Notez bien, on ne peut pas en vouloir à la droite d'être libérale et réactionnaire. La droite ne fait que son travail de droite, caressant dans le sens du poil un électorat aisé, vieillissant et religieusement marqué. Il n'y a pas à s'en offusquer, ils ont gagné les élections, ils dirigent le pays, et je leur souhaite de faire bien. On appelle ça l'alternance politique. Ce qui m'attriste, c'est que ce retour de balancier vient après des années où, pour tout dire, le balancier n'était pas allé bien loin dans l'autre sens. La droite réactionnaire vient au pouvoir après la domination de la gauche cucul-la-praline. De quelles avancées le gouvernement Jospin peut-il se targuer dans le domaine des moeurs et de la liberté d'expression ? On a beau chercher, on ne se souvient de rien.
En revanche, pour reprendre le cas des medias, on se souvient assez distinctement de l'ère Catherine Tasca
(1), la grande amie (et obligée) de Jean-Marie Messier, et de son serviteur l'homme "de gauche" Hervé Bourges. Cette époque accoucha bien sûr de la "signalétique" anti-violence (et anti-porno, mais le gouvernement de l'époque ne faisait quand même pas sa publicité là-dessus), mais surtout qui décida, ce qui fut totalement occulté par la presse aux ordres, que les oeuvres de la dernière catégorie ne pourraient pas passer à la télévision avant 23H, donc aux heures où personne ne les verra. Dans le lot des interdits de prime-time, on trouve des films comme pulp fiction, palme d'or à Cannes... Or, c'est la télévision qui finance le cinéma Français. Alors mettons-nous à la place de l'acheteur de film TF1 : pour le même prix, préfèrera-t-il financer le premier film coup-de-poing d'un jeune réalisateur issu des banlieues, qui sera condamné aux oubliettes de l'audimat avant même que le premier mètre de pellicule ne soit tourné, où bien un énième huis-clos intimiste sur le mal-être d'une génération de jeunes bourgeois parisiens en quête de repères dans une civilisation deshumanisée (qui ne fera pas merveille au box-office mais remplira gentiment un lundi de quota "fiction française" sans faire de vague)?
Et bien, ce que je viens de vous décrire, c'est l'oeuvre d'un gouvernement "de gauche". On peut aussi parler de la question du cannabis où, faute de légalisation à abroger, la droite va logiquement s'acharner sur les usagers avec un zèle renouvelé. Et encore une fois, je ne leur en veux pas, ils remplissent le rôle qui est le leur, qui est utile et que je ne leur conteste pas. Mais qu'a donc foutu la gauche ?
On est bien barrés, les amis, c'est moi qui vous le dis.
Tasca n.p. et interj. pop. : se dit couremment d'un ministre stipendié.
"- Dix millions ? Pour moi ? Il faut que je tue quelqu'un ?."