Foire Aux Questions

Des réponses à quelques-unes des questions que j'ai pu me poser.

  1. Comment s'initier à la bourse ?
  2. A quoi sert la bourse ?
  3. Quelle est la différence entre l'investissement et le trading ?
  4. La bourse est-elle un jeu à somme nulle ?
  5. Qu'est-ce que l'analyse technique ?
  6. Qu'est-ce que l'analyse fondamentale ?
  7. Peut-on gagner de l'argent avec l'analyse technique ?
  8. Qu'est-ce qu'un système de trading ?
  9. Qu'est-ce qu'un edge ?
  10. Qu'est-ce qu'une stratégie ?
  11. Qu'est-ce que le money management ?
  12. Qu'est-ce qu'un stop loss ?
  13. Qu'est-ce que la vente à découvert ?
  14. Qu'est-ce qu'un hedge fund (ou fond alternatif) ?
  15. Pourquoi les cours bougent-ils autant ?
  16. Pourquoi une entreprise va-t-elle en bourse ?
  17. Quelles conséquences pour une entreprise d'une baisse du cours de son action ?
  18. La spéculation est-elle dangereuse pour l'économie ?
  19. Les marchés sont-ils libres ?
  1. Comment s'initier à la bourse ?

    Sur le web il existe de nombreux sites d'éducation en français et en anglais.

    Il est également possible et même recommandé de suivre des cours (payants mais raisonnables) à l'école de la bourse. Enfin on peut consulter les FAQs des newsgroups en commençant par la FAQ de aus.invest et Invest-FAQ (lire aussi les articles).
  2. A quoi sert la bourse ?

    Le fondement de nos sociétés, depuis l'avènement de la spécialisation du travail (au néolithique, ça fait un bail) est l'échange. Le producteur échange avec le consommateur sa production contre la sienne (troc) ou contre de la monnaie qui sert d'intermédiaire (vente). Afin de faciliter les échanges, on peut les organiser en un lieu et en tirer des informations sur le "marché" : prix de négociation (le cours), quantité de produits négociés (le volume) etc qui renseignent sur la santé des affaires.

    La bourse est un marché organisé, généralement réglementé et placé sous l'égide d'une autorité qui veille à son bon fonctionnement (mouais). On peut y échanger des marchandises (bourse de commerce), des titres financiers (actions, obligations...), et des contrats dérivés (basés sur les précédents) tels que des futures ou des options. Les entreprises peuvent s'approvisionner en matières premières sur les marchés ou se référer aux prix qui y sont pratiqués afin de négocier avec leurs fournisseurs (rôle informatif des cours). Elles peuvent utiliser les marchés de capitaux pour se financer et le marché des changes pour travailler à l'étranger.

    Il y a trois façons de créer un marché. La première utilise un lieu commun pour réunir les intervenants. C'est ce qui se passait du temps du marché aux bestiaux de saint-florentin, de la "corbeille" à paris ou des parquets de bourse (encore aujourd'hui aux USA). La seconde consiste à éditer un annuaire des courtiers. C'est encore le cas pour un marché non centralisé comme le marché des changes (il existe un "red book"). Libre à eux de se contacter, négocier et gérer leurs comptes. La troisième consiste à émettre à destination de tous ceux qui le désirent les informations sur les transactions et à traiter les ordres automatiquement sur une plateforme électronique accessible aux courtiers. C'est l'organisation des marchés électroniques contemporains.

    Ce qu'on appelle communément "la bourse" est généralement le marché des actions. Elle permet aux épargnants d'acheter facilement des parts de société qui leur donne droit à une part des bénéfices, et aux entreprises de trouver des financements (en théorie).

  3. Quelle est la différence entre l'investissement et le trading ?

    Investir consiste à sélectionner un produit (action, obligation, contrat future...) dont on pense que l'actif sous-jacent (la valeur de l'entreprise, de l'obligation, d'une marchandise...) va évoluer pour des raisons clairement identifiées. Si on pense que la valeur de l'actif va augmenter on est acheteur, sinon vendeur (facile, non ? Ben non).

    Le trader ne se soucie pas (forcément) de la valeur du sous-jacent mais essentiellement de l'évolution du produit lui-même. Le cours d'un produit peut évoluer dans le sens opposé à la valeur de l'actif qu'il représente pendant une durée extrêmement longue, souvent à la surprise des investisseurs. Le trader tente d'identifier des facteurs qui engendrent de tels comportements (apparemment aberrants) pour en tirer profit (ce qui tend à réduire le nombre et l'importance de ces anomalies).

    En pratique la frontière entre les deux est plus ténue, beaucoup mélangent les deux approches. Un trader ne fait pas nécessairement plus d'opérations qu'un investisseur (même si c'est souvent le cas), la différence ne tient pas à la fréquence mais à la philosophie.

  4. La bourse est-elle un jeu à somme nulle ?

    Ca dépend des marchés. Pour les actions la réponse est non, car les actions reflètent la valeur des sociétés cotées, qui dans l'ensemble et sur le long terme sont profitables et solides. Les bénéfices réalisés sont soit mis en réserve (et cela devrait se refléter sur le cours de l'action) soit distribués (et le détenteur de l'action en reçoit une fraction correspondant à sa part dans le capital). L'ensemble des bénéfices réalisés par les entreprises compensent les défaillances d'entreprises. Les marchés actions sont donc à somme positive.

    Nénamoins un trader ou un investisseur très actif peut payer des commissions importantes qui risquent d'amputer ses profits. Il peut aussi être vendeur à découvert et dans ce cas il participe à un jeu à somme négative (en théorie).

    Les marchés de futures sur marchandises (produits agricoles, métaux, énergie) sont à somme nulle. En effet à chaque "acheteur" correspond un "vendeur". Lorsqu'un acheteur gagne 1 euro le vendeur perd 1 euro exactement.

    En vérité il y a des coûts (taux d'emprunt sur les actions, cost of carry sur les marchandises...) qui dans certains cas ne sont pas négligeables. C'est aussi le cas sur le marché des changes, s'il y a une différence importante entre les taux d'intérêt associés aux deux devises de la paire. Il faudrait rentrer dans les détails mais disons qu'en première approximation ce qui précède est exact.

  5. Qu'est-ce que l'analyse technique ?

    L'analyse technique est une discipline d'analyse des marchés qui exploite uniquement les cours ou d'autres infos provenant uniquement des transactions. Il y a de nombreuses techniques associées comme les moyennes mobiles, les supports et résistances, les vagues d'elliot etc. L'analyse technique est soit graphique (directement sur le graphe des cours) soit "mathématique" (sous la forme d'indicateurs). A la base il ne s'agit que de mesures (comme une prise de température) permettant de repérer une situation particulière dont on pourrait tirer profit, mais beaucoup d'analystes extrapolent ces mesures pour tenter de prédire l'évolution des cours (avec plus ou moins de succès). C'est pourquoi l'analyse technique est souvent assimilée à de la cartomancie.

  6. Qu'est-ce que l'analyse fondamentale ?

    L'analyse fondamentale est une discipline d'analyse des marchés qui cherche à établir s'il existe un écart entre la valeur de marché d'un actif et sa valeur "théorique". En d'autres termes, le fondamentaliste considère que l'actif possède une valeur autre que le prix du marché, valeur à laquelle il attribue une grande importance, et qui est établie à partir d'un modèle. Ce modèle exploite des informations autres que les cours. Par exemple pour une entreprise il peut utiliser le bilan de la société, ou simplement l'historique de ses bénéfices. Pour une marchandise on peut analyser la production, la consommation et les stocks. Certains modèles sont quantitatifs (tout est calculé à l'aide de formules et d'informations précises et supposées fiables) mais beaucoup sont empiriques. Il n'existe bien sûr aucun modèle universel et parfait, et beaucoup d'analystes fondamentaux utilisent leur expérience et intègrent des facteurs macroéconomiques et géopolitiques. Il est difficile de déterminer la pertinence et la qualité d'une analyse. L'analyse est à la base de l'opération mais bien d'autres facteurs (comme le money management) peuvent déterminer la profitabilité. C'est pourquoi l'analyse fondamentale est souvent assimilée à un exercice de pure vanité.

  7. Peut-on gagner de l'argent avec l'analyse technique ?

    Telle quelle, la question n'a pas beaucoup de sens. Peut-on soigner un patient en prenant sa température ? La température n'est qu'une indication aidant à faire un diagnostic et à suivre l'évolution d'un patient. Une meilleure question serait "est-il possible de gagner de l'argent de façon consistante et sur une longue période en appliquant une méthode qui n'utilise que des informations sur les transactions comme les cours et les volumes ?". A cette question on peut répondre par l'affirmative. Néanmoins, une méthode, quelle qu'elle soit, nécessitera probablement des ajustements avec le temps : rien n'est jamais acquis définitivement et repérer quand il est temps de faire ces changements (et lesquels) peut être délicat.

  8. Qu'est-ce qu'un système de trading ?

    C'est une stratégie décrite si précisément qu'on pourrait en faire un programme (de trading) qui prendrait seul toutes les décisions. C'est d'ailleurs le cas des systèmes actuels, vendus sous forme d'un programme écrit pour une plateforme de trading (comme Tradestation). La plupart des systèmes de trading sont basés sur l'analyse technique, car les cours sont l'information la plus facile à se procurer. Les vendeurs de systèmes n'ont pas bonne réputation à quelques exceptions car ils sont accusés de vendre des systèmes dont les performances futures (non garanties) sont souvent décevantes et parfois ruineuses. Un système exploite un ou plusieurs edge généralement testés sur une période suffisamment longue pour être statistiquement significatifs mais le système peut rencontrer une periode de sous-performance plus importante que ce que les simulations ont indiqué. La conception d'un bon système est délicate et nécessite un processus rigoureux de validation.

  9. Qu'est-ce qu'un edge ?

    Un edge est l'avantage que possède l'investisseur ou le trader sur le marché (les autres participants). On ne peut pas espérer avoir de meilleures performances que les autres à long terme si on ne détient pas un avantage compétitif sur eux. Il peut s'agir d'une source d'informations privilégiée, de l'exploitation d'un comportement, d'une stratégie mieux rodée etc.

  10. Qu'est-ce qu'une stratégie ?

    Une stratégie est une feuille de route pour exécuter ses opérations et doit répondre à au moins trois questions : quoi, quand, combien. Quoi acheter ou vendre, quand réaliser l'opération et en quelle quantité.

  11. Qu'est-ce que le money management ?

    Le money management consiste à déterminer quelle quantité de produits sera achetée ou vendue, à quelle condition on cède ou renforce une ligne (position management) et comment sera composé le portefeuille (portfolio management). Cela peut dépendre de la volatilité (propension à bouger) des cours, des autres actifs détenus (afin de limiter le risque lié à une cause commune par exemple), de la stratégie suivie et bien sûr de l'aversion au risque. Le money management est très important mais trop souvent négligé. Ce n'est pas le graal non plus. Il permet de limiter les risques de ruine et d'exploiter (si possible) au mieux un avantage.

  12. Qu'est-ce qu'un stop loss ?

    Un stop est un seuil au-delà duquel on s'engage à dénouer (défaire) une opération (revendre les actions qu'on a acheté par exemple). Le principe de base du trading consiste à se fixer un tel seuil avant de réaliser une opération afin de limiter ses pertes. Par exemple on se fixe un stop sous le prix auquel on compte acquérir des actions (quelques pourcents), et si le cours atteint le stop, les actions sont revendues. Dans bien des cas les cours iront au-delà du seuil/stop (et donc l'opération sera dénouée avec une perte) pour revenir ensuite dans une plage où on aurait été gagnant. Mais dans quelques cas les cours iront tellement à l'encontre de sa position initiale que cette technique évitera la ruine. Le stop est le seul moyen du trader pour tenter d'éviter la ruine (avec la diversification).

  13. Qu'est-ce que la vente à découvert ?

    A priori, on ne peut vendre une action sur le marché que si on la possède déjà. Pourtant il est parfois possible de vendre des actions que l'on n'a pas, puis de les racheter plus tard si possible à un cours inférieur. Le résultat est la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. C'est possible avec la vente à découvert. Il s'agit en fait d'une avance, un prêt de titres. Munis de ces titres il est possible de les vendre. En france on peut emprunter simplement à l'aide d'un mécanisme appelé SRD. La plupart des bourses dans le monde permettent la vente à découvert, parfois à certaines conditions.

    La vente à découvert est un art délicat. Les actions ont tendance à monter au cours du temps du fait de la création de valeur des entreprises et de l'inflation. De plus l'emprunt des titres est une opération coûteuse (il faut payer le prêteur). Il y a également des risques importants à cause des opérations telles que des fusions ou des acquisitions qui peuvent faire brutalement monter les cours. C'est pourquoi ce genre d'opérations est déconseillé aux débutants. Néanmoins, menées avec prudence dans des marchés baissiers ou lors d'annonces inattendues de mauvaises nouvelles, elles peuvent s'avérer très lucratives.

    En ce qui concerne les contrats, ils ne sont pas vendus à découvert. En fait lorsqu'une transaction est réalisée, les deux participants souscrivent à un contrat (qui comporte deux parties). L'un est dit long et l'autre short. Ces termes sont abusivement assimilés à acheteur et vendeur. En fait l'analogie tient la route pour les futures (contrats à terme) (celui qui est long a quasiment la même position que s'il était acheteur du sous-jacent, celui qui est short quasiment la même position que s'il était vendeur) mais pas pour les options (si on est long de puts on perd lorsque le sous-jacent monte).

  14. Qu'est-ce qu'un hedge fund (ou fond alternatif) ?

    A l'origine un hedge fund était un type de fond conçu pour être protégé d'une baisse générale du marché. Son principe consistait à simultanément acheter certaines actions et en vendre d'autres (à découvert), de sorte que globalement la performance du fond dépendait peu de la tendance du marché. Le terme a été perverti depuis et est aussi utilisé pour désigner des fonds plus spéculatifs. Ces derniers ne sont pas forcément indépendants de la tendance, peuvent l'amplifier (fonds à levier) et peuvent être investis sur des supports autres que les actions. Ils utilisent des techniques qui relèvent plus du trading que de l'investissement et il en existe de nombreux types. Beaucoup de hedge funds cherchent à avoir une performance régulière et stable. Le risque de défaillance de ces fonds est plus important que les traditionnels fonds communs. L'expression fond alternatif est utilisée par l'industrie financière pour désigner ce genre de fonds.

  15. Pourquoi les cours bougent-ils autant ?

    En première approximation, et à court terme, on peut considérer que le prix d'une action est proportionnel aux bénéfices anticipés. Or la plupart des entreprises ont des bénéfices assez variables car de nombreux facteurs de la vie économique perturbent leurs affaires : variation de la demande, des matières premières, des devises etc. Ces facteurs peuvent même se cumuler et créer un effet de levier sur le résultat de sorte qu'une variation de quelques pourcents du cours de certaines matières premières peut amputer de moitié les bénéfices. C'est particulièrement le cas pour les entreprises qui n'ont pas de "pricing power", la capacité de fixer leur prix de vente mais doivent se soumettre à la pression de leurs clients. Ainsi les actifs financiers sont naturellement volatils. On pourrait s'attendre à ce que les cours soient plus stables que les variations des résultats, les investisseurs s'attendant à un retour à la normale. C'est parfois le cas, mais malgré tout les variations sont importantes et quelquefois plus importantes que l'impact théorique si, par exemple, les investisseurs craignent que les problèmes durent ou s'aggravent.

    On peut aussi expliquer des mouvements très importants par des considérations purement économiques. Par exemple le prix d'une marchandise en surproduction peut baisser jusqu'à ce que les producteurs les plus fragiles fassent faillite (et la production baisse, les stocks diminuent). Alors le rapport de force changera en faveur des producteurs et les prix ont des chances de remonter de façon spectaculaire (ce qui attirera de nouveaux producteurs ou permettra aux survivants de réinvestir pour augmenter leur production et ainsi de suite). Ce balayage reflète le principe de création destructrice du capitalisme et établit des liens entre les marchés sur lesquels les entreprises font du commerce, les marchés de marchandises sur lesquels ils s'approvisionnent et les marchés de capitaux sur lesquels ils se financent. De façon générale, l'expérience montre que les cours vont souvent largement au-delà de ce que la plupart imaginaient.

  16. Pourquoi une entreprise va-t-elle en bourse ?

    Les marchés actions sont aussi appelés des marchés de capitaux parce que les sociétés qui y sont (ou s'y introduisent) peuvent se faire financer. Pour cela elles vendent une partie de leurs actions et récupèrent l'argent associé. Le nombre d'actions est fixe, à moins que la société n'augmente ce nombre (pour en vendre une partie justement). Il peut y avoir d'autres raisons, comme un entrepreneur désirant vendre sa société, ou afin de faciliter une succession etc.

    En pratique les entreprises qui atteignent la bourse sont au bout du rouleau. Même si elles peuvent encore gagner beaucoup d'argent, leurs meilleures années sont derrière elles. Les entrepreneurs trouvent en général des capitaux auprès de fonds d'investissement spécialisés dans le développement si leur affaire est vraiment prometteuse. La raison pour laquelle une société "échoue" en bourse est qu'il n'y a pas de meilleure opportunité pour trouver des capitaux. C'est pourquoi il y a un nombre record d'introductions lorsque le marché est proche de ses plus hauts (les professionnels en amont ne veulent plus financer les entreprises et au contraire cherchent à concrétiser leurs plus-values en cédant leurs participations). Le véritable rôle des marchés actions est de permettre aux entrepreneurs, investisseurs avertis et professionnels de se refinancer en cédant leurs participations. Pour cela il est important de rendre la bourse, ce haut lieu de la spéculation, (apparemment) sérieuse, sûre et intéressante pour attirer l'épargne du grand public.

    Sur les marchés actions les petits porteurs et les fonds communs (qui gèrent l'épargne individuelle) s'échangent des parts sur un marché de l'"occasion" (le marché est dit secondaire) puisque les actions ont été créées avant ou en partie lors de l'introduction. De temps en temps ont lieu des augmentations de capital, rarement pour financer de nouveaux projets, souvent pour recapitaliser une entreprise trop endettée (et donc au détriment des actionnaires antérieurs). L'introduction en bourse est un point d'inflexion à partir duquel on passe d'une logique entrepreneuriale à une logique gestionnaire, où le pouvoir passe des actionnaires (souvent nombreux mais trop petits et désorganisés) aux détenteurs de la dette.

  17. Quelles sont les conséquences pour une entreprise d'une baisse du cours de son action ?

    A priori il n'y a pas de conséquence directe de la baisse du cours de l'action sur le fonctionnement d'une entreprise. Une entreprise ne perd pas d'argent lorsque le cours de l'action baisse, ce sont ses actionnaires qui en perdent. Néanmoins il y a des conséquences indirectes, comme la capacité à se financer par l'émission d'action. Lorsque le cours baisse de façon importante, cela indique une défiance des investisseurs, et il est alors probable qu'en cas d'émission de nouvelles actions ils ne souscriront pas ou peu. Cela dit, comme tout a un prix, si l'entreprise consent à baisser suffisamment son offre (de vente de ses actions), elle pourra peut-être placer ses titres. Certains fonds d'investissement sont spécialisés dans ce type d'opérations, à haut risque mais aussi à fort potentiel de gains.

    D'autre part cela a une conséquence sur le moral des actionnaires qui ont perdu de l'argent. Or une action donne droit à une part des bénéfices mais aussi à un droit de vote aux assemblées générales (dans le cas général). L'assemblée pourrait ne pas renouveler sa confiance à la direction, qui serait contrainte de démissionner, ou pourrait bloquer certains de ses projets. La direction est donc mise en danger par une baisse du cours.

    Enfin ces dernières années la distribution de stocks-options aux membres de la direction s'est généralisée, aussi une baisse de l'action fait-elle perdre de l'argent (et parfois beaucoup) à la direction. La raison d'être des stocks-options est justement l'alignement des intérêts des dirigeants et des actionnaires. C'est pourquoi la direction est incitée à mettre en oeuvre une politique permettant une progression de l'action. Les détracteurs de ce mécanisme estiment que cela se fait au détriment des intérêts à long terme de l'entreprise.

    A noter que la baisse du cours peut aussi satisfaire les actionnaires lorsqu'ils ont à payer l'ISF ou les héritiers qui doivent payer les droits de succession car cela minore l'impôt. Cela peut aussi être une opportunité pour l'actionnaire principal de racheter tout ou partie des actions à moindre prix, ce qui améliore le rendement de son investissement. Lorsque cet actionnaire est aussi dirigeant, il peut donc être incité à provoquer une baisse en prenant des initiatives "malheureuses", ou au moins à retirer tout son intérêt à l'action.

  18. La spéculation est-elle dangereuse pour l'économie ?

    Spéculer consiste à tenter de prévoir l'avenir afin de guider ses choix d'investissement. La spéculation repose donc sur l'anticipation de la situation économique d'une entreprise, d'un secteur, un pays ou sur la demande et l'offre pour une matière première. Aussi les spéculateurs peuvent-ils prendre des positions à contre-courant des autres intervenants, vendant lorsqu'ils estiment que le cours est trop élevé, achetant lorsqu'ils estiment qu'il est trop bas et que cela va bientôt changer. Par conséquent leur action sur les marchés est régulatrice : elle corrige les excès.

    D'autre part les marchés dérivés sont dédiés à l'échange d'une partie du risque lié à certains produits (comme le risque pour un producteur de sucre d'une baisse des cours). Lorsqu'un échange a lieu, l'un réduit son risque tandis que l'autre l'augmente : le risque est transféré. Si certains désirent se prémunir contre un risque, il faut bien que quelqu'un accepte de courir ce risque pour qu'il y ait transfert. Celui qui accepte de courir un risque est un spéculateur. Evidemment il le fait dans l'espoir que cette prise de risque sera rémunérée de façon intéressante, même s'il n'y a pas de garantie a priori. C'est au spéculateur de gérer les risques qu'il prend, en les adossant et les limitant. Les marchés financiers et particulèrement dérivés ont permis de stabiliser l'économie en permettant de répartir le risque sur un grand nombre d'acteurs, plutôt que de le concentrer sur quelques-uns qui sont alors fragilisés.

    La spéculation a mauvaise presse. D'abord il est reproché aux spéculateurs de déstabiliser les marchés. Il est exact que dans certaines circonstances, l'arrivée en masse de spéculateurs sur un marché peut provoquer des mouvements de prix importants. A posteriori ces mouvements peuvent s'avérer injustifiés, ce qui est pratiquement impossible à déterminer a priori. Deux phénomènes sont en cause : d'une part des anticipations irrationnelles (comme des perspectives de croissance grotesques), d'autre part un comportement moutonnier (non fondé sur une analyse personnelle) menant à des décisions pouvant parfois mettre en danger un marché. Etant donné le lien entre finance et économie, il peut y avoir des répercussions dans l'économie de tous les jours (boucles de rétro-action, réflexivité de Soros). Ce n'est pas tant le comportement individuel du spéculateur que le comportement collectif qui est en cause.

    Il y a aussi tout un tas de croyances infondées liés à la spéculation qui ont été invalidées par les chercheurs en finance. Parmi les plus répandues, citons la croyance selon laquelle le cours d'une action monte lorsqu'une entreprise annonce des licenciements. Aucune relation de cause à effet entre les deux n'a pu être établie à ce jour, mais cette croyance reste profondément ancrée dans les esprits. Les marchés actuels seraient aussi plus volatiles qu'il y a quelques décennies. Ceci est démenti par les statistiques sur la volatilité. Si la volatilité est bien cyclique, et a atteint des niveaux exceptionnels sur les marchés actions à la fin du vingtième siècle, cela reste dans la norme historique. Ces mêmes marchés ont connu par la suite des niveaux de volatilité extrêmement faibles, pourtant durant cette période les commentateurs n'ont eu de cesse de se focaliser sur la volatilité qu'ils se représentaient comme excessive (à l'opposé de toute mesure). Une autre croyance très répandue concerne l'impact de l'effet de levier, utilisé entre autres par les fonds alternatifs, sur la volatilité des marchés. Schwert notamment l'a étudié et en a conclu que le levier n'a qu'un effet relativement limité. Cela n'empêche pas ces croyances de continuer à prospérer, autant parmi les grands patrons et les politiques que parmi les gens ordinaires.

    Enfin beaucoup de gens se laissent un jour ou l'autre tenter par la spéculation, même s'ils déguisent leurs actions sous des termes comme épargne ou investissement. Or la spéculation est un art difficile et les amateurs sont pratiquement condamnés à l'échec, à subir des pertes. Aigris par leur mésaventure, ces malheureux n'auront de cesse de dénoncer le comportement des autres, de rejeter leur échec sur le dos des spéculateurs. Pour cette raison ces derniers constituent un groupe social forcément minoritaire et marginal à tous les sens du terme.

  19. Les marchés sont-ils libres ?

    Non. Si l'accès aux marchés actions s'est fortement démocratisé, la principale barrière n'est pas l'accès mais la connaissance et l'information. Investir demande du temps et de la compétence. Mais ce n'est pas tout. Les autorités ont des moyens d'influencer le comportement des cours. Sur les monnaies, les déclarations des banques centrales sont très écoutées alors qu'en fait il s'agit plus de messages d'avertissements (voire subliminaux...) que d'opérations concrètes. Sur les actions, il est possible de demander aux institutionnels d'arrêter de prêter un titre pour décourager les ventes à découvert par exemple (encore plus facile si l'établissement est public). Sur les marchandises (commodities/"commodités") il est possible de modifier le dépôt de garantie ("margin") parfois à un niveau absurde (plusieurs fois la valeur des contrats...) pour décourager certaines catégories d'opérateurs. Il est aussi possible d'octroyer des facilités à certains (margin bien moindre). L'intervention est monnaie courante : cela fait bien longtemps que les marchés sont en "liberté surveillée".

    De plus les institutionnels (banques, assurances, fonds d'investissements) sont soumis à une législation particulièrement contraignante. Elle définit leur capacité d'intervention et même leur organisation interne. Les zinzins sont soumis à une autorité régulant leur activité plus à au moins une autre pour chaque marché sur lesquels ils interviennent. Des règlements internationaux limitent la prise de risque de chaque institution à des niveaux raisonnables. Risque, organisation, activités, fonds propres, tout est régulé. En fait les contraintes sont telles que cela a favorisé l'émergence des fonds alternatifs, fonds d'investissement déguisés en entreprise traditionnelle, afin d'échapper à des règles trop strictes. Mais les fonds alternatifs sont en train d'être rattrapés par le rouleau compresseur législatif. Certains pays, comme la France, ont de telles contraintes que cela a favorisé l'émergence de places financières frontalières (luxembourg, suisse) au détriment de leur propre secteur financier.

  20. Pourquoi ?

    Parce que. Non mais.