Nous avons tous remarqué cette excellente initiative de notre Hebdo des socialistes : la tribune de discussion militante innove, il était temps ! Des textes émanant de militants ou responsables politiques s'exprimant seul ou collectivement seront publiés…

Il est donc temps également que notre fédération ouvre les pages de sa publication et permette aux militants de s'exprimer localement.

Section Est–Chablaisienne du Parti Socialiste

Contribution

Analyse, Réflexions et Propositions après la lourde sanction électorale d'avril 2002

Quel avenir pour le parti socialiste et la gauche en France ?

En premier lieu, retrouver ses racines et refidéliser un électorat populaire abandonné, recentrer les idées socialistes fondamentales sur nos institutions et sur l'Europe, intégrer dans sa pensée les évolutions modernes comme la mondialisation et les nouvelles technologies, mais avant toute chose démocratiser le fonctionnement du parti qui doit appartenir à ses adhérents plutôt qu'à quelques membres d'une "caste" qui s'est lourdement trompée…

Il appartient à cette "élite nationale" et leurs relais locaux d'en tirer eux-mêmes les conséquences. Les militants feront entendre leur voix et prendront la place qui est la leur. C'est la seule possibilité de régénérer le parti.

Divers constats accablants

Six mois après une défaite cinglante, alors même que de nombreux états européens maintiennent ou élisent leur gauche aux responsabilités nationales, que se passe-t-il maintenant chez nous ?

Chirac semble devenu un parfait gauchiste : discours tiers mondiste, position ferme sur l'Irak, décentralisation et discours social sur le plan intérieur, poursuite du processus de Matignon pour la Corse… Il prend la gauche à revers.

Comment réagit donc alors notre représentation parlementaire socialiste ? Les soi-disant leaders sont étrangement muets et leurs "rares" interventions manquent franchement de fraîcheur et de vigueur.

Quelques voix s'élèvent et proposent. Souvent d'ailleurs les mêmes qu'avant les présidentielles mais qui furent si peu écoutées et jamais suivies.

On remarque l'étonnante intervention écrite dans l'Hebdo, d'une secrétaire nationale aux droits des femmes qui feint de s'étonner de l'effervescence avant Congrès et évoque froidement les "états d'âme" de six premiers fédéraux faisant preuve d'agitation partisane à l'égard de la direction nationale…

Vous êtes dans un autre monde, Madame. Le socialiste sincère et tolérant a depuis longtemps dépassé ce clivage : chaque "citoyen" quel que soit son sexe bénéficie des même droits. La preuve : vous avez écrit votre article comme vous le pensiez.

Pendant ce temps comme si de rien n'était, les "barons roses" s'occupent surtout d'entamer une sourde compétition pour 2007 ! Cela est effectivement indécent, cela désespère effectivement les militants, un nouveau Congrès de Rennes ne se produira pas.

Comment voulez-vous de cette manière réconcilier les Français et la politique ? Le chemin est encore long et ardu !

La ligne rigide de notre société politique ankylosée depuis des décennies doit bouger.

Quelques premiers fédéraux parlent de mettre fin "au centralisme démocratique". Beaucoup de militants pensent en effet à de nouvelles règles de désignation et à la consultation régulière des militants.

Le danger est trop grand de repartir sans nouvelle stratégie, donc sans perspective.

Va-t-on encore signer le même blanc-seing, aux même personnes, pour une ou plusieurs décennies ? Ce sera aux militants et à eux seuls d'en décider.

IL NE FAUT PAS OUBLIER

* les élections

En inversant le calendrier pour privilégier l'élection présidentielle, la ligne socialiste a été sacrifiée à des ambitions.

Les socialistes n'avaient jamais cessé de vouloir revaloriser le Parlement. Le discours alambiqué du Congrès de Grenoble a mis devant le fait accompli les militants du PS avec comme conséquence première de les priver de la possibilité de gagner les législatives. Nous connaissons la suite. C'était porter atteinte au fond même de la pensée de la gauche en France.

*Si tu veux un ami, sois un ami

Gouverner loin du peuple et loin des militants ressemblait à une confiscation du pouvoir au profit d'une caste elle-même dominée par l'énarchie. Ces gens issus du même moule ignorent tout des fins de mois difficiles, des problèmes quotidiens, de la précarité de l'emploi. Ils ne sont pas prédisposés au contact avec la population. Ils gouvernaient tellement d'en haut que la droite peut aujourd'hui avec succès se targuer de représenter la France d'en bas.

"Si tu veux un ami, sois un ami"

Ce mot d'Harry Truman a été totalement délaissé depuis des années par les instances dirigeantes du parti qui n'ont pas hésité à sacrifier des militants efficaces à des postes clefs au profit de quelques "bobos" sinon même parfois des "libéraux".

L'ambition ne devrait jamais aller jusqu'à laisser tomber ses amis politiques au profit de ses adversaires.

Un de nos sénateurs ne s'est jamais caché de dire que le "clan Jospin" se faisait un ennemi par jour parmi ses propres amis !

Sans réseau, on gagne difficilement une élection, surtout présidentielle.

*L'Europe abandonnée

La grande idée de l'unification européenne promue par les socialistes de Léon Blum à François Mitterrand a été grandement délaissée. Quatre années de pouvoir avant de s'exprimer sur le sujet. Ce n'était pas une priorité ! De plus la "déclaration" était en retrait de tout ce qu'avaient proposé les socialistes pendant 50 ans.

Quelle erreur de ne pas se réclamer de l'idée d'unification politique en Europe ! C'est ainsi qu'aujourd'hui l'élargissement ressemble à une fuite en avant trop souvent associée à la bureaucratie bruxelloise.

La Convention censée définir les nouvelles institutions n'a pas rendu sa copie et nous accueillons les nouveaux partenaires dans un jeu aux règles non écrites.

Là où se décidait l'avenir de la France on ne devait pas se contenter d'être représentés par des seconds couteaux. Tant qu'une véritable pédagogie de la cause européenne ne sera pas mise en œuvre par les politiques on assistera à une construction par défaut.

*L'insécurité

Un dernier point avec le sujet le plus chaud du moment : l'insécurité ou plus exactement le sentiment d'insécurité qui habite les français et sur lequel la gauche s'est électoralement fracassée.

L'ouvrage de Sébastien Roché, chercheur au CNRS, "Tolérance zéro ? Incivilités et insécurité" (éd. Odile Jacob) fournissent de précieuses indications dont devraient s'inspirer nombre de politiques.

Réflexions de notre section : nous considérons que le sécuritaire est l'ennemi de la sécurité. Il donne l'illusion éphémère de régler les problèmes, alors qu'en les aggravant, il les diffère. Curieusement, le ministre actuel de l'Intérieur, dans une sorte d'effet miroir, s'inscrit dans la même logique inefficace qui habitait la gauche au pouvoir. L'une pour nier le problème, l'autre pour s'y noyer. Le résultat est une démarche inédite qui rajoute à la misère le mépris social et une plus grande injustice.

Pour séduire la France d'en bas, il conviendrait d'éradiquer la France d'en dessous. Au lieu de faire la guerre à la pauvreté, on la déclare aux pauvres, Tartuffe !

Notes de Jean-Claude Guillebaud (grand reporter au Monde) à propos de cet ouvrage :

La "Tolérance zéro" n'a de sens et d'efficacité que si elle s'applique à tout le monde. Y compris à ceux qui sont chargés de l'appliquer. Voilà qui invite à réfléchir au cas français. Cela fait plusieurs décennies que l'avidité des élites y est quasiment la règle. Qui dira le contraire ? Les liens sont devenus si étroits entre le monde des affaires et les cabinets ministériels – des hommes souvent issus des mêmes grandes écoles – qu'on finit par s'y enfermer dans un univers irréel. Voitures de fonctions chauffeurs, clubs et dîners communs : une oligarchie s'est ainsi constituée, sortie d'un roman de Balzac.

Ces gens, en toute bonne foi, n'ont plus la moindre idée de ce qu'est la vraie vie, celle des gens qui prennent l'autobus… Le seul étalon de mesure sérieux devient la capacité qu'on possède un être malin, rapace et le poids humain dépend du nombre de zéros ajoutés sur un chèque. Il y a là comme une maladie collective de l'âme qui n'est pas sans conséquence sur le lien social. Vous imaginez De Gaulle ou Jaurès un chèque à la main ? Une telle capitulation de l'esprit devant la pure quantité a même quelque chose d'infantile. On pense aux petits garçons comparant la longueur de leurs attributs en cour de récréation. On pourrait en sourire mais quel sens peut bien avoir la dénonciation de l'incivilité ou de la délinquance en banlieue ou ailleurs quand tous ces gens sont perçus ou se présentent comme les modèles à suivre.

Tout serait plus cohérent si les personnalités emblématiques offertes à la commune admiration étaient des savants désintéressés, des philosophes novateurs, des créateurs solitaires, des serviteurs de l'Etat, des politiques intègres…"

Alors, tolérance zéro ? Chiche !

Conclusion

La section Est-Chablaisienne pense en conclusion à :

La nécessité de développer la formation des militants (organisé par les fédérations) et      notamment la préparation aux différentes fonctions possibles (élus ou autres) :

L'urgence de l'implication réelle des élus socialistes dans la vie du parti et notamment dans l'information et l'animation des sections.

En fait, les candidats visitent les sections au moment des investitures et une fois élus, ne donnent que très rarement signe de vie. Ils exercent leur mandat sans en rendre compte aux militants, sans solliciter leurs initiatives, leurs conseils ou projets.

Le développement des réseaux de personnes compétentes (militants ou sympathisants) susceptibles d'aider les sections à élaborer des projets de développement local cohérent.

La recherche d'une meilleure cohésion avec les forces de gauche en instituant des réunions de travail régulières, pour confronter les projets et redonner espoir aux électeurs quant à la possibilité d'une alternance démocratique.

Les fédérations doivent devenir les fers de lance de l'essor de la camaraderie, de la fraternité, de la convivialité, du respect des camarades, du soutien moral aux militants.

Des manifestations (fêtes, rencontres ou repas) présidées par des responsables nationaux charismatiques appréciés du grand public pour contrer l'omniprésence de la droite sur le terrain.


Ce texte fait suite aux réunions de la section Est-Chablaisienne depuis avril et des rencontres avec de nombreux militants d'autres sections et de différents horizons.

La section a chargé le 28 octobre 2002 un groupe de quelques militants d'élaborer un texte de synthèse : Stéphane Rizzo, Marie-France Zénoni, Serge Gaggiotti et Jean-Patrick Mauger ont été missionné pour la rédaction en page définitive.


 

 

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