Respect des symboles républicains

Lettre ouverte au député Jean-Philippe Maurer

par Jean Claude Meyer

 

Monsieur le député,

Pour des raisons familiales, politiques et philosophiques, je suis très sensible à la question que, après d’autres, vous soulevez.

J’espère que ce n’est pas seulement en vue d’intentions moralisatrices en direction de citoyens et citoyennes de notre pays trop souvent soupçonnés, à tort, de ne pas être de “vrais” Français et que certains menacent de dénaturaliser.

Rien ne serait pire que de croire qu’on peut imposer le respect par des mesures législatives, règlementaires ou éducatives, sans un essai de compréhension de ces phénomènes qui vous choquent ainsi que de nombreux concitoyens.

Sans répéter ce que j’ai écrit à chaud (peut-on-siffler-la-marseillaise ?), je me permets de vous faire observer que s’il est nécessaire de légiférer et de sanctionner ce qui deviendrait un délit de “sacrilège” à l’égard des symboles de la République, ce serait le signe que par eux-mêmes ces symboles, épuisés, n’ont plus la capacité d’imposer ce respect que vous réclamez, et que vous souhaiteriez dès lors imposer par la menace de sanctions punitives.

Si une chose est respectable, il n’y a besoin d’aucune loi pour qu’elle soit respectée. Le respect s’impose de lui-même en présence de la chose. Et contrairement à ce qu’on s’imagine trop souvent, les jeune, en particulier, sont très au fait du respect.

Si la Marseillaise ou le drapeau sont “maltraités”, il serait souhaitable de comprendre pourquoi, avant toute chose.

Pour faire appel à ma propre expérience, qui me permet de comprendre (ce qui n’est pas justifier) les manifestations récentes, lors d’un match de football de la France contre la Tunisie, je peux vos révéler qu’il m’est arrivé, selon le contexte de siffler ou de chanter la Marseillaise.

Dans las années soixante, quand le Parti Communiste terminait une manifestation du 1er mai, en entonnant l’hymne national, avec les JCR de l’époque, aussitôt, nous couvrions de l’Internationale, le chant patriotique. C’était aux lendemains de la guerre d’Algérie, où le drapeau national flottait au dessus de villas où des Français torturaient des Français musulmans, selon le vocabulaire de l’époque, et même, d’autres Français, comme Maurice Alleg, sans parler des disparus (corvée de bois) -Audin- ou des condamnés à mort exécutés, sous Mitterrand, minsitre de l’Intérieur,comme le communiste Fernand Yveton.

Chanter la Marseillaise, en ces circonstances aurait laissé un goût amer, autant qu’en 1942 quand les gendarmes français raflaient les juifs étrangers et français.

En d’autres circonstance, malgré mon internationalisme, il m’est arrivé, et cela m’a été reproché par mes amis politiques  les plus proches, d’entonner la Marseillaise, aux côtés de Daniel Payot, alors responsable de l’UMB, lors de la grande manifestation au lendemain du second tour où Le Pen, le tortionnaire borgne, avait surgi des urnes. Il s’agissait de reprendre le chant révolutionnaire  du 18e siecle, des gorges xénophobes. D’ailleurs, certains drapeaux tricolores étaient zébrés de noir, pour affirmer une République ouverte à tous et toutes. D’autres l’ont bien assorti de croix de Lorraine ou pire de francisque.

Monsieur le Député, le respect, comme le sacré c’est à dire le séparé, s’imposent d’eux-mêmes. Ils produisent la distance nécessaire, exactement comme les œuvres d’art des musées. Pas touche! 

Si des symboles de la République ne sont plus respectés, c’est que cette République a laissé filer trop de choses. Je suis persuadé que si la France reconnaissait solennellement, par exemple, que des centaines d’Algériens ont été tués sous de Gaulle, Michel Debré et Maurice Papon,  le 17 octobre 1961, en plein Paris, si elle n’avait pas tant tardé à verser aux anciens combattants d’outre-mer, les mêmes pensions militaires que les pensionnés de “métropole”, si l’accès au travail, au logement, à la culture ne dépendaient pas autant de la couleur de la peau ou du patronyme, nulle nouvelle loi ne serait nécessaire.

Je suis prêt à en débattre en public avec vous, si vous le souhaitez.

 Avec mes salutations républicaines et démocratiques.

J C Meyer

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