Zen Sucht
Le Vieux Maître et son jeune élève conversent paisiblement dans l'allée magnifique bordée de micocouliers et d'azalée naines. Les graviers ratissés de frais en larges cercles concentriques crissent aimablement sous les pieds nus des deux bonzes. Leur lent dialogue s'engage doucement, les phrases se perdant parfois dans le silence étouffé par le vent tiède qui agite, en sifflant plaintivement, les branches d'un shaamishikobé.
- Maître, ose interroger soudain le jeune moine, dont les pans lâches de la robe de bure marronnasse flottent au gré de ses pas lents, Maître, n'est-il pas vrai que le lièvre apeuré se cache et demeure immobile ?
- Le rossignol se tait mais s'envole à la lune !
- Vers Zhou ? s'étonne le petit élève interloqué.
Le regard du Maître est sévère en cet instant précis. Son talon sans doute se pose plus brutalement sur le gravier tassé.
- Qu'importe Et si le singe jacasse, et crie, et gesticule en tous sens, la grue cendrée, elle, s'immobilise patte levée en attente du nouveau souffle d'air...
Koshiuru - puisque tel est le nom du jeune apprenti - , dans sa fougue juvénile, ne peut empêcher la surprise de délier sa langue vermillonne.
- Pourtant, Maître !...
- Ne crois-tu pas, sourit ce dernier, que toute agitation connaît deux expressions ?
- Lesquelles, Maître ?
- Une intérieure, où le flux de la vague colérique se brise contre les parois de la tension nerveuse....
Un long silence se fait, que Koshiuru met à profit pour se gratter le nez d'un index rongé de doutes.
- ... L'autre déferle sur le monde, frappe tous obstacles mais dilue son énergie dans la passivité du monde...
- Que faire, alors ?
- Attendre que les choses se tassent, petit con !!