Le Bounty
Le lieutenant Bligh, officier et navigateur expérimenté, qui a déjà participé au 3ème voyage de James Cook à bord du navire «Résolution », est choisi pour commander l'expédition. Celui ci fait venir à bord Fletcher Christian en tant que second, avec lequel il a déjà navigué plusieurs fois et avec lequel il s'entend très bien. Bligh est un marin remarquable, mais il est d'un caractère plutôt austère et colérique tandis que son ami Christian sait faire « passer la pilule » en mettant de la bonne humeur parmi l'équipage. L'enfer pendant 10 mois Après son départ d'Angleterre le 23 décembre 1787, la route prévue du Bounty consistait à franchir le cap Horn au sud de l'Amérique, puis après avoir récupéré de grandes quantités de jeunes pousses à Tahiti, de ramener la marchandise vers les caraïbes en continuant par l'Ouest. Mais après avoir essuyé de terribles tempêtes en essayant de passer le Cap Horn (avec des blizzards givrants pendant près d'un mois !), Bligh fait demi-tour et choisit finalement la route la plus longue vers l'Est en contournant l'Afrique, passant au sud de l'Australie pour arriver après un voyage épuisant de 10 mois à Tahiti en baie de Matavaï le 26 octobre 1788. Le bateau est ensuite obligé de rester pratiquement 6 mois à Tahiti pour pouvoir récolter le millier de jeunes pousses de fruits de l'arbre à pain requises, pendant lesquels la vie à Tahiti semble bien douce pour les marins en comparaison du voyage qu'ils viennent de subir, rythmé par le caractère colérique du capitaine Bligh qui donnait le fouet et humiliait bien trop volontiers les fautifs. Au cours de cette étape Tahitienne merveilleuse et reposante, les marins participent à de grandes fêtes ainsi qu'à la vie de village et beaucoup d'entre eux trouvent une compagne (ou mêmes plusieurs) parmi la population locale. A cette époque à Tahiti, aucun tabou sexuel n'existait et les femmes s'offraient facilement selon leurs désirs. Il est certain qu'à ce moment, la vie facile de Tahiti et ses moeurs débridés, ont notablement influencé le subconscient des marins. Fletcher Christian, aux dires de tous, devint " comme un véritable natif " et se fit tatouer les fesses à la mode tahitienne du moment : la discipline semblait en prendre un sacré coup ! Le retour aux humiliations déclenche la mutinerie Alors que le Bounty quitte Tahiti, sa vie tropicale nonchalante, ses vahines, son luxe, les marins réintègrent leur espace confiné et Bligh restaure à bord une discipline encore plus stricte et humiliante en imposant de surcroît des restrictions d'eau pour pouvoir arroser les plants de sa cargaison. Au large des Samoas, l'atmosphère devient tendue, particulièrement entre Bligh et Christian qui fait l'objet d'humiliations publiques à répétition, sans doute parce que Bligh profite de l'isolement du navire pour ré-asseoir sa domination excessive. Et c'est seulement 24 jours après que le Bounty ait quitté Tahiti que Fletcher Christian, aidé de 8 hommes d'équipage s'empare du navire au petit matin du 28 avril 1789. En fait, pour échapper à Bligh, il avait tout d'abord envisagé de quitter solitairement le navire à bord d'une chaloupe, mais se laissa convaincre par son ami Edward Young, un autre marin, de déclencher une mutinerie. Après la première euphorie des mutins à l'idée de pouvoir se débarrasser du capitaine (et même de le tuer... ce à quoi Christian s'opposera avec véhémence), succèdent quelques heures d'intenses querelles et de tergiversations, puis la tragédie éclate totalement entre Bligh et Christian, les esprits sont au paroxysme, mais ce dernier ne peut plus reculer, il scelle alors le destin de tous les marins présents qui doivent choisir leur camp. Malgré l'intensité du drame, il est à noter que personne ne fut tué, et finalement Bligh et ses fidèles, soit 19 hommes en tout, seront embarqués dans une chaloupe avec quelques vivres, 100 litres d'eau et un sextant. Bligh réussira ensuite un des plus grands exploits maritimes recensés à ce jour : il ralliera dans sa chaloupe de 8 mêtres le Timor en Indonésie à près de 6500 Km parcourus en 42 jours (en ayant perdu un seul homme tué par des indigènes), d'où il donnera l'alerte à l'amirauté britannique. Afin de ne pas laisser une mutinerie impunie, et ceci quel qu'en soit le prix, la marine britannique affrêtera alors un navire militaire de 24 canons spécialement dédié à la recherche des mutins dans le pacifique sud : le Pandora. Bligh regagnera l'Angleterre ou il sera traduit devant une cour martiale pour la perte de son bâtiment, et finalement acquitté. La colonie avortée des mutins Quant aux mutins, une fois maîtres du Bounty, ils savent parfaitement que l'amirauté enverra probablement un navire à leur recherche, et qu'il leur faut chercher une île non référencée dans les cartes maritimes. Ils atteignent ainsi Tubuai le 28 mai, dans les Australes à 450 Km au sud de Tahiti, mais y rencontrent une opposition farouche des habitants qui les oblige à utiliser le canon du Bounty : 12 tahitiens sont tués. Malgré cela, Fletcher décide de poursuivre la colonisation et retourne à Tahiti chercher du bétail qu'il ramène le 23 juin en quantité à Tubuai pour fonder sa nouvelle colonie. Pour ce faire, sur l'île de Tubuai, les mutins commencent à ériger un fortin carré de 100 mètres de côté, mais les troubles avec les indigènes continuent et finalement, après l'organisation d'un référendum entre les mutins concernant l'avenir de la colonie, la majorité décide qu'ils doivent tous retourner à Tahiti. Leur destinée tragique sur l'île de Pitcairn Et qu'advint-il de Fletcher Christian et de ses comparses sur le Bounty ? Trouvèrent-ils leur île paradisiaque pour fonder leur nouvelle colonie ? En fait, leur destin ne fut jamais connu pendant 19 ans. Mais en 1808, un capitaine américain fut surpris de découvrir sur la petite île de Pitcairn, située à 2500 Km au Sud Est de Tahiti, une communauté de femmes et d'enfants parlant anglais. Il réalisa qu'il venait de résoudre le mystère des mutins du Bounty quand il rencontra le seul survivant des mutins : John Adams, qui vivait entouré de plusieurs femmes polynésiennes toutes issues du groupe d'origine et d'un grand nombre d'enfants. Adams lui raconta comment, à la recherche d'une île inhabitée, et après 4 mois d'errance, le Bounty était arrivé à Pitcairn avec ses 9 mutins, 6 hommes et 12 femmes Polynésiennes, et un bébé (7 femmes avaient finalement décidé de rester à Moorea, près de Tahiti). Ils débarquèrent du bateau tout ce qui pouvait leur être utile, et le brûlèrent dans un immense brasier le 23 janvier 1790. Au début, la communauté fonctionna bien pendant 3 ans, chaque mutin avait sa femme, en laissant ainsi 3 autres aux 6 hommes Polynésiens qui avaient été réduits en esclavage. Puis quand la femme vivant avec Jack Williams vint à mourir, il fut alors décidé de lui en attribuer une remplaçante parmi le groupe de 3 femmes laissées aux hommes Polynésiens. Des jalousies féroces éclatèrent parmi les hommes polynésiens, qui organisèrent secrêtement un terrible massacre au cours duquel ils tuèrent 5 marins, dont Fletcher Christian. De nos jours la population de Pitcairn est d'environ 50 personnes, qui sont très dépendants des bateaux d'approvisionnement : pour le diesel, la nourriture congelée et tout ce qui n'est pas fabriqué ou élevé à Pitcairn. Et même s'il est cocasse de constater que cette petite île est aujourd'hui britannique grâce à des mutins autrefois recherchés par la justice, il n'en reste pas moins que le 23 janvier de chaque année, le descendant de Fletcher Christian met le feu à une petite embarcation en commémoration de l'incendie du Bounty par son aïeul. Plusieurs ancres ont d'ailleurs été retrouvées sur le lieu de l'incendie, dont une qui trône devant le bureau de poste de l'endroit.
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