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Oskour la droite revient...
Paris, le 29 aout 2002

Si vous suivez vaguement l'actualité politique française, vous aurez peut-être noté que la majorité a changé voici quelques mois, donnant l'avantage à la droite. Ce qui se voit assez facilement. Mais même si vous n'avez pas suivi le résultat des élections, vous avez pu vous en rendre compte par vous même en observant un certain nombre de changements subtils mais significatifs dans le pays.
En premier lieu, le bleu revient à la mode, dans un camaïeu allant du pastel-gendarmerie au bleu nuit des CRS. Louable souci que celui du gentil ministre Sarkozy d'épargner à ses concitoyens les affres de l'insécurité galopante. Comme il semble improbable que de significatives quantités de fonctionnaires de sécurité aient pu être embauchés et formés en trois mois, on peut légitimement se demander ce qu'ils foutaient du temps des socialistes. Se cachaient-ils ? Timidité ? Mystères de la psychologie policière. En tout cas, on peut constater qu'encore une fois, les statistiques de la criminalité ont mystérieusement augmenté lors d'une année électorale, pour descendre tout aussi mystérieusement dans les mois qui ont suivi l'arrivée de la nouvelle équipe (-6%). Sans doute les malfrats sont-ils particulièrement intéressés par la vie politique française pour qu'ils règlent le volume de leur activité sur le calendrier électoral, où va se nicher l'esprit civique tout de même ?
Puis, nous nous pencherons sur l'affaire qui a défrayé la chronique, celle de l'augmentation des ministres. Rappelons que ces très hauts fonctionnaires étaient injustement brimés, se retrouvant à vivre avec seulement 7800 euros par mois (plus des frais de représentation), ce qui est bien sûr insuffisant pour se loger et se nourrir décemment à Paris. Le bon Raffarin est heureusement passé par là, et a décidé d'octroyer une légère augmentation de 70% à ces prolétaires de l'Etat (13300 euros). La polémique est venue de gens aigris vivant en dehors des réalités du monde, et qui estimaient que ces traitements étaient largement suffisants. Beaucoup d'entre eux étaient de ces smicards à qui on venait pourtant d'expliquer qu'à 1000 euros par mois, ils étaient trop bien payés. Que voulez-vous, la France est peuplée de jaloux, bizarrement envieux de ceux qui touchent en un mois plus que leur salaire annuel.
Pour combattre la violence qui gangrène la société (sauf quand la droite revient au pouvoir), le gouvernement a décidé de combattre le mal à sa source, qui est, comme chacun sait, la télévision ! En effet, tout le monde sait que nous sommes abreuvés de programmes violents qui incitent la jeunesse à basculer dans la délinquance et la drogue (car ce sont bien les jeunes qui regardent le plus la télé qui deviennent délinquants, et pas du tout ceux qui traînent dans la rue, c'est un fait bien connu). Donc, l'Etat s'apprête à sévir en bannissant purement et simplement des antennes (y compris à péage) les programmes jugés (par qui?) violents et/ou pornographiques. Bien sûr, on s'attend à des levées de boucliers de la part de beaux esprits hurlant à la censure, et faisant remarquer que le lien entre télévision violente et société violente n'a jamais été démontré, et que la pornographie n'a rien à voir dans l'affaire. Des aigris, vous dis-je.
Et de la même manière, d'aucuns pourront trouver assez curieux que l'on range les velléités de condamner pénalement les clients des prostituées (reprenant l'exemple scandinave qui faisait rire par son outrance il y a un an seulement) dans l'action du gouvernement contre la délinquance.
Notez bien, on ne peut pas en vouloir à la droite d'être libérale et réactionnaire. La droite ne fait que son travail de droite, caressant dans le sens du poil un électorat aisé, vieillissant et religieusement marqué. Il n'y a pas à s'en offusquer, ils ont gagné les élections, ils dirigent le pays, et je leur souhaite de faire bien. On appelle ça l'alternance politique. Ce qui m'attriste, c'est que ce retour de balancier vient après des années où, pour tout dire, le balancier n'était pas allé bien loin dans l'autre sens. La droite réactionnaire vient au pouvoir après la domination de la gauche cucul-la-praline. De quelles avancées le gouvernement Jospin peut-il se targuer dans le domaine des moeurs et de la liberté d'expression ? On a beau chercher, on ne se souvient de rien.
En revanche, pour reprendre le cas des medias, on se souvient assez distinctement de l'ère Catherine Tasca(1), la grande amie (et obligée) de Jean-Marie Messier, et de son serviteur l'homme "de gauche" Hervé Bourges. Cette époque accoucha bien sûr de la "signalétique" anti-violence (et anti-porno, mais le gouvernement de l'époque ne faisait quand même pas sa publicité là-dessus), mais surtout qui décida, ce qui fut totalement occulté par la presse aux ordres, que les oeuvres de la dernière catégorie ne pourraient pas passer à la télévision avant 23H, donc aux heures où personne ne les verra. Dans le lot des interdits de prime-time, on trouve des films comme pulp fiction, palme d'or à Cannes... Or, c'est la télévision qui finance le cinéma Français. Alors mettons-nous à la place de l'acheteur de film TF1 : pour le même prix, préfèrera-t-il financer le premier film coup-de-poing d'un jeune réalisateur issu des banlieues, qui sera condamné aux oubliettes de l'audimat avant même que le premier mètre de pellicule ne soit tourné, où bien un énième huis-clos intimiste sur le mal-être d'une génération de jeunes bourgeois parisiens en quête de repères dans une civilisation deshumanisée (qui ne fera pas merveille au box-office mais remplira gentiment un lundi de quota "fiction française" sans faire de vague)?
Et bien, ce que je viens de vous décrire, c'est l'oeuvre d'un gouvernement "de gauche". On peut aussi parler de la question du cannabis où, faute de légalisation à abroger, la droite va logiquement s'acharner sur les usagers avec un zèle renouvelé. Et encore une fois, je ne leur en veux pas, ils remplissent le rôle qui est le leur, qui est utile et que je ne leur conteste pas. Mais qu'a donc foutu la gauche ?
On est bien barrés, les amis, c'est moi qui vous le dis.



Tasca n.p. et interj. pop. : se dit couremment d'un ministre stipendié. "- Dix millions ? Pour moi ? Il faut que je tue quelqu'un ?."

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