Cérémonial a été écrit peu de temps après l'achèvement de la troisième symphonie, Fragment d'Apocalypse. Ce travail était pour moi un repos nécessaire. Après avoir passé une année avec le texte à la signification extraordinairement lourde de Saint Jean, j'éprouvais le besoin de fréquenter un univers dans lequel la faute pouvait trouver son pardon, dans lequel aussi celui qui parle ne s'accuse pas, mais au contraire dit toutes les fautes qu'il n'a pas commises. Un univers qui remplace la terrible parole pessimiste par celle, optimiste, de la mort rayonnante enfin obtenue après l'effacement de ce que la vie a pu avoir de trouble.

De la même manière, c'était un repos de passer de la lourde machine orchestrale à un ensemble (récitant, flûte et trio à cordes) léger et souple.

A cette époque, je sentaisla necessité de travailler dans le sens d'une polyphonie plus réelle que ce n'avait été le cas jusqu'alors,sauf dans la Symphnoie de chambre. Le désir de cette écriture multiple était d'autant plus impérieux qu'il s'agissait de textes riches de significations diverses. La polyphonie semblait alors le lieu naturel de la polysémie.

Dans la Troisième Symphonie, les couches sonores avaient été élaborées de manière relativement séparées: ainsi la partie des six percussions solistes, dont les rythmes sont directement issus du texte martelé par les deux basses, avait été composée d'un seul tenant, en dehors du reste de la partition.

Pour Cérémonial, je commençais par écrire la pièce pour flûte et récitant, et ajoutais ensuite celle du trio, tenant compte évidemment de la musique déjà faite, mais en postulant que la partie du trio devait être suffisante à elle-meme, et pouvoir constituer une autre oeuvre.

A l'occasion de ce travail, je découvris ce qui devait constituer par la suite, et constitue toujours une évidence un peu "dérangeante", mais extrêmement nourissante pour l'imagination: pour que la véritable polyphonie puisse exister, il est indispensable de refuser l'idée même de hierarchie à l'intérieur de l'écriture. En effet, si chaque partie doit être suffisante, aucun élément ne peut être secondaire.