décembre 2004, à l'unanimité, en défaveur du Traité de Constitution européenne (T.C.E.), dont les citoyens ont été appelés à se prononcer par la voie référendaire le 29 mai 2005, et ce, à l'appel du Président de la République.
=> Voici notre principal argument pris au collectif des partisants du non socialiste.
Pour nous, le projet de TCE en est toujours à l'ancien régime.
Dabord par les conditions dans lesquelles il a été élaboré. En 1789, la première constitution de la France est née dun intense débat dans tout le pays. Cest munis des cahiers de doléance que les représentants du Tiers-Etat se rendent aux Etats-Généraux. On trouve déjà dans les cahiers tout ce qui sera dans la Constitution : la réforme fiscale, labolition des privilèges, les libertés civiles, la séparation de lEglise et de lEtat. Tout cela est né du débat populaire. Et cest grâce à cette légitimité populaire que les représentants du Tiers-Etat ont pu parler au nom de la Nation et refuser de plier devant la volonté dun seul, le Roi. « Nous sommes ici par la volonté du peuple », vous vous souvenez peut-être de la réponse de Mirabeau à Louis XVI.
Or ceux qui ont rédigé cette Constitution européenne, qui prétendent parler au nom des citoyens européens, nont été élus par personne. Aucun débat populaire na précédé leurs travaux. Cela seul suffirait à me faire voter non.
On nous dit quil y avait des parlementaires dans la Convention mise en place pour rédiger un projet de Constitution. Citez-men un seul ! Qui connaît leur nom à part une poignée de spécialistes ? Et ces quelques parlementaires nont jamais été élus pour faire une Constitution. Dans la Convention, ils ne représentaient pas le peuple, mais, car cest comme cela quelle a été officiellement constituée, une des « parties prenantes » de lUnion européenne. Les parties prenantes, ce sont la Commission, les gouvernements nationaux, le Parlement européen, les parlements nationaux. La Convention a donc siégé par ordres. Or le premier acte de la révolution de 1789 a justement été de refuser de siéger par ordre. Un homme, aujourdhui on ajouterait une femme, égale une voix. Un seul intérêt légitime à fonder la loi : lintérêt général. Un seul souverain : le peuple !
Cette Constitution nest pas la fille de 1789 car elle nest pas fondée sur la souveraineté du peuple. 322 articles sur 448 interdisent aux citoyens de changer les politiques européennes. Le contrôle de la monnaie leur est retiré au nom de lindépendance de la Banque centrale. Et la seule instance de lUnion européenne qui soit élue par les citoyens, le Parlement européen, na même pas le droit de proposer des lois (article I-26). On nous explique que son pouvoir va augmenter grâce à lextension du nombre de matières où jouera la « codécision ». Mais la codécision signifie que le Conseil européen pourra bloquer comme il lentend les décisions des parlementaires. Cest le droit de veto que la Révolution française a aboli au terme dun débat où lon demanda aux députés favorables au droit de veto de se mettre à droite de lAssemblée et ceux qui y étaient hostiles de se mettre à sa gauche. Cest depuis lors que lon parle de la droite et de la gauche en France. Et nous sommes bien à notre place, à gauche, lorsque nous nacceptons pas dautre souverain que le peuple.
Ils sont allé jusquà présenter comme une avancée démocratique la résurrection du droit de supplique cher à lAncien régime. Cest ce fameux article I-47 dont on nous rebat les oreilles. Si un million de citoyens signent une pétition, ils peuvent la porter devant la Commission européenne. Mais cela à condition que cette pétition soit conforme à la Constitution, et quelle se contente den demander lapplication. Ensuite, la Commission na aucune obligation dy donner suite : elle na même pas à se justifier si elle la met à la poubelle.
Cette Constitution nest pas la fille de 1789 car elle ne reconnaît pas la laïcité. Le mot nest pas mentionné. Pire, larticle I-52 reconnaît à linverse les églises et organisations religieuses à qui elle garantit un « dialogue ouvert, transparent et régulier avec lUnion européenne ». Larticle II-70 affirme la « liberté de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, lenseignement, les pratiques et laccomplissement des rites ».
Non, cest plutôt nous qui sommes les héritiers de 1789. Grâce à nos efforts, des milliers de citoyens ont commencé à lire ce texte. Un processus constituant a commencé. La victoire du « non » en France le mettra à lordre du jour dans toute lEurope.
Cest nous qui nous dressons contre lEurope des privilèges, qui veut garantir dans la Constitution les prébendes des actionnaires au nom du marché libre et non faussé.
Nous pouvons être la voix de ceux qui nen ont plus, de ces millions deuropéens qui ne votent même plus et subissent impuissants les politiques libérales. Vous avez vu la belle victoire de Tony Blair en Angleterre. Cest le plus faible score de lhistoire du pays pour la liste arrivée en tête, et un nouveau record dabstention (le précédent était détenu par ce même Tony Blair). Seul un électeur sur cinq a voté pour ce gouvernement. Comme un électeur sur 3 en Espagne seulement a voté pour ce projet de Constitution européenne. Et souvenons-nous quen France, Chirac na obtenu que 19% des voix au premier tour de la présidentielle. Partout, ceux qui veulent imposer leurs politiques libérales au peuple sont bel et bien minoritaires.
Nous parlons donc au nom de la majorité, nous défendons les intérêts du plus grand nombre. Nous parlons au nom de ceux qui nont que leur travail pour vivre, et qui ne peuvent donc le considérer comme une marchandise mise en concurrence sur un marché libre et non faussé. Nous parlons au nom de ceux qui nont dautre patrimoine que les services publics, les retraites par répartition, lécole publique et qui ne veulent pas le laisser vendre pour enrichir quelques-uns. Nous parlons au nom de ceux qui nont que le bulletin de vote et la souveraineté populaire pour se défendre car ils nont pas les moyens de se payer des lobbies à Bruxelles. Nous parlons aussi au nom de tous les Européens qui nont rien de tout cela, pour que lUnion européenne leur apporte un progrès au lieu de vouloir étendre à tous linjustice qui les frappe.
1789 est devant nous. La France était alors isolée. Mais son message a été contagieux et les idéaux de la Révolution française ont changé lEurope entière. Nous serons fidèles à cette histoire le 29 mai prochain.