Cinq Minutes


par Harriet

 

 

Fandom : Le Diable s'habille en Prada
Couple : Miranda / Andy
Avertissement : Le Diable s'habille en Prada et ses personnages appartiennent à Lauren Weisberger (auteure du livre) et 20th Century Fox (Producteur du film). Aucun profit n'est tiré de cette fanfic.
Genre : Alt + selon la classification Guerrière & Amazone
Note (de l'auteure) : Merci à mon bêta Xander, qui me garde sur les rails alors que cette histoire a changé plusieurs fois de direction pendant son écriture. J'espère que vous l'apprécierez.
Mail de l'auteure (qui ne parle pas français) : harrietvane47 at yahoo.com
Note (de la traductrice) : L'histoire est complète et la traduction sera achevée. Merci à Fanfan, toujours présente pour me soutenir (et me corriger) quelque soit le projet.

 

 

1ère partie |

 

 

1ère partie

ANDREA

 

Brad est si gentil pensa Andrea. Elle devait sûrement être la fille la plus chanceuse au monde. Vraiment. "Tu as l'air drôlement chic" dit-elle en passant deux doigts le long du revers de sa veste du soir. "En pleine forme".

"Toi, tu as vraiment la classe. Cette robe est… elle est éblouissante. Tu l'as achetée hier avec Jasmine quand vous êtes allées faire les boutiques ?"

"Mmm. Tu ne pensais pas que j'allais me rendre à un dîner pour rencontrer ton père sans avoir une nouvelle robe ?"

"J'espère que tu as mis ça sur mon compte." Répondit Brad en fronçant les sourcils.

Andy répondit juste d'un signe de tête. Elle n'avait pas mis cet achat sur son compte, mais il n'avait pas besoin de le savoir. De toutes façons , il ne payait pas ses propres factures donc cela n'avait pas d'importance. La robe aurait été bien au-delà de son budget si Brad n'avait pas pour habitude de tout payer à chaque fois qu'ils sortaient ensemble, ce qui était le cas presque tous les soirs ces derniers temps. Au début, elle avait protesté et avait proposé de partager la note. Mais quand elle avait réalisé combien il avait vraiment à son compte, elle avait laissé tomber. Non pas qu'elle pense qu'elle méritait d'aller dans de bons restaurants, mais cela semblait franchement embarrassant de proposer de partager. Après tout, elle s'en sortait tout juste en vivant sur le salaire d'une journaliste débutante et c'était agréable que quelqu'un s'occupe de vous pour changer. Quelques mois à dîner dans des restaurants chics lui avaient permis d'économiser des centaines de dollars, qu'elle venait de dépenser jusqu'au dernier dans l'achat de cette nouvelle robe.

"Tu crois que je lui plairai ?"

Brad se moqua. "Bien sûr que tu lui plairas. Tu es parfaite. Pourquoi ne lui plairais-tu pas ?"

Andy sourit. "Tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas parfaite."

"Ce n'est pas mon avis;" Répondit-il en caressant la joue d'Andrea. "Tu es merveilleuse. Et il tombera sous ton charme, tout comme moi. Mais tu ne peux pas me laisser tomber pour lui, d'accord ? Cela me tuerait de perdre une fille splendide comme toi pour quelqu'un de vieux comme mon père."

Andy éclata de rire. "Il n'est pas vieux. Il a à peine la soixantaine."

"Pour moi, c'est vieux" répliqua Brad. "Mais j'oublie que je fréquente une femme plus vieille que moi." Dit-il d'un ton taquin.

"Plus vieille de quatorze bons mois. Tu sais comme j'aime prendre mes soupirants au berceau." Répondit-elle sur le même ton. "Laisse-moi prendre mon sac."

Quelques minutes plus tard, ils étaient dans la limousine conduite par le chauffeur habituel de Brad. Parfois, il rappelait Roy à Andy, mais elle ne connaissait pas le nom de celui-la. Il ne disait jamais un mot et Brad ne discutait pas avec lui. C'est comme si l'homme était invisible. Cela… dérangeait un peu Andy, mais elle ne pensait pas que ce soit sa place d'en faire la remarque. Elle n'était que de passage dans ce monde, du moins pour l'instant.

Le père de Brad, Alexander Huntington, dirigeait Atlas, un énorme conglomérat dans le secteur des médias qui semblait s'agrandir à chaque minute écoulée. Andy avait fait des recherches approfondies quand elle avait rencontré Brad quelques mois plus tôt. Elle avait failli avoir une attaque quand elle avait réalisé que Brad n'était pas un garçon comme les autres. Il était obscènement riche. Elle s'interrogea sur sa décision d'accepter un deuxième rendez-vous, mais décida ensuite de ne pas faire de discrimination par l'argent. Depuis lors, Andy avait plongé la tête la première dans un monde de privilèges et de pouvoir. A son grand étonnement, elle aimait ça. Tout le monde était gentil, et beau, et jamais pressé.

Cela n'avait rien à voir avec sa vraie vie. Sa journée laborieuse n'avait rien à voir avec ses sorties nocturnes, et pour l'instant, elle était contente de garder les deux univers séparés.

Pendant plusieurs mois après… son précédent job dont elle ne prononçait jamais le nom, même en pensée, elle travailla des journées encore plus longues. En partie parce qu'elle était seule et en partie parce qu'elle s'investissait dans son travail.

Habituellement, elle ne sortait pas sauf pour se prendre à manger et elle mangeait souvent seule. Elle travaillait tant que cela portait préjudice à certaines des ses plus vieilles amitiés, bien qu'elle aperçoive de loin en loin Lily ou Doug quand elle recevait une invitation à certaines manifestations. Le travail était devenu la vie d'Andy et pour un temps, ce fut suffisant.

Mais c'est alors qu'elle rencontra Brad et, tout en sachant que c'était une erreur, elle diminua son nombre d'heures de travail. Sa mère était aux anges. "Oh chérie, tu es si jeune." Avait-elle dit. "Tu ne devrais pas passer tant de temps au bureau. Sors avec lui et amuse-toi pour changer. Je m'inquiète pour toi, mon cœur. Je veux que tu sois heureuse." Et c'est ainsi qu'Andy se mit à passer de plus en plus de temps avec Brad. Elle se rendit compte que c'était… amusant de sortir avec lui et parfois ses amis. Ceux-ci l'avaient acceptée sans hésiter juste parce que Brad l'aimait bien. Et elle s'entendait bien avec Jasmine, sa sœur. Quand Brad n'était pas disponible pour dîner, Jasmine servait de solution de rechange. Finalement, elle se sentit à nouveau humaine.

Mais il était difficile de réconcilier cette expérience avec la vie quotidienne au journal. Elle se demanda si Brad serait prêt à investir un peu de ses capitaux dans le Mirror puisqu'il était toujours à la recherche de nouveaux investissements à faire. Le journal aurait vraiment besoin d'un apport de liquidités et ce, très rapidement. Elle pensait qu'elle garderait son job encore six ou huit mois, mais sûrement pas plus longtemps. Ils avaient de gros problèmes et elle pouvait le voir sur le visage de John. Souvent.

Mais elle n'allait pas s'inquiéter pour son travail ce soir. Elle jeta un coup d'œil à Brad en soupirant. Il était si charmant.

Ils se garèrent près du trottoir et Brad l'aida à descendre de la voiture. "Prête à faire face au peloton d'exécution ?"

Andy éclata de rire. "Oh, tu n'as pas de raison de t'inquiéter : ce n'est pas toi qui dois rencontrer quelqu'un pour la première fois. Et les vieux types m’aiment, particulièrement les riches. J'ai un beau châssis, tu sais" plaisanta-t-elle.

Il jeta un coup d'oeil à sa poitrine et leva un sourcil. "Absolument, mais ne va pas trop parader. Je ne veux pas devenir jaloux. J'ai déjà assez de mal à garder mes amis loin de toi. "

Elle sourit et glissa son bras sous le sien avant de pénétrer à l'intérieur.

En vérité, son cœur battait un peu plus fort que d'habitude. Huntington était l'un des hommes les plus riches et les plus puissants du pays. Elle serait idiote de ne pas être inquiète et Andy n'était pas idiote. Mais elle arbora une expression sereine et essaya de se montrer confiante. Elle avait appris auprès des meilleurs que de montrer bonne figure, même quand tout se désagrégeait autour de soi, permettait de se sortir des situations les plus difficiles.

A l'intérieur, la décoration était agréablement sobre. Andy fut soulagée de voir que ce n'était pas un palais, mais il était apparent que toute une équipe de décorateurs aux honoraires monstrueux avait tout installé comme il le fallait. Andy entendit des voix venant de l'autre pièce et elle déglutit convulsivement. Inspirant profondément, elle entra dans la salle à manger, illuminée par un énorme chandelier étincelant. Trois personnes se tournèrent vers elle et Andy reconnut le père de Brad immédiatement. Il avait un beau et franc sourire, semblable à celui qu'arborait Brad au même moment. Il s'avança et tendit sa main à Andy.

"Bradley, bienvenue. Tu dois être… Annie ?"

"Andy, Monsieur, Andy Sachs."

"Ah, mes excuses. Très heureux de te rencontrer, Andy." Alexander serra la main de son fils avec fermeté. "Très jolie fille, mon garçon. Si elle est aussi intelligente qu'elle est attirante, tu es chanceux."

"Oh, elle l'est, Papa. Attends de voir et tu tomberas sous son charme."

"Je serai heureux de voir ça. Laisse-moi te présenter à ma sœur." Alexander la mena de l'autre côté de la pièce et Andy serra légèrement la main d'une femme plutôt grande. "Millicent et son mari Phillip sont en route pour aller au spectacle. Où cela se joue-t-il ? Au Minskoff ?" (NDT : nom d'une salle de spectacles à Broadway)

Phillip haussa les épaules avant de serrer la main d'Andy. "Je ne peux jamais m'en rappeler. C'est un plaisir de vous rencontrer, Andy."

Alexander asséna une claque sur l'épaule de Phillip. "Phillip est au conseil d'administration de la Danner Corporation. Ils ont des bons résultats en ce moment."

"Comme c'est intéressant !" dit Andy tout en essayant de ne pas montrer sa réprobation. Elle n'était pas fan des compagnies pétrolières et elle avait écrit une histoire, quelques mois plus tôt, sur les pratiques discriminatoires de Danner et d'autres sociétés du même type.

Brad prit la parole. "Jazz est en route, j'imagine. N'est-ce pas, Papa ?"

"Oui ou du moins, elle a intérêt car je voudrais lui présenter quelqu'un."

Andy se tourna vers Brad qui semblait confus. "Qui ça ? On connaît tout le monde ici."

"Pas tout le monde. J'ai commencé à…fréquenter quelqu'un. J'ai pensé que vous aimeriez lui être présentés."

Un immense sourire s'afficha sur le visage de Brad et il secoua la tête. "Vieux coquin. Et moi qui croyais que tu travaillais tard ces temps derniers. Où est l'heureuse élue ?"

"Au téléphone. Elle ne va… ah, la voici !" Il fit un signe de tête vers la porte et Andy se retourna pour voir de qui il s'agissait.

Elle cligna des yeux une fois, très délibérément, alors que le temps semblait se ralentir comme elle pensait que cela n'arrivait qu'au cinéma. Son champ de vision se rétrécit et elle se sentit incapable de respirer.

Miranda.

Elle regarda fixement, les yeux grands ouverts et par chance, son coeur choisit ce moment précis pour recommencer à battre. A toute allure. Elle souhaita que Brad soit un peu plus prêt pour pouvoir s'appuyer sur lui.

Quand Miranda croisa son regard, sans avoir eu le temps d’élever ses protections habituelles, Andy fut témoin de l'une des réactions les plus honnêtes qu'elle ait pu observer chez son ancienne patronne. C'était de l'étonnement à l'état pur, pas vraiment du mécontentement, mais plutôt de la confusion. Peut-être comme si elle pensait être entrée dans la mauvaise pièce, après avoir trébuché à travers un portail magique pour se retrouver dans un univers parallèle. Mais le regard disparu rapidement et elle fixa d'abord Andy, puis Alexander. Repoussant ses cheveux de son visage, Miranda dit : "Crise écartée. Franchement, l'incompétence de mon personnel ne manque invariablement pas de m'étonner. Bien qu'il se soit radicalement amélioré cette dernière année." Ajouta-t-elle en jetant un coup d'œil à Andy.

Andy ne put s'empêcher de sourire. Le timbre de sa voix, si moqueur, était presque réconfortant.

A cet instant, elle réalisa, même si elle ne pouvait pas le croire, que Miranda lui avait manqué, que sa totale et absolue certitude d'être toujours dans le vrai lui avait manqué, que sa confiance, son arrogance, son dédain pour l'imperfection lui avaient manqué. Sa brillance. Son aura, tel un diamant qui brille même dans la pièce la plus sombre.

Il y avait des jours où Andy avait tant haï Miranda Priestly qu'elle avait eu l'impression que son sang bouillait littéralement. Elle avait maudi le nom de sa patronne et les noms de ses deux diaboliques enfants plus de fois qu'elle ne pouvait se rappeler. Une fois, elle avait souhaité que Miranda disparaisse de la surface de la terre et qu'elle ne revienne jamais.

Mais là elle était contente. C'était…. bon de voir Miranda. Plus que ça. Son sourire s'élargit et elle dut détourner son regard avant qu'elle n'éclate de rire.

"Fils, voici Miranda Priestly. Elle est la rédactrice en chef du magasine Runway, que tu n’as sans doute jamais lu." Brad tendit sa main et Miranda répondit avec son sourire sirupeux, celui qu'Andy se souvenait l'avoir vu utiliser avec Jacqueline Follet.

"Enchanté, Madame Priestly." Dit Brad en baisant sa main.

Alexander fit advancer Andy. "Et voici…"

"Andrea." Ronronna Miranda, prononçant son prénom de cette drôle de façon, un peu snob qu'elle avait tant apprécié. Certaines choses ne changent pas, pensa Andy.

"Bonsoir Miranda." Elle ne savait pas si elle devait lui serrer la main ou lui donner un de ces baisers où les joues ne s'effleurent même pas ou quoi. Aussi elle attendit.

Miranda ne bougea pas non plus. Quand leurs regards se croisèrent à nouveau, Andy fut surprise de se sentir prise au piège. Son estomac se noua. Miranda avait toujours ce pouvoir sur elle de l'affecter physiquement au point de la rendre malade. Elle avait toujours rendu Andy nerveuse, jusqu'au dernier moment. Mais la physiologie de Andy n'avait plus l'habitude de rencontrer autant de tension ces temps-ci et elle trembla tout en se sentant pâlir.

Andy n'avait aucune idée du temps qui avait pu passer avant que Brad ne demande. "Vous vous connaissez ?"

Le lien qui avait relié son regard à celui de Miranda se brisa alors et Andy soupira de soulagement.

"Oui". Commença Miranda. "Andrea… a travaillé pour moi. A Runway."

"Andy Sachs, défenseur des droits des pauvres et des opprimés, travailler pour le premier magasine de mode au monde ?" demanda Brad. "Comment se fait-il qu'en trois mois, tu ne m'en aies jamais parlé ? Jamais la moindre allusion ! Bon sang, je sais tout de ce que c'était de travailler pour ta feuille de chou à l'université de Northwestern (NDT : université américaine située à Chicago), mais je trouve formidable que tu puisses laisser de côté ce renseignement de rien du tout." Brad secoua la tête d'un air affectueux tout en passant un bras autour d'elle. "Tu es vraiment spéciale, tu sais ça ?"

Andy haussa des épaules. Elle regarda à nouveau vers Miranda un instant, mais celle-ci s'était détournée.

---

Le dîner fut… déconcertant.

Miranda regarda à peine dans sa direction et ne lui adressa pas une fois la parole.

Ce ne fut pas le cas d'Alexander qui interrogea Andy pour savoir si elle aimait son métier de journaliste, comment son journal s'en sortait alors que la situation économique était ce qu'elle était. Andy écarta ses inquiétudes tout en sachant pertinemment que le journal devrait bientôt fermer. Il était si difficile de se maintenir face à un lion comme le New York Times et une hyène comme le New York Post. Alors qu'ils discutaient, Miranda la regarda brièvement et Andy se dit tout en bavardant qu'elle s'était imaginé le regard d'incrédulité et peut-être de sympathie.

La soirée ne s'arrangea pas quand il devint clair que Jasmine, sur qui Andy comptait pour faire diversion, décida de ne pas se montrer. Elle appela juste après que les entrées soient servies pour invoquer un rendez-vous de dernière minute avec un type avec qui elle devait "absolument" sortir. Pour autant qu'Andy soit concernée, Jasmine avait intérêt à ce que ce type soit George Clooney, sinon elle n'avait aucune excuse.

Brad ne remarqua pas qu'Andy se sentait mal à l'aise mais elle ne chercha pas à lui en faire part. Il était comme d'habitude, détendu et jovial et attentif bien sûr. Il prit soin de garder son verre plein et qu'elle ait toujours à manger ce qu'elle voulait. Non qu'Andy puisse manger grand chose. Pas en face de Miranda.

Particulièrement quand Alexander était tout aussi attentif aux besoins de Miranda que Brad l'était aux siens.

Ce sentiment de malaise au creux de l'estomac revint encore plus fort. Elle ne s'était jamais sentie dégoûtée par quelqu'un d'aussi gentil, mais Alexander semblait… complètement enamouré. Il choyait Miranda. Il répondait au moindre de ses caprices. Il l'embrassa même dans le cou une fois et Andy fut horrifiée. Elle n'avait aucune idée d'où ces sensations pouvaient venir, mais son front et le bas de son dos étaient moites de transpiration.

"Dis-nous ce que ça fait de travailler pour Miranda, Andy !" demanda Alexander au moment où le dessert était servi. Il plaisanta."Elle a une sacrée réputation, tu sais. Très difficile."

Andy repoussa l'assiette qu'on allait lui servir par dessus son épaule. Elle ne pouvait même pas envisager de manger la mousse au chocolat qui, en temps normal, serait restée moins de deux minutes dans son assiette. "Oh" Andy répondit en retenant son souffle "c'était… drôle. Une expérience exceptionnelle." Bon, c'était vrai, pensa-t-elle. Sauf pour le côté drôle.

Le sourcil de Miranda se leva brusquement. "Drôle ?" Dit-elle d'une vois traînante. "Vous pouvez être honnête, Andrea. Nous sommes entre amis." Miranda se tourna vers Alexander. "Andrea trouve que je manque d'éthique et qu'il est impossible de travailler pour moi. Savais-tu qu'elle avait abandonné son poste en plein milieu de la Semaine de la Mode à Paris ?" Son regard revint sur Andy, le mouvement de sa tête, mécanique. "Au milieu de l'une des manifestations les plus importantes de l'année, elle est partie. Je me suis toujours demandé, Andrea, Pourquoi avez-vous fait ça ?"

Andy déglutit et Brad plaça une main sur le dossier de sa chaise.

"Je vous ai posé une question, Andrea. Pourquoi êtes-vous partie ? J'aurais pu causer votre perte, vous savez." Sa voix était claire et légère. Douce. Si douce qu'elle aurait pu l'étouffer à mort, elle n'aurait pas fait attention.

De l'autre côté de la table, Alexander était sans voix, la bouche légèrement entrouverte tant il était choqué.

"Et quand vous êtes partie, vous vouliez croire qu'il restait en moi une once de décence, n'est-ce pas ?" Miranda pencha la tête. "Ce n'est pas vrai bien sûr. Je ne trouvais pas vos compétences irremplaçables au point de vouloir les préserver pour Runway. Si vous vouliez vous réfugier dans ce journal au bord de la déconfiture qui va sûrement subir plan social après plan social jusqu'à ce qu'il disparaisse, c'est votre choix bien sûr." Miranda but délicatement une gorgée de son champagne tout en se tournant vers Brad. "Je suis allée contre mon premier réflexe en donnant une recommandation à Andrea pour son nouveau travail. Avant ce soir, je pensais avoir fait une erreur, qu'il aurait été mieux pour elle de quitter New York pour qu'elle n'ait pas à faire l'expérience de l'échec. Une telle… déception. Elle est vraiment très sensible à la déception. N'est-ce pas, Andrea ?"

Andy ne pouvait croire ce qu'elle était en train d'entendre, mais une seule chose retint son attention. "Vous voulez dire que vous avez pensé à moi une fois ou deux après mon départ ?" Le rire d'Andy était plein d'amertume. Elle était au bord des larmes, étonnée de la douleur que lui causaient les paroles de Miranda. "Vous avez vraiment gaspillé un seul instant à penser à quelqu'un d'autre que vous ?" Andy jeta sa serviette sur la table. Elle voulait s'enfuir. Loin, vite. Mais elle ne donnerait pas ce plaisir à Miranda. "Oh, au fait ! Comment va Nigel ?" Elle saisit la coupe de mousse de Brad, ignora le bruit désagréable du cristal sur la porcelaine. Cuillère en argent dans la main, elle prit une bouchée aussi large qu'elle put et l'engouffra dans sa bouche.

Miranda ne répondit pas, mais elle pinça ses lèvres. Bingo. Il était toujours à Runway, sous sa coupe. Andy en était sûre. Andy avala le chocolat sans le goûter. "Ainsi, il n'a pas trouvé de nouveau poste si je comprends bien. Toujours en train de passer derrière vous à corriger la pagaille que vous causez. Pauvre gars. Vous savez, Miranda ? Tout le monde vous aime, mais je ne comprends vraiment pas pourquoi. Vous en particulier ne devriez pas forcer les gens à travailler pour vous juste pour garder des amis. Parce que quand quelqu'un a peur de vous, il n'est pas vraiment votre ami."

Miranda gronda. "Espèce de petite ingrate…"

"Oh la ferme, femme dragon !" Andy hurla.

"Mesdames !" Alexander s'interposa.

La pièce redevint silencieuse. Andy ne pouvait détacher ses yeux de ceux de Miranda, pétrifiée par ces deux flaques bleues brûlant d'un feu de glace. Son cœur battait la chamade à l'intérieur de sa poitrine.

Puis Andy se souvint où elle était et avec qui elle était. L'embarras l'envahit et son visage s'empourpra.

Si sa carrière était déjà menacée avant, il était certain qu'elle n'en aurait plus du tout après ce soir. Elle se retourna vers Brad qui avait sur son visage un air qu'elle n'avait jamais vu avant. Et elle n'avait pas la moindre idée de ce que cela pouvait signifier. Pendant ce temps, Miranda était appuyée contre le dossier de sa chaise et semblait aussi surprise que les autres. Elle cligna rapidement des yeux comme si elle sortait d'un rêve éveillé.

Alexander reprit, plus doucement cette fois. "Mesdames, Je pense que peut-être, vous avez plus de choses à… clarifier que vous ne pouviez penser. Bradley, joins-toi à moi et nous prendrons un Xères dans le bureau, d'accord ?"

"Papa, je…"

"Viens, fils !" Dis Alexander et Brad le suivit hors de la pièce après avoir lancé à Andy un haussement d'épaules résigné.

Elles étaient seules. Andy regarda le ramequin de mousse à moitié vide. Elle souhaitait qu'elle n'aurait pas envie de vomir. Mais elle ne pouvait rien dire. Elle ne pouvait présenter ses excuses. Vous avez commencé, pensa-t-elle, Vous d'abord. Mais Miranda n'ouvrit pas la bouche. Elle resta simplement à fixer le mur, les yeux dans le vague.

Andy s'avoua vaincue, mais elle le savait d’avance. "Comment savez-vous à propos du New York Mirror ?" demanda-t'elle doucement. "John garde vraiment ces renseignements pour lui."

Miranda grogna. "Je travaille dans le même secteur d'activité. Je le sais depuis un certain temps."

"Combien de temps reste-t-il à votre avis ?"

"Si les choses continuent comme elles sont, un an au plus."

Andy se détourna. Elle trouverait un autre travail. Elle avait pas mal de relations, particulièrement maintenant. Mais il y avait les rédacteurs, les auteurs, les secrétaires qui avaient le même travail depuis quinze ans. Où iraient-ils ? Comment pourraient-ils s'en sortir ?

"Ne pleurnichez pas !" dit Miranda. "Vous vous en sortirez."

Andy rit doucement. "Je sais. Mais John à 54 ans avec trois filles en âge d'aller à l'université. Que va-t-il faire ?"

Miranda la regarda, surprise à nouveau. "Oh ! Eh bien, il survivra. C'est ce que font les gens."

Andy répliqua, amère. "Facile à dire pour vous."

"Ne croyez pas un instant que je ne sais pas ce que se débattre avec les problèmes veut dire, Andrea. Je le sais." Miranda semblait vouloir en dire plus, mais elle retint ses paroles. Après une pause, elle reprit. "Je vais vous donner un conseil. Si vous voulez sauver "le pauvre et l'opprimé" de je ne sais quoi dont ils ont besoin d'être sauvés, sauvez-vous vous-même en premier. Utilisez les compétences et l’intelligence dont vous avez été visiblement pourvue pour aider ceux autour de vous à sauver leur emploi. Pour l'amour de Dieu, faites quelque chose ! Ensuite vous pourrez… vous soucier de tous les autres."

Andy fixa Miranda. Tout ce qu'elle avait dit était sensé. Elle ne pouvait pas croire qu'elle n'y avait pas pensé elle-même. Elle avait été si occupée à être déprimée et incertaine à propos de sa carrière qu'elle avait oublié qu'un jour elle avait su réfléchir de façon innovante pour résoudre toutes sortes de difficultés de façon quotidienne. Bien sûr, dans le grand ordre des choses, c'étaient de petits problèmes, mais au bout du compte, ça marchait de la même façon. Non ? "Wow !" répondit Andy.

Miranda plaça sa serviette sur la table. "Je pense que cela suffit alors."

Andy avait beaucoup à penser, mais il y avait une chose qu'elle voulait clarifier. "Je ne souhaite pas vraiment présenter d'excuses."

Le visage de Miranda ne changea pas. "Je n'en attends pas. Et je n'en présenterai pas non plus."

"Oh ! D'accord, bien." Ses lèvres se tordirent et les mots se déversèrent soudain. "Au fait, vous savez parfaitement pourquoi j'ai quitté Runway."

Tout en soupirant, Miranda plaça ses deux mains sur la table et inspecta ses ongles. "Peut-être. Je pensais qu'il y avait une autre raison, mais je peux m'être trompée." Puis ses yeux s'étrécissant, Miranda demanda sans le moindre rapport. "Vous envisagez d'épouser Bradley ?"

Andy inspira. "Non ! Je.. Mmm… Cela ne fait que quelques mois. Je ne le connais pas encore vraiment bien." Elle resta pensive un instant. "Allez vous épouser Alexander ?"

Miranda humecta ses lèvres. "Je n'ai pas encore décidé. Il est d'un caractère étonnement agréable pour quelqu'un d'aussi riche."

Andy insista. "Il semble vous apprécier."

"C'est possible."

Andy fronça des sourcils. "C'est bizarre."

"Indéniablement."

"Je suppose que nous devrions… essayer de nous entendre ?"

"En effet." Miranda se leva et Andy l'imita. Alors qu'elles marchaient dans le couloir, Miranda regarda par-dessus son épaule.

"Vous ne voulez pas prendre votre dessert avec vous ? Vous sembliez particulièrement l’apprécier à l’instant. Bien que cela ne me surprenne pas..." continua-t-elle, ses yeux suivant la silhouette d'Andy.

Andy eut un petit sourire. "Contente de voir que certaines choses ne changent pas. Vous avez toujours l'air fantastique."

Miranda jeta un coup d'oeil dans un miroir alors qu'elles le dépassaient. "Bien sûr."

Etouffant un éclat de rire, elle suivit Miranda dans le bureau. Alexander était installé confortablement, faisant tourner son cognac dans un verre. Juste pour que le cliché soit complet, Brad fumait un cigare, assis dans un fauteuil club en face de son père. Alexander demanda. "Avez-vous trouvé un terrain d'entente ?"

Miranda répondit avec un petit rire, sa voix basse et soyeuse. "Pour l'instant."

Les poils se redressèrent sur les bras d'Andy. Elle s'assit sur l'un des accoudoirs du fauteuil de Brad, soudain faible. Elle réussit à répondre. "Tout va bien."

Brad lui prit la main et la serra. "Pourquoi ne prendrais-tu pas un Xerxès, ma douce ? Cela vous tente-t-il, Miranda ?"

Miranda répondit d'un mouvement de tête et Andy se retrouva glissant vers le buffet pour servir les deux verres. Elle en apporta un à Miranda et le lui tendit. Une offre de paix.

Apparemment, Miranda pensait la même chose car elle choqua son verre de cristal contre celui d'Andy en un toast muet.

 

 

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