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Asp Explorer contre les vampires
Paris, le 01 août 2003

L'été est là, avec son cortège de marronniers qui fleurissent avec les bourgeons, tandis que les stagiaires scolaires profitent de ce que le journaliste moyen prend deux mois de vacances par an pour investir les rédactions. Bien sûr, nous avons droit à l'été pourri suivi de son inévitable sècheresse, aux malheureux commerçants du Touquet qui se lamentent sur leurs journées à 15 euros, aux gendarmes qui veillent sur les maisons des parisiengs, aux chiens abandonnés au bord des routes, aux enfaints défavorisés qui ne partent pas (et qui seraient sans doute bien contents qu'on les laisse un peu profiter de leur télé et de leur console plutôt que de les envoyer découvrir les délices des amoures gérontophiles entre les bras moites de moniteurs abrutis de ricard), au traditionnelchassécroisédesjuillettistesetdesaoûtiens, au tour de France, aux affaires de dopage... Et comme chaque année, on va avoir droit, c'est une mécanique bien huilée, au beuglement des centres de transfusion sanguine, qui vont alarmer le populo à propos de leur situation tragique, rendez-vous compte, il n'y a plus que trois jours de réserves de sang dans la région du Quercy-et-Villaine, et on se rationne déjà dans le département du Rhône Atlantique. Donnez, bon citoyens, donnez votre sang ! On ne sait jamais, le prochain accidenté sur l'autoroute du soleil, ce sera peut-être vous !
Eh bien, au risque de passer pour un anarchiste, ils peuvent courir longtemps avant d'avoir le mien.
Parce qu'en France, le don du sang est gratuit.
C'est beau la gratuité, c'est altruiste, c'est un noble idéal. Mais au fait, les gens qui collectent le sang, ce sont des professionnels non ? On peut l'espérer du moins. Et on peut supposer qu'ils sont payés pour ça, et que c'est leur métier. Ce sang récolté, il est ensuite analysé, traité, fractionné, conditionné... On peut supposer, là encore, que rien de tout ceci n'est fait par des bénévoles animés par le pur amour de l'humanité, mais au contraire, par des gens qui en font profession. C'est véritable une industrie, qui traite de grande quantités de matière première et redistribue les produits finis dans un grand nombre d'hôpitaux, où ils seront utilisés. Donc, tout ça coûte cher, demande des investissements lourds, donc un financement. Et finalement, les hôpitaux vont vous le faire payer, ce sang, au moment de vous le transfuser, et la sécu va payer (et la sécu, c'est vous).
Et tous ces braves gens font ça par pur dévouement, donc. Du reste, ce sont des associations à but non lucratif.
Au fait, vous savez à quoi ça ressemble, un directeur régional de centre de transfusion sanguine ? A votre avis, s'agit-il de :
1 - Un admirable french doctor aux pieds nus, vivant parmi les pauvres et les deshérités et partageant leur misère, et prenant un peu de son temps libre pour gérer, en plus, la transfusion sanguine dans sa région, comme ça, par amour de l'art.
2 - Un gros mandarin quinquagénaire avec gourmette, cigare et teint hâlé par ses 4 mois de séminaires annuels aux Seychelles, roulant en BMW de fonction avec chauffeur de fonction, ayant un appart de 300m2 de fonction dans sa région ainsi qu'une discrète garçonnière de fonction dans la capitale pour ses escapades libertines, genre Garetta ou Crozemarie.
A votre avis, ce genre de personnage, ça gagne plutôt proche du SMIC, ou plutôt proche de quinze briques par mois ? Non-lucratif, sauf pour ceux qui en vivent.
Dans la pratique, la morale de toute cette histoire, c'est que le sang n'est gratuit que pour celui qui le donne. Dès qu'il a quitté notre système circulatoire, il devient une marchandise dont la valeur s'accroît rapidement d'étape en étape, jusqu'à être payée fort cher par le consommateur (nous, donc). On plaint à juste titre les producteurs de melon qui sont payés 7 centimes le kilo alors que leur produit est vendu 1,5 euro en supermarché, mais pour le sang c'est encore plus fort, prix de revient de la marchandise brute : zéro euro, zéro centimes. tout le monde se sucre au passage, à part évidemment le brave type qui va se faire têter l'artère pour la bonne cause. Notez que si le don du sang est gratuit, c'est pour une question de "moralité". Comme par hasard, voilà une moralité qui arrange bien les finances de ceux qui décrètent ce qui est moral ou pas.
Au fait, un petit détail qu'on oublie souvent de signaler : en raison de ce système comptant sur la bonne volonté des gogos, la France n'est pas autosuffisante en produits sanguins. Et de loin : les dons couvrent environ un tiers des besoins, plus ou moins, selon les produits. Donc, pour combler le trou, on importe, massivement, en permanence, en provenance de pays normaux et honnêtes comme les USA, où le don est rémunéré comme il doit l'être. Eh bien, pourquoi les centres de transfusion émettent-ils ces cris de gorets qu'on égorge quand vient l'été, ils n'ont qu'à importer un peu plus, voilà tout. Bien sûr, vous aurez compris que ce n'est pas un problème de logistique, c'est juste un problème de budget...
Je préfèrerai encore donner mon sang à un charcutier afin qu'il en fasse du boudin plutôt qu'à ces canailles pour qu'elles fassent du lard.



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