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DE L'INANITE DE L'ANALYSE TECHNIQUE
(et de l'imbécillité crasse de ceux qui s'y livrent)
démontrée par l'exemple, dans le but
d'édifier les jeunes investisseurs
non-encore pervertis par cette
funeste pratique




Qu'est-ce que l'Analyse Technique ? D'où ça vient ? Comment ça marche ? Pourquoi ça ne marche pas ? Comment peut-on expliquer qu'une aussi invraisemblable collection de coquecigrues, billevesées et incohérences ai pu devenir l'alpha et l'omega de la pensée boursière ?



   Quelque part dans le beau pays de Bourse, le voyageur ne peut manquer de passer par la Fourche du Destin. De ce fatal embranchement partent deux chemins bien différents. L'un d'eux, creux et boueux, serpente parmi ronces et cailloux, au flanc de collines abruptes et de précipices dangereux, et mène au vert comté de Pluvalüe, riche d'or, de vin et de femmes lascives, c'est la route de l'Analyse Fondamentale. L'autre route, plus engageante, est bien droite et douce au pied du voyageur, qui sans effort ni méfiance arpente ses pavés lisses et sa pente avenante. Il ne s'aperçoit que trop tard qu'elle mène, hélas, au sombre marigot de Ruyn, que les indigènes nomment le Noir-Cacounet, ou bien encore le Vert-Fumant. Telle est la traîtreuse voie de l'Analyse Technique.

   Vaste amas de disciplines confuses autant que diverses, l'Analyse Technique n'a d'analyse que le nom, et consiste en un ramassis de galimatias et de jargons obscurs maniés par des sots à l'attention des ânes. Ces différentes méthodes divergent dans leurs résultats, et pire que tout, usant d'une même méthode, un analyste peut prédire d'un titre qu'il va monter tandis que son voisin sera tout aussi catégorique sur le fait qu'il va descendre, la seule chose sur laquelle ils tomberont d'accord est que jamais il ne faut mettre en doute les sornettes qu'on leur a vendues comme parole d'Evangile.

   Soyons plus précis, et quelle est la différence entre les deux méthodes d'analyse ? L'Analyse Fondamentale n'est autre que la façon naturelle de faire de la bourse, celle qu'un candide adopterait spontanément, à son plus grand profit. Il s'agit de considérer l'entreprise auquel le titre se rattache, l'évolution de ses recettes, ses dépenses, ses dettes, les perspectives de son marché, la qualité de ses dirigeants et de ses employés, son avance technologique, la solvabilité de ses clients, la fiabilité de ses fournisseurs, l'intérêt des divers actionnaires et créanciers de l'affaire, etc... Ainsi avisé, le spéculateur peut à loisir juger de la valeur de l'entreprise et, voyant par ailleurs le cours de bourse, déterminer si sa valorisation par le marché reflète ses qualités. Qu'y a-t-il de plus normal que cela ? Peut-on imaginer qu'une autre façon d'aborder la bourse puisse exister ?

   Eh bien, il y en a une, qui est l'analyse technique. Celui qui s'y livre se fait appeler " chartiste ", et ce n'est pas là un titre de gloire, croyez m'en. Le chartiste n'a aucune considération pour ce que le titre représente. Il n'a que faire des bilans, des données économiques, des taux d'intérêts ni des grands flux qui agitent l'océan des richesses humaines. Le chartiste ne considère qu'une chose et une seule : le graphe (c'est pourquoi l'AT est aussi appelée Analyse Graphique). D'après la théorie de ces nigauds, la simple lecture d'un graphe boursier, n'importe lequel, permet de prédire le comportement futur d'un titre ou d'un indice. Il suffirait donc de savoir lire le graphe pour amasser les profits. N'est-ce pas merveilleux ?

   N'importe quel zétète fera immédiatement voler en éclats cette faribole, en observant simplement qu'aucun gourou de l'analyse technique n'a jamais fait fortune en mettant sa méthode en pratique (c'est du reste pour cette raison qu'ils écrivent des livres : soutirer l'argent des naïfs est plus facile que de se remplir les poches avec que qui, en dernière analyse, n'est qu'un jeu de hasard). Trouvez sur une plage des Caraïbes un vieux rentier allongé sur un transat, un cocktail à la main, aux côtés d'une beauté vénale des îles, un de ceux qui ont fait fortune à la bourse. Immanquablement, c'est en épluchant les bilans et en discutant avec des patrons qu'il a prospéré, et non en s'usant les yeux sur d'obscurs gribouillis pour en tirer des thèmes astraux. Voilà l'exemple d'un honnête homme qui jouit à bon droit d'un argent justement gagné, laissons-le donc à ses cocotiers.

   Le fondement théorique de l'Analyse Technique, car il y en a un, réside dans la psychologie du marché. La masse des investisseurs, prise dans sa globalité, serait semblable à une créature réagissant toujours de la même manière aux mêmes stimuli. Ainsi, l'étude des stimuli passés, et la manière dont l'animal-marché a répondu, permettrait de faire de justes prévisions.

   Cette conception est fausse pour plusieurs raisons. En premier lieu, on présuppose que la composition sociologique du marché est la même partout, à toutes les époques, sur tous les titres. Un peu de bon sens permet d'estimer que c'est faux. Ainsi, le marché des obligations est essentiellement fréquenté par des professionnels, les particuliers n'étant qu'une infime minorité à en comprendre les arcanes. En revanche, le marché des warrants est exclusivement réservé aux particuliers, les professionnels l'évitant pour la peste (car ils savent que c'est un attrape-gogos, mais c'est un autre débat). Au sein du marché des actions, point n'est besoin de sortir de l'ENA pour comprendre que la clientèle s'agitant autour de France Telecom n'est pas la même que celle d'Air Liquide, qui n'a rien à voir avec celle d'Eurotunnel, qui n'est pas celle de Genset. Pourquoi des masses composées d'individus différents (dont beaucoup ne sont d'ailleurs pas des individus, mais des fonds d'investissements), devraient-ils se comporter à l'identique ? Il faut être un sot homme et un ignorant pour prétendre que le marché des devises est équivalent à celui des matières premières agricoles ou des options sur actions. Et que dire du problème de la liquidité ? Tandis qu'on négocie sans problème des dizaines de millions de titres Alcatel dans la journée, on dépasse rarement les cinq-cent actions échangées sur Aviation Latécoère. Si des règles quelconques régissent la première, quel être sensé imaginera qu'elles régissent pareillement la deuxième ?

   Encore plus fort, allons voir les indices. Les indices boursiers sont des paniers de titres. Le CAC 40, par exemple, est un mélange pondéré des cours des quarante actions les plus notables de la bourse de Paris, et dont le niveau est calculé chaque trente secondes. Il faut garder à l'esprit une chose : un indice n'est pas coté. C'est par abus de langage qu'on parle du " cours " du CAC 40, celui-ci n'est pas fixé par le jeu de l'offre et de la demande, mais par un calcul mathématique basé sur la cotation des valeurs qui le composent. Eh bien, tenez-vous bien, ce hiatus théorique ne gêne en rien nos amis chartistes, décidément dépourvus de tout esprit critique : l'Analyse Technique est sensé fonctionner aussi bien, voire mieux, sur les indices que sur les actions ! Et bien sûr, avec les mêmes règles. Par quelque magie, par quelque mystérieuse homothétie, les règles unitaires qui régissent chacune des 40 actions du CAC se rejoignent en un sublime élan... Ah, que tout ceci est admirable.

   Mais au fait, quelles sont donc ces règles qui me semblent si peu fiables ? Chaussons donc nos scaphandres et nos ceintures plombées, il est temps de plonger parmi les troubles vases et les collantes sargasses du royaume d'Absurdie.


   Les niais chartistes parlent fréquemment des gaps. Qu'est-ce que c'est que ces objets là ? Il s'agit, en bon français, de plages de cours non traitées. Par exemple, si le cours d'une action monte pour finir un soir, au plus haut, à 10 euros, puis le lendemain on ouvre à 10,30 pour repartir de plus belle à la hausse, on dit qu'il y a un gap entre 10 et 10,30 euros.

   Admettons, personne ne le contestera. Un être normalement constitué observera cette bizarrerie d'un oeil bovin, se félicitant de la bonne santé de ce titre, a fortiori s'il est actionnaire. Mais pour un chartiste, attention ! Un gap doit TOUJOURS être comblé. Dans le cas qui nous intéresse, le fakir de pacotille prédira avec un superbe aplomb que le cours de l'action reviendra tôt ou tard balayer la zone. Donc, nécessairement, le cours va baisser. Pourquoi ? Parce qu'il y a un gap. Et alors ? Et alors, un gap doit toujours être comblé. Oui, mais pourquoi ? Parce que c'est un gap, et que sa nature est d'être comblé. Il n'y a rien à comprendre. De même que la virginité de Marie et la loi de conservation de l'énergie, c'est une règle absolue, inébranlable et intangible. Et de fait, ça marche neuf fois sur dix. Alors ? Alors prenez n'importe quel point de n'importe quel historique boursier, et gap ou pas gap, vous verrez que neuf fois sur dix là encore, le cours reviendra dans la zone, un jour ou l'autre. Les cours de bourse sont erratiques, c'est au moins une chose sur laquelle tout le monde s'entend, et ce chaos fait que régulièrement, de simili-gaps font semblant de se combler, à la grande joie de la populace boursicole. Mais d'où sort donc une croyance aussi puérile ? Il y a, historiquement, une racine à cette légende. Jadis, alors que la bourse était une criée où l'on s'échangeait des bouts de papiers avec des coupons, la mécanique des carnets d'ordres voulait que, lorsqu'une plage de cours était laissée vierge, toute une partie du carnet d'ordre se retrouvait non-exécutée. Comme à l'époque, les ordres transitaient lentement entre l'actionnaire et le marché, ces ordres perduraient un certain temps, bien qu'ils fussent, de fait, périmés. Or, s'il advenait que le cours revienne toucher l'extrémité du gap, alors, les ordres tombaient en cascade, et le cours traversait dans l'autre sens toute la plage d'un coup. Les boursiers d'alors avaient observé la chose et d'aucuns en ont profité, mais par quelque perversion, cette pittoresque anecdote, déformée, mal comprise, a perduré jusqu'à nos jours, se transformant en un improbable aimant à cours, alors même que maintenant, les ordres de bourse se périment automatiquement à chaque fin de mois, et que les boursicoteurs, bien souvent, les bougent chaque jour, voire plusieurs fois par jours, par la magie d'internet. Mais que voulez-vous, il est dans l'ordre des choses que chez la plupart des gens, la pensée magique triomphe de la raison dont elle se drape des oripeaux. Et c'est ainsi que sur un titre que je tairais, il se trouve d'amusants plaisantins pour attendre le comblement d'un certain gap béant depuis TROIS ANS.

   Et puis, il y a les moyennes mobiles. Que sont-ce ? Considérons un graphe boursier. Les cours étant erratiques comme je l'ai signalé plus haut, on peut légitimement se demander si, à un instant donné, l'action est au-dessus ou au-dessous de son cours moyen. Seulement voilà, qui dit cours moyen dit calcul de moyenne sur plusieurs jours consécutifs. Combien de jours ? Bon, allez, disons 50. On obtient un certain chiffre, et on déduit que notre action est plus ou moins valorisée que d'habitude. Poursuivons notre étude, comment évolue-t-elle, cette moyenne à cinquante jours ? C'est que si on l'avait calculée hier, on aurait obtenu une valeur un peu différente, et la veille, encore différente, etc... Ainsi, on trace une courbe, que l'on appelle moyenne mobile à cinquante jours (cinquante jours où la bourse était ouverte, s'entend), ou plus simplement, MM50. Cette courbe donne un aperçu lissé de l'évolution du cours, débarrassé des soubresauts les plus éphémères, et décalé d'environ 25 jours dans le passé. De la MM50, le chartiste ne tire rien en soi, ce qu'il guette, ce sont les croisements. Eh oui, car selon que le cours croise sa MM50, c'est un signe encourageant à l'achat ou à la vente. Pourquoi ? Là encore, mystère. Il semble que dans leurs esprits simples, ces signes aident à identifier une tendance (un trend, comme ils disent dans leur volapük). Et puis, pourquoi cinquante ? Certes, il y a aussi des zozos pour suivre la MM10, la MM20, la MM100, voire la MM200. Mais pourquoi pas la MM163, la MM82, la MM16, la MM40 ? Quelle compulsion les pousse à juger pertinentes les moyennes qui tombent rond et pas les autres ? C'est quoi cet ostracisme ? Mais tenez vous bien, le plus risible dans cette affaire, c'est que le signal perçu n'est pas celui qu'on croit. En effet, selon l'orthodoxie en vigueur, c'est quand le cours passe SOUS la moyenne mobile qu'il faut vendre, et quand il passe AU-DESSUS qu'il convient d'acheter. Oui, vous avez bien lu, je ne me suis pas trompé de sens ! Cette étonnante religion commande aux croyants d'acheter plus cher que la moyenne et de vendre moins cher. Faut-il donc être ballot pour se comporter de la sorte... N'importe quel débile moyen, pour peu qu'il ai l'usage de la parole et qu'il saisisse la notion d'argent, comprend sans qu'on ai besoin de le lui expliquer que pour prospérer dans un commerce quelconque, la bonne attitude consiste à acheter bas pour vendre haut. Eh bien, croyez-le ou non, mais les suiveurs de moyennes mobiles sont persuadés du contraire, et resteront indécrottablement rétifs à tout argument inverse ! Et n'allez pas croire qu'il s'agit là d'une secticule d'une douzaine d'agités du ciboulot se réunissant la nuit dans les cimetières et les ruines celtiques pour vénérer les dieux de la déraison. Pas du tout, ces pauvres égarés constituent, d'après mon expérience personnelle, la majorité des boursicoteurs. Nous marchons sur la tête.

   A mettre dans le même sac, les mystérieuses bandes de Bollinger (dites bol sup et bol inf), qui semblent être une version plus compliquée (donc sensément plus efficaces) de la moyenne mobile, et qui fonctionnent (si l'on considère que le but est de se ruiner à poursuivre des chimères, on peut dire qu'elles fonctionnent) d'une manière un peu différente : c'est en observant le resserrement desdites bandes que l'on peut prédire une prochaine inversion de tendance. Il paraît que ça a un rapport avec la variance statistique des cours...

   Léonard de Pise, dit Fibonacci (contraction de Filius Bonacci, car il était le fils d'un dénommé Bonacci dont le principal titre de gloire fut d'être le père d'un auguste rejeton), était un aimable gentleman Italien du moyen-âge (1170-1240), exerçant l'honnête métier de mathématicien. Comme quantités de ses semblables, il avait la fort excusable manie de s'amuser avec les nombres, et ne fut donc probablement pas le premier à voir ce que donnerait une suite commençant par 0 et 1, et où chaque terme serait la somme des deux précédents (on obtient 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55...), c'est ce que l'on appelle aujourd'hui la suite de Fibonacci. Plus intéressant, notre héros eut soudain l'idée de diviser chaque nombre par celui qui le précédait, et constata qu'il obtenait une série de rapports (1 ; 2 ; 1,5 ; 1,6667 ; 1,6 ; 1,625 ; 1,6154...) appelés ratios de Fibonacci, ayant pour particularité de converger, un coup par dessus, un coup par dessous, vers une certaine limite, égale à 1,618034... et des brouettes. Or, ce dernier nombre n'est pas aussi quelconque qu'il y paraît au premier abord : c'est le nombre d'or, que les Grecs tenaient pour très important dans leur obsession numérocentrique. Et non content de l'observer, voici qu'en bon mathématicien, notre ami Léonard (que l'on ne confondra pas avec son homonyme de Vinci) le démontre. Pour la petite histoire, dans la nature, la suite de Fibonacci et les ratios associés semblent régir divers phénomènes comme la croissance des plantes. Et là vous me dites, " c'est bien joli tout ça, j'ai appris quelque chose aujourd'hui, mais quel rapport entre cet algébriste transalpin et la pratique boursière ? ". A mon humble avis, il n'y en a aucun. Toutefois, il existe une milice chartiste pour être persuadée du contraire, et ses tenants vous soutiendront, " preuves " à l'appui, que les extrema d'un cours de bourse suivent les fameux ratios, surnommés fibo 1, fibo 2, etc... La décimalité de ces ratios permet à divers sots de poser avec une précision désarmante que " le cours de zozo SA va monter à 113,48657 euros puis redescendre à 93,44912 ". Bon, évidemment, c'est " à quelques pourcent près ", et " sans indication de timing ", et " sans préjuger d'un retournement, ni d'un événement exogène ". Et puis, ces ratios de fibonacci sont à calculer à partir de points parfaitement arbitraires, de telle sorte qu'il est souvent possible de s'arranger pour que les courbes viennent obligeamment chatouiller les niveaux prédits. Bien entendu, on peut s'amuser au même jeu avec n'importe quelle courbe un tant soit peu aléatoire, comme les températures sous abri à Marseille, la population des lemmings en Alaska, ou une courbe générée au hasard. Faire correspondre deux schémas sans rapports entre eux est un exercice plaisant auquel l'esprit humain excelle. Nous avons tous joué à voir des constellations dans les étoiles, des personnages dans les gouttes de buée déposées sur une vitre, sans pour autant chercher là-dedans les mystères de l'univers. On peut observer que tel nuage ressemble à un homme fumant la pipe, mais on prendrait pour un sacré rigolo un météorologue qui baserait ses prévisions là-dessus. Tirer de tels jeux des enseignements utiles à s'enrichir est parfaitement illusoire.

   On trouve d'autres méthodes tout aussi pittoresques. La plus charmante est celle des chandeliers japonais. Le génie de l'affaire, c'est de visualiser, en un seul signe, quatre points (cours d'ouverture, cours de clôture, plus haut et plus bas) donnant le comportement d'un titre sur une journée. La forme de ces signes rappelant parfois celui d'une bougie, et sachant que la méthode nous vient du pays du soleil levant, le nom de cette pratique se trouve expliqué. L'oeil exercé du nippologue cirophile décèlera sans hésiter plusieurs figures typiques, telles que le bonze accroupi, les trois bougies noires, l'étoile du matin... et en tirera matière à orienter ses choix. Loin des pratiques orientales, d'autres chartistes essaient de détecter des figures géométriques, telles que les fameuses " têtes et les épaules ", augurant d'une baisse, ou " tête et les épaules inversées ", indiquant une hausse, ou encore le " triangle ", dont la sortie indique soit que ça va monter, soit que ça va descendre, soit que ça va stagner (une remarquable méthode qui donne 100% de bons résultats), les fameux canaux haussiers, baissiers ou horizontaux, qui permettent de savoir si un titre monte ou descend, et puis, des supports et des résistances, aussi arbitraires que flous, dont le franchissement annonce indubitablement qu'il va se passer ci, sauf s'il se passe ça...


   Alors bien sûr, on vous montrera des piles d'exemples frappants où l'AT, ça marche, et avec une étonnante précision. Mais c'est a posteriori. C'est que, comme je viens de le souligner, des méthodes d'Analyse Technique, il y en a des tas. Observez une évolution quelconque dans un cours, vous trouverez sans peine, avec un peu d'habitude, de nombreux signes qui l'annonçaient, tout simplement parce que ces méthodes ont la manie de se contredire, et que c'est bien le diable si on n'en trouve pas une pour tomber dans le vrai. Quand Météo France annonce qu'il va faire beau à moins qu'il ne fasse mauvais, il n'y a pas à s'extasier devant le fait que le lendemain, la prévision s'avère juste. Le problème, c'est que cette information n'est d'aucune utilité pratique pour choisir de prendre ou non un parapluie. N'est-ce pas hilarant que d'imaginer de bedonnants quadragénaires en costume-cravate se passionnant pour de tels enfantillages et tombant dans de tels panneaux ?

   Eh bien non, ce n'est pas hilarant. Que de pauvres brêles risquent leur argent sur la foi de charlataneries pareilles, c'est leur affaire, la badauderie humaine est sans limite, c'est un fait reconnu. Mais songez que parmi les partisans de l'Analyse Technique, on trouve aussi des professionnels des marchés. Savez-vous comment est géré le pécule de votre retraite ? L'argent que vous avez mis de côté sous par sous pour payer les études des gosses ou la maison de vos rêves ? Les économies de toute une vie ? Qui vous dit que le gérant de la sicav " de tout repos " que votre banquier vous a vendu n'est pas un de ces hurluberlus qui attendent pour vendre le croisement de la moyenne mobile à 50 jours et du premier croissant de Jupiter dans la maison du Taureau ? Qui vous garantit que votre assurance-vie est à l'abri de la sinistre bande de Bollinger ? Ces olibrius ne jouent pas à leurs jeux débiles avec trois fifrelins, ils misent pas moins que l'économie mondiale toute entière sur leurs délires verbeux et leurs tuyaux percés ! Vous croyez que j'exagère ? Il y a pourtant sur le marché de prospères cabinets d'Analyse Technique, qui vendent des études basées sur les mêmes méthodes que j'expose plus haut, et dont les tarifs suffisent à indiquer que leur clientèle n'est pas de particuliers, mais de fonds qui gèrent des dizaines de millions d'euros. Quel bénéfice peut donc attendre un gérant d'un tel tissus d'invraisemblables billevesées ? Du point de vue comptable, sans doute aucun. D'un point de vue personnel, mon expérience du monde du travail me pousse à comprendre son point de vue.

   Mettons-nous donc à la place de ce monsieur, salarié d'une grande banque, qui a donc pour responsabilité d'investir l'argent de ses clients, pour fixer les idées, mettons deux cent millions d'euros. Voilà une rude responsabilité, puisqu'une seule mauvaise opération peut ruiner le bénéfice d'une année de bourse, ainsi que la confiance que les clients ont en leur établissement. Aussi, avant de prendre une décision, notre homme va-t-il consulter un cabinet d'Analyse Technique, si possible cher et abscons. Si l'investissement se révèle rentable, ce ne sont pas les dix ou vingt mille euros qu'auront coûté l'étude qui vont le ruiner. Si l'investissement est décevant, notre rusé financier aura tout loisir d'expliquer à son patron que " c'est pas sa faute ", que " le marché est mauvais en ce moment ", que " pourtant, le meilleur cabinet d'analyse de la place était formel, regardez, c'est marqué là ". En somme, notre homme aura perdu l'argent de ses clients, mais grâce au parapluie bien pratique de la faribole à la mode, il aura sauvé sa tête. Et nous parlons là d'un gérant cynique, intelligent et professionnel, pas d'un gérant, et il y en a, qui croirait VRAIMENT en l'Analyse Technique.

   Alors, que conclure de ce bref, mais déjà trop long, voyage au pays des fous ?

   En premier lieu que si tant d'idiots du village s'y ébattent et y lâchent leur argent à pleines poignées, il serait dommage de ne pas profiter de l'aubaine pour en ramasser quelques miettes. Les manifestations d'incompétence que je viens de vous exposer ne sont pas une exception mais sont, en quelque sorte, devenus une règle des marchés, il en résulte que toute personne normalement pourvue de bon sens, de patience et de sang froid pourra retirer sans trop d'effort quelque bénéfice de la bourse. Ensuite, il faut se pénétrer de l'idée qu'aucune méthode ne permet de prédire l'évolution des cours de la bourse. Il n'y en a pas. Il n'y en a jamais eu. Et on peut raisonnablement supposer qu'il n'y en aura jamais, car plus ça va, plus la bourse devient une chose compliquée, ce qui la rend d'autant plus imprévisible. Je conçois, pour avoir été moi-même tenté par le même penchant, qu'on puisse vouloir lire dans les courbes ce que l'avenir nous réserve. C'est humain. Lorsque l'on comprend finalement, après un douloureux apprentissage, que les marchés ne sont pas un fauve que l'on dompte, mais un océan impétueux et imprévisible que l'on sillonne au gré des ris et des courants, on a fait un grand pas vers la sagesse et la fortune. Oubliez logarithmes et intégrales, équations différentielles et tangentes biscornues, quelques règles simples et de bon sens suffisent à profiter de la croisière là où d'autres éventrent leurs PEA sur les cruels écueils du mensonge et de la déraison.

   Diversifier ses placements. Garder à l'esprit que le but du jeu est d'acheter bon marché et de vendre cher. Investir avec son argent, sans chercher à emprunter. Patienter quand c'est nécessaire, se presser quand il le faut. Savoir quand il faut remettre en question ses jugements, et quand il faut s'y tenir. Comprendre qu'en finances, chacun ne parle que pour défendre ses intérêts, et qu'il ne faut jamais croire quiconque avant de savoir pour qui il travaille. Savoir accueillir poliment le boniment des beaux parleurs qui croient que la bourse est un concours de bite, en se souvenant qu'ils seront bientôt sur la paille. Ne jamais donner de conseil d'achat ni de vente à aucune de vos relations. Lire parfois la presse financière. Faire le contraire de ce qu'elle préconise.

   Et toujours garder à portée de main une lourde batte de base-ball, afin d'accueillir dignement les chartistes de passage qui frapperaient à votre porte.


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DISCLAIMEUR ET COPIEDROIT : JE ME FICHE comme de mon premier coupon que vous reproduisiez tout ou partie du texte ci-dessus, fut-ce dans le but de ridiculiser ma prose ou d'en faire commerce. Je vous autorise à la modifier à votre guise, à dire que c'est vous qui l'avez écrite, à en orner votre site pédophile néo-nazi, à en faire des tracts que vous distribuerez aux passants dans la rue, à la graver sur des sondes interplanétaires et à la déclamer devant un public, y compris sur les plate-formes pétrolières.