DONNEZ DU RELIEF A VOS COURBES PLANES !

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Les courbes gauches sont beaucoup moins étudiées que les courbes planes ; elles ont même carrément disparu de math sup. En général, on connaît l'hélice circulaire, voire la fenêtre de Viviani... Mais savez-vous que beaucoup de courbes planes sont des projections de courbes gauches remarquables ?

Elles le sont même toutes : la courbe de représentation paramétrique  est la projection (orthogonale) sur xOy de la courbe , à condition que h soit définie quand f et g le sont !
 
 

COURBES DE LISSAJOUS ET COURONNES SINUSOÏDALES
 
 

Examinons par exemple les courbes de Lissajous, qui apparaissent dans les oscilloscopes et qui étaient les seules courbes compliquées que l'on pouvait visualiser avant l'apparition des ordinateurs.

Leurs équations sont : (C) .

(Attention, la plupart des dictionnaires, dont le dictionnaire de mathématiques des PUF, oublient les déphasages, ce qui donne des courbes peu intéressantes).

Il y a deux façons naturelles de rajouter un z :
 
 

(C1)  et (C2) 

Ces deux courbes, tracées sur un cylindre, sont semblables à :

(Chk

avec  pour (C1),  pour (C2).
 
 

Ces courbes sont tout simplement obtenues par enroulement d'une sinusoïde autour d'un cylindre ; c'est pourquoi je les ai baptisées "couronnes sinusoïdales", n’ayant jamais rencontré leur nom officiel dans la littérature.

On peut donc définir les courbes de Lissajous comme les projections des couronnes sinusoïdales sur des plans passant par leur axe. Notons qu’une même courbe de Lissajous est projection de deux couronnes sinusoïdales différentes, pour des valeurs de k inverses l’une de l’autre.

Regardons quelques exemples.

Lorsque k est entier, la couronne n’a pas de point double et a vraiment l’aspect d’une sinusoïde enroulée, avec k arches (ici, k = 5) :

Les courbes de Lissajous associées varient entre les deux extrêmes :

et

Cette dernière courbe n’est d’ailleurs autre que la portion de la représentation graphique entre -1 et 1 du k-ième polynôme de Tchebycheff, ce qui interprète donc cette dernière comme projection d’une couronne sinusoïdale!
 
 

Les mêmes courbes de Lissajous sont aussi projection de couronnes sinusoïdales, pour des valeurs de k inverses d’entiers, qui ont pour allure :




Pour k = 1, les couronnes, ainsi que les courbes de Lissajous, sont des ellipses ; pour k = 2, la couronne ressemble au pourtour d’une crêpe que l’on fait sauter, c’est pourquoi je l’ai baptisée : courbe de la crêpe. C’est aussi l’intersection du cylindre  avec le paraboloïde hyperbolique  (en gros : essayez de tracer un cercle sur une selle de cheval ...)
 
 

Les courbes de Lissajous correspondantes sont appelées des besaces (l’équation habituellement donnée pour les besaces est , mais le lecteur curieux montrera à l’aide d’un changement de repère que ce sont bien des courbes de Lissajous). Elles ont pour extrêmes la portion de parabole :

et la courbe en forme de huit :

Beaucoup de gens évoquent d’ailleurs spontanément la crêpe que l’on fait sauter lorsqu’on leur présente cette courbe.

Attention, cette courbe n’est pas une lemniscate de Bernoulli. Son équation polaire pour h = 1 est , tandis que l’équation de la lemniscate de Bernoulli est . Elle porte le nom officiel de "lemniscate de Gerono" ou de "huit".

Pour k = 1/2, la couronne qui va donner les mêmes courbes de Lissajous (donc les besaces) est justement la fameuse fenêtre de Viviani, intersection d’une sphère et d’un cylindre tangent de rayon moitié :

Le lecteur imaginera certainement quelles vues de cette courbe donneront la lemniscate de Gerono et la portion de parabole.
 
 

Une autre série intéressante de couronnes est celle obtenue pour k demi-entier. On obtient alors une guirlande circulaire à 2k croisements (ici, k = 5/2) :

Voici la couronne pour k = 3/2.

L’une des courbes de Lissajous projetée est célèbre dans les manuels de taupe :


 


Le fait de savoir que cette courbe est projetée de la guirlande modifie sa perception. On sait par exemple maintenant que les seuls points doubles dans l’espace sont ceux de l’axe des x ; les quatre autres sont dus à la projection.

Par contre, si on choisit l’autre couronne sinusoïdale, pour k = 2/3

ce sont ces quatre points qui sont doubles dans l’espace.

Mais pour cette courbe, il existe une troisième façon intéressante de la mettre en relief :

La figure ci-dessus a été tracée à partir des équations :

x = 10 sin 2t, y = 10 cos 3t, z = 3 sin 7t.

Cette courbe n’est plus tracée sur un cylindre, mais on obtient un noeud qui se trouve être le 11ème dans la classification des noeuds premiers.
 
 

ROSACES ET CLÉLIES

Nous arrêterons là notre exploration des Lissajous pour passer à une autre classe bien connue de courbes planes : les rosaces, d’équation polaire : .

Elles sont en effet projections sur le plan xOy des courbes d’équation sphérique :

(où l est la latitude et q la longitude).

Ces courbes sont les lieux d’un point M d’un méridien d’une sphère de rayon a tournant à vitesse constante w autour de l’axe polaire, le point M se déplaçant à la vitesse constante kw sur ce méridien. Ces courbes ont reçu le nom de "clélies" (je me demande ce que vient faire ici cette héroïne légendaire de Rome), mais je les appellerais de façon plus imagée : "courbes de la pelure d’orange".

Pour n = 1, on retrouve encore la fenêtre de Viviani, qui se projette en le bête cercle : .

Pour n = 2, on obtient la jolie courbe à deux points doubles avec contact tangent :

qui se projette en un trèfle à quatre feuilles.

Pour n = 3, c’est une courbe qui se projette en un trifolium :

Voici deux vues pour n = 4 :

et deux vues pour n = 5

qui permettent d’imaginer ce qui se passe pour n entier naturel pair ou impair.
 

Voici des vues de dessus et de profil de ce qu’on obtient pour n = 1/2 :

et pour n=1/3 :

Dans ce dernier cas, on peut démontrer que la rosace  est translatée du limaçon de Pascal .

Voici enfin la rosace, puis la clélie correspondante pour n = 7/6 :

On remarquera que chaque boucle de la rosace correspond sur la clélie à une courbe joignant les deux pôles.
 
 

CONCHOÏDES DE ROSACES ET SOLÉNOÏDES TORIQUES

Les conchoïdes de rosaces par rapport à leur centre, d’équation .

sont projections sur le plan xOy des courbes de paramétrisation cartésienne :

qui redonnent évidemment les clélies pour b = 0.

Ces courbes s’enroulent de façon régulière autour du tore de rayon a et de rayon de révolution b, c’est pourquoi je les ai baptisées "solénoïdes toriques". Évidemment, si b < a le tore est croisé.

Voici par exemple la conchoïde de rosace et le solénoïde torique correspondant pour n = 11/4 et b = 2a :

TROCHOÏDES ET HÉLICE CIRCULAIRE

Et un solénoïde rectiligne, autrement dit une hélice circulaire ? Quelle est sa projection ?

Si on le projette orthogonalement sur un plan parallèle à l’axe, on obtient une sinusoïde (ce qui donne donc du relief à cette dernière). Mais il y a mieux : on peut montrer que les ombres de l’hélice sur un plan orthogonal à son plan sont les trochoïdes (ou cycloïdes allongées, raccourcies).

Plus précisément, la projection oblique de l’hélice :  sur le plan xOy suivant une direction située dans xOz et faisant un angle a avec Ox est la trochoïde de paramétrisation complexe : . C’est une cycloïde si et seulement si , autrement dit si la direction de la projection est parallèle à l’une des tangentes à l’hélice. Bref, quand vous regardez une trochoïde, dites-vous que c’est un ressort en perspective.

Mais l’hélice circulaire recèle d‘autres trésors : ses projections coniques. Elles ont des formes de spirales dont deux sont classiques : la spirale hyperbolique , quand le sommet de la projection est situé sur l’axe, et la cochléoïde , quand le sommet est situé sur la spirale elle-même.

Concrètement, imaginez que vous êtes dans un couloir cylindrique et qu’une hélice circulaire est peinte sur le mur. Si vos yeux sont au centre, vous verrez une spirale hyperbolique, s’ils sont près du mur ou du sol : une cochléoïde.
 
 

Puisqu’on est dans les spirales, signalons que la spirale d’Archimède est la projection sur xOy de la spirale conique de Pappus d’équation :

,

tandis que la spirale logarithmique est la projection de l’hélice conique  (qui est aussi une loxodromie du cône).
 
 

COURBES PARALLÈLES ET TUBES

Nous allons ici donner du relief aux courbes parallèles à une courbe plane (C0) obtenues en reportant de chaque côté une longueur constante à partir des points de (C0) sur la normale à la courbe en ces points, autrement dit le lieu des points M = M0 + a  où  est le vecteur normal en M0.

Ces courbes peuvent être vues comme des projections planes du contour des tubes centrés sur une courbe qui se projette en la courbe (C0).

Par exemple, les courbes parallèle à l’ellipse sont les projections planes du contour d’un tore. c’est la raison pour laquelle elles ont reçu le nom de toroïdes.

Dans ce dessin, ne pensez-vous pas voir une bouée ?

Voici aussi une sinusoïde avec une de ses courbes parallèles :

Je baptiserais ces dernières des torsadoïdes ; elles sont en effet projection du contour d’une torsade, tube centré sur une hélice circulaire.

Nous arrêterons ici ce petit tour parmi les courbes. Peut-être découvrirez-vous d’autre courbes à mettre en relief ou d’autres façon de le faire : je n’ai rien trouvé par exemple pour les épi- et hypocycloïdes (sauf pour les rosaces et leurs conchoïdes qui en sont des cas particuliers). Envoyez vos découvertes à Quadrature !

Rajouter les besaces (projection de la fenêtre de Viviani)

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