La population de la Yakoutie dépasse un million d'habitants. On compte aujourd'hui près de 400 000 sakhas (yakoutes), 15 000 evenks, 10 000 evens et 1 000 youkaguirs.

Fiers de leur metier d'éleveurs de chevaux, les Sakhas restent fidèles à la tradition des "sergués" (poteaux sculptés) auxquels on attache les chevaux. Toute famille avait ses sergués, plantés devant la maison. Aujourd'hui, c'est loin d'être un objet désuet. Les sergués ne cessent de croître en importan- ce ; certains atteignent dix mètres. Ils se multiplient ; les motifs qui les décorent expriment ce qu'on souhaite avoir : des chevaux, pour les motifs en feston ; des bovins, pour les tout stade de village, de tout espace à portée emblématique.

 

 

Ainsi, près de mon village natal, sur le bord de la rivière Koullatty, se dresse un grand sergué coiffé par un aigle, totem des Kangalas, tribu centrale des Sakhas. Sur une pierre monumentale, l'inscription, en ancien alphabet runique, explique que ce sergué est érigé en l'honneur de Tygyn, chef des Kangalas, né ici au XVI siècle. Au début de l'été, autour de sergués semblables, les Sakhas organisent l'Yssyak, fête du renouveau. Elle occupe une place de premier plan dans la tradition.

Les guerriers du Kangalas bien protégés par des armures d'acier, leurs chevaux également cuirassés, étaient les véritables chevaliers du Grand Nord. Les guerres presque permanentes dans l'aire turco-mongole poussèrent plusieurs groupes à chercher des lieux plus paisibles. On ne sait toujours pas de façon sûre aujourd'hui quand et comment les premiers cavaliers, parlant des dialectes turcs, trouvèrent les pâturages qui s'étendent dans les vallées de la Léna et du Viliouï, si éloignées pourtant des steppes de la Sibérie du Sud. Lorsque les généraux de Gengis-Khan lancèrent leur raids sur les rives du Baïkal et vers la Haute Léna ils ne trouvèrent que des tribus mongoles. Les ancêtres turcophones des Sakhas avaient donc déjà émigré vers le nord.

La population autochtone qui vivait de la chasse et de l'élevage du renne dans la taïga, la toundra et les montagnes, permit aux nouveaux venus de s'installer dans les vastes pâturages dont elle n'avait pas besoin. Elle échangea des fourrures contre des produits d'artisanat. Les Sakhas étaient très versés dans le travail des métaux. Bien avant l'arrivée des Russes au XVIIème siècle, les descendants de ces groupes turcs et mongols, avec une partie des tribus toungouses et paléoasiatiques, se consolidèrent en un nouveau peuple Sakha plus connu jusqu'à présent sous le nom déformé de Yakoutes (Iakoutes ).

Le pays des Sakhas (la Yakoutie) resta longtemps "forteresse sans murs" pour le peuple Sakha et les autres peuples autochtones, principalement en raison de son climat extrêmement sévère. Les relations des Sakhas avec les autres peuples turcs et mongols furent coupées avant l'adoption par ces derniers de la religions musulmane ou bouddhiste. Ainsi isolé, le peuple Sakha va connaître un développement culturel et intellectuel tout à fait original en conservant des traditions très anciennes, disparues depuis longtemps en Asie Centrale et en Mongolie.

La tribu des Kangalas était un noyau organisateur du peuple Sakha. Ainsi, lorsque les Toumats (parlants un dialecte mongol) arrivèrent en Yakoutie après la défaite infligée par Gengis-Khan, ils auraient été par les soins des Kangalas tactiquement repartis à travers toute la Yakoutie. En témoignerait en particulier le nom "branche de Toumat" porté encore aujourd'hui par un des bras de la Léna dans son delta.

Après la première phase de confrontation avec les cosaques et les chasseurs russes, Massary, un des petit-fils de Tygyn, se rendit à Moscou. Avec le tsar, il réussit à négocier un statut politique pour la Yakoutie dans le cadre de la Russie avec une grande autonomie des oulous (entités administratives sakhas) dans la gestion des affaires locales.

Les Evenks et Evens sont des renniculteurs et des chasseurs. Ils parlent des langues appartenant au groupe toungouso-mandchou et ont des cultures assez proches. Ils sont dispersés sur presque toute la Sibérie orientale de l'Enissej jusqu'au Pacifique. Autrefois, certaines familles nomades traversaient régulièrement des distances énormes, de Viliuoï jusqu'à l'Océan Glacial (près de 1000 km).

Le nomadisme lié aux rennes a donné beaucoup des traits communs aux cultures de plusieurs peuples autochtones du Grand Nord, de la Laponie à l'Alaska. Le renne (le caribou d'Amérique du Nord) est le symbole fondamental des peuples du Nord, leur fierté et leur vie. C'est l'animal arctique et subarctique le plus important. Ses pattes lui permettent de se mouvoir sur la neige sans difficulté. Le renne mange principalement du lichen, creusant la neige en hiver. Son pelage, composé de poils creux est un des meilleurs isolants. Sa peau fournit le meilleur vêtement naturel contre le froid et est utilisé pour la literie. L'habit traditionnel des Evenks et Evens était léger ; il se composait de plusieurs parties qu'on pouvait sécher auprès du feu de bois. Les familles nomades habitaient dans des tentes coniques montées avec des perches et couvertes de peau de renne.

Récemment encore, les petits Evens et Evenks jouaient avec les os des animaux, les cornes et les pierres. Ils étaient très heureux quand ils trouvaient les bois d'un renne ou d'un élan. Les bois gigantesques des élans leur servaient de traîneau et ils s'en servaient comme d'une luge en hiver sur les pentes des montagnes.

Les Youkaguirs représentent l'ethnie le plus ancienne de la Yakoutie. Ils traquaient, à pied, le renne sauvage. En hiver ils les poursuvaient à ski. En été, connaissant bien les trajets migratoires des rennes, ils les chassaient à la lance pendant qu'ils traversaient les rivières. Ils vivaient en hiver dans des maisons semi-souterraines, couvertes de terre et de neige. Leur langue n'appartient pas à la famille altaïque comme les langues turco-mogoles et tougouso-mandchoues, on lui suppose une parenté lointaine avec les langues finno-ougriennes.

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