Ce n'est pas une FF, juste quelque chose que j'avais sur le cœur…

 

 

Adieux Anticipés

Tu disparais peu à peu.

Ton enveloppe physique est toujours avec nous, mais ce qui était toi fondamentalement s'étiole par lambeaux plus ou moins importants, plus ou moins rapidement.

Quand tu as appris la vérité de ta situation, tu as pris les choses avec beaucoup de recul et une pointe de fatalisme.

Il n'y a rien à faire. Les médicaments peuvent juste limiter la dégradation de ton état. Et encore, juste pour un temps.

Tous les dimanches, tu me demandes quel métier je fais et j'essaye de te réexpliquer à chaque fois. Mais tu perds de plus en plus de mots. Depuis quelques semaines, tu ne me demandes plus ce que je fais.

A l'occasion des Championnats du monde d'athlétisme que tu regardais à la télévision. Tu m'as demandé cinq fois, pendant le relais hommes 4 x 400 m si ce que l'on voyait était un match de rugby…

Je ne veux penser qu'aux bons souvenirs qui t'échappent maintenant..

La fois où tu m'as emmenée, au débotté, visiter Notre-Dame de Paris pour m'expliquer l'art gothique. C'était un samedi après-midi. Je devais avoir 8 ans.

La fois où tu as dessiné ton arbre généalogique. J'ai toujours la feuille un peu froissée : tu avais voulu la jeter à la corbeille, pensant que ce n'était pas important.

Les fois où tu as parlé de ta guerre que tu as vécue adolescent et jeune homme.

La façon que tu avais de laisser Maman raconter votre rencontre, ajoutant juste un petit commentaire ou deux.

Et tant d'autres…

Tu commences à oublier mon prénom. Quand tu parles de moi avec Maman, tu lui dis "ta fille". Et quand elle te rappelle que je suis aussi la tienne, tu prends un air étonné, puis tu réponds "c'est vrai", mais plus pour lui faire plaisir que parce que tu en es convaincu.

Je te vois au moins une fois par semaine sinon deux. Chaque au-revoir est un adieu à celui que tu es ce jour-là. Parce que la semaine prochaine, tu seras autre, un peu moins que ce que tu n'es maintenant.

 

Paris, le 8 novembre 2003

 

 

In Memoriam

Jean R.

(11 mars 1926 - 26 Août 2005)

Ne se souvenir que des bons moments :

- Quand il m'a appris à nager,
- Quand l'été suivant, il m'a aidée à acheter ma première paire de palmes et mon premier masque de plongée,
- Quand il m'a prêté son premier appareil photo (à soufflet) pour faire mes premières photos,
- Quand il m'a accompagnée pour acheter mon premier appareil-photo,
- Quand il m'a donné mes premières leçons de conduites sur un parking de super-marché pendant des vacances,
- Les difficiles soirées où il essayait de m'expliquer un problème de mathématiques ou de physique,
- La rose qu'il m'a apporté le jour où ma mère lui a appris que je n'étais plus une petite fille...