La chute de la livre sterling

En septembre 1992, la livre sterling a brutalement décroché du serpent monétaire européen, un mouvement d'une rare ampleur et rapidité pour la monnaie d'un pays développé.

Au début des années 90, le gouvernement britannique désirait que les taux d'intérêt restent relativement bas (10% tout de même, la norme en europe) afin de ne pas pénaliser l'économie alors que l'europe entière traversait une crise. Dans le même temps, il restait attaché à une livre "forte", c'est-à-dire à un niveau aussi élevé qu'auparavant afin d'éviter d'importer de l'inflation. Pourtant des taux plus bas que ceux des autres ont tendance à déprécier une monnaie, les investisseurs préférant se tourner vers des pays dont les taux sont plus élevés. De plus l'économie britannique était l'une des plus affectée par la crise en europe et les investissements quittaient le pays.

A cette époque la parité entre les monnaies européennes était plus ou moins garantie par le système monétaire européen (SME), un traité prévoyant que les banques centrales interviendraient afin de maintenir les monnaies européennes à une parité prédéterminée. Les parités étaient déjà sous tension depuis 1990 du fait d'un important différentiel d'inflation entre les membres de la communauté. Mais on était surtout à l'aube d'un grand changement : tour à tour les pays de la communauté consultaient leurs citoyens pour approuver la ratification du traité de Maastricht. Or au printemps le Danemark rejeta le traité. Dès lors toute mauvaise nouvelle supplémentaire renforçait le deutsche mark au détriment des monnaies de ses partenaires. Le 20 septembre était la date du référendum en France et dans les sondages le oui perdait du terrain, se retrouvant presque à égalité avec le non.

Les monnaies les plus faibles commencèrent à être attaquées. La lire italienne fut la première victime. Le 28 août elle enfonça son niveau plancher et resta en-dessous malgré l'intervention de la Bundesbank. Le 13 septembre, la lire est officiellement dévaluée de 7%. Puis ce fut le tour de la livre sterling d'être malmenée et le gouvernement britannique dû demander l'intervention de la Bundesbank. Celle-ci accepta à condition que le royaume-uni relève ses taux. Mais ce dernier refusa, et la Bundesbank laissa la livre sterling filer. Le 16 septembre la livre s'effondre tandis que la banque d'angleterre relève ses taux de 10 à 12%, trop tard.

George Soros gagna près d'un milliard de livres en misant sur cet effondrement. Il avait compris dès le départ que la situation dans laquelle le gouvernement de John Major s'était mis était intenable. Lorsque les medias apprirent cela, ils firent de Soros tout à la fois une figure du spéculateur diabolique et une légende. Pourtant Soros ne fut pas le seul à profiter de la situation, de nombreuses banques britanniques en ayant profité bien plus encore.

Cet évènement condamna le SME et permit à jacques Delors, qui présidait la commission européenne, de convaincre les pays membres de la nécessité de créer une monnaie unique pour toute l'europe. Ironiquement, la plupart des pays du SME renoncèrent à leur monnaie nationale pour former l'euro, à l'exception notable du royaume-uni.