En cette époque tourmentée de bouleversements incessants on n'a pas encore apprécié à sa juste valeur la naissance d'une grande idée du développement durable. C'est la Commission mondiale pour l'environnement et le développement, créée par l'ONU en 1983, qui a élaboré le concept de développement durable afin de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.

Cette conception est partagé par beaucoup de gens qui pensent que la qualité de la vie des hommes dépend davantage du développement des relations sociales et de la qualité de l'environnement que de la consommation toujours plus importante des biens matériels. En convoquant, au mois de mars 1995, le Sommet mondial pour le développement social, les Nations Unies ont franchi un pas de plus pour se distancer de l'économisme réducteur, selon lequel ce qui compte, c'est la croissance du PNB par habitant dont les bienfaits finiraient par irriguer automatiquement tout le tissu social.

L'ONU s'est efforcé à Rio d'aider les gouvernements à réfléchir à nouveau au développement économique et à trouver les moyens de mettre fin au gaspillage des ressources naturelles et à la dégradation et de l'environnement. Cette dégradation est une conséquence d'un modèle de développement dominant fondé sur la poursuite de la croissance économique et de la consommation. Les autres causes comprennent l'appauvrissement spirituel croissant de l'humanité, l'élargissement rapide du fossé entre les riches et les pauvres. Ainsi, 20% de la population mondiale consomme 80% des ressources de la planète et est responsable de 80% des dégradations subies par l'environnement.

Les gouvernements ont reconnu, pendant ce Sommet "Planète Terre", à Rio, qu'il fallait réorienter les plans et politiques internationaux et nationaux afin que toutes les décisions économiques tiennent compte des effets subis par l'environnement. Tous les pays tentent actuellement d'élaborer leurs politiques nationales de développement durable. Ils rencontrent beaucoup de difficultés car il leur faut tenter de chercher des nouvelles solutions à l'ensemble des problèmes écologiques et de la vie économique, sociale et spirituelle. La grande diversité de la situation dans les pays et les régions rend impossibles les solutions plus ou moins universelles.

Le passage au modèle de développement durable est difficile pour la Russie qui subit une crise grave. C'est encore plus difficile pour le Grand Nord de la Russie où les conséquences écologiques de la gestion centralisée de l'économie sont plus catastrophiques. Ces immenses territoires recèlent de riches gisements minéraux ainsi que d'autres ressources naturelles importantes. L'exploitation de ces gisements par les agents économiques, sans responsabilité sérieuse des conséquences écologiques de leurs activités, faisaient des dégâts très importants dans leur environnement. Des centaines de rivières autrefois poissonneuses sont polluées par les déchets de l'exploitation des gisements de pétrole, de gaz, d'or, d'étain, de diamants, de charbon, de micas, d'engrais minéraux, etc. Les mers arctiques ont été utilisées comme décharges pour les déchets radioactifs, y compris des réacteurs démontés des sous-marins nucléaires. Les écologistes estiment à 2,3 millions de curies la radioactivité totale des déchets nucléaires solides.

Il faut aujourd'hui repenser l'importance globale du Grand Nord pour l'Humanité. On sait bien que cette région joue un rôle décisif dans les processus de l'évolution du climat, du changement du niveau des océans, dans la balance de l'oxygène dans l'atmosphère, etc. On peut rappeler ici les paroles d'Henri Poincaré s'adressant aux membres d'une expédition de Charcot, qu'il recevait à la Sorbonne : "Les grands mouvements de l'atmosphère, dont dépend toute la météorologie, sont régis en grands partie par les phénomènes polaires. La Terre est comme une immense machine thermique et c'est cette machine qui fait souffler les vents : comme toutes les autres, elle ne peut fonctionner qu'entre une source chaude et une source froide".

Les minéraux et les matières premières provenant de cette région sont exportés dans toutes les parties du monde et jouent ainsi un rôle important dans l'économie mondiale. Le Grand Nord de la Russie detient 65% des réserves de pétrole de la Russie, 85% de ses réserves de gaz, 63% de ses réserves de charbon, 90 % de ses réserves de nickel, 67% de ses réserves de bois, 87% de ses réserves de poisson, 80% ses réserves d'apatites, plus de 95% de ses réserves de diamant. Le Grand Nord detient le principales des réserves russes d'or, d'argent, d'étain et d'autres métaux rares. Plus de 20% du PIB de la Russie est produit aujourd'hui dans le Grand Nord qui n'abrite pourtant que 8% de sa population.

On est plus conscient aujourd'hui des menaces écologiques et du problème de l'épuisement des ressources. C'est pourquoi le Grand Nord, avec toutes ses richesses naturelles, ses immenses espaces encore vierges, attire de plus en plus l'attention. Le développement scientifique et technologique permet de minimiser considérablement le rôle des facteurs climatiques et la demande de main d'oeuvre. Voilà pourquoi, le développement durable de l'Humanité dépendra de plus en plus de la réussite du développement durable du Grand Nord.

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