Plus au nord, la taïga se plie aux conditions de plus en plus dures du milieu : les pins deviennent arbustes, les bouleaux et les saules nains prennent l'allure de buissons.

Jigansk se trouve à peu près à 800 km de l'Océan Arctique. Le port maritime de Tiksi est le centre administratif du département de Bouloun. Ce département est aussi vaste et peu peuplé que le département voisin de Jigansk. Mais ici les nuits polaires sont plus longues, les aurores boréales plus intenses et splendides; la journée polaire et les nuits blanches durent tout l'été.

 

 

Toundra 

© JIPTO, Grigori TOMSKI, 1988

Jiptographe : Tatiana NIKKA, 1997

 

L'hiver dure huit mois. Quand le vent est assez fort, il se produit souvent un phénomène spécifique des régions polaires : la "poudrerie". Une véritable poudrerie interrompt tout déplacement et finit par cerner les habitations et ensevelir les véhicules. Pendant sa durée, qui peut être de plusieurs jours, la poudrerie réduit considérablement la visibilité.

Mais, dès le dégel, début juin, la nature de réveille en sursaut ; les glaces fondent. La surface du sol se gorge d'eau, la toundra s'empresse de fleurir et le soleil oublie de se coucher à l'horizon. Avec ma formation de biologiste et la curiosité de la jeunesse, j'aimais observer cette métamorphose saisissante de la nature, l'éblouissante magnificence des pelouses arctiques. Une centaine d'espèces d'oiseaux envahit les marais : oies, sarcelles, canards, cygnes, phalaropes, etc. Beaucoup viennent pour deux ou trois mois y nidifier. Parmi ces migrateurs figurent de nombreux oiseaux terrestres des zones tempérées, des régions chaudes et mêmes de l'hémisphère sud. Un certain nombre de rapaces, hiboux des marais, buses pattues, sont aussi des migrateurs. On peut rencontrer des oiseaux rares ou endémiques : grues, mouettes roses. Parmi les oiseaux terrestres se trouvent également quelques espèces arctiques : le harfang des neiges, le rapace et le grand corbeau noir.

Le tapis végétal de la toundra se prête à la pâture des rennes. Leurs troupeaux se déplacent dans la toundra pour y trouver la nourriture nécessaire, avant de migrer chaque automne, vers la forêt. Le boeuf musqué est un ovin endémique, parfaitement arctiqu ; il se déplace en petits troupeaux dans un périmètre limité, pour rechercher sa nourriture, la plupart du temps sous la neige. En Yakoutie, il a été réimplanté avec succès récemment. On voit le lièvre polaire et différents petits rongeurs comme le lemming. Ils sont chassés par le renard polaire, blanc ou bleu. Ce dernier suit souvent avec prudence l'ours blanc, pour profiter de ses restes.

On repère aisément des saules nains qui ont su réduire leur appétit pour survivre dans un monde où les vents dépassent très souvent 150 km/h, où les températures sont négatives pendant huit mois par an. Le saule nain ne dépasse jamais quelques centimètres de hauteur et ses rameaux forment des lacis rampants pouvant atteindre des âges impressionnants, malgré leur taille miniature. Mais le nanisme n'est pas une forme adaptative propre aux saules : des aulnes, des bouleaux, des pins savent en faire autant. En hiver, ils s'abritent sous un épais manteau de neige qui les protège de la sécheresse, du gel et de la bise glaciale. Ces sous-arbrisseaux s'enchevêtrent inextricablement en une végétation dense ; ils se protègent ainsi mutuellement des vents.

En touchant avec surprise ces arbres sans tronc dont les racines s'étalent en surface pour échapper au gel permanent et qui ne sont pas plus grands que les fleurs de la toundra, on sent bien la fragilité extrême de la nature du Grand Nord.

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