17 ) Tout est bien qui finit bien
- Je me doutais que Bedilan était un malhonnête homme, mais là, il m'épate.
Ils lui avaient tout raconté, et la sorcière avait compati.
- Mais je ne comprends pas à quoi ça peut lui servir de faire une chose pareille ? S'interrogea Piété.
- Comme je vous l'ai dit, le parti de Bedilan a de gros problèmes en ce moment, le genre de problème qui inspire des solutions désespérées. Alors Bedilan a payé Figatelli pour monter un faux attentat, devant tout un tas de témoins, et le lendemain, son excellence le Ministre va faire le beau dans les journaux, se fait plaindre et ameute le populo sur le mode " la démocratie en danger, les Séléunes sont des assassins ". Bref, pas très subtil comme coup, mais plus c'est gros plus ça marche, surtout que Bedilan et ses Phalanstériens sont assez puissants pour dissoudre le Sénat et convoquer des élections anticipées. Et alors là, sous le coup de l'émotion...
- Ils gagnent.
- Bawala. Mais bon, je vous dis les choses telles que je les sens, il faudrait plus que des plans parano comme les miens pour convaincre la milice ou la presse.
- Et bien, justement, on a, triompha Morgoth. Cette lettre laissée par Bedilan lui-même à Figatelli son âme damnée, où il reconnaît avoir fomenté cette tromperie. Lis !
- Oh, c'est... ah c'est pas joli joli, c'est sûr. C'est même franchement pas beau du tout. Je suis outrée, en tant que presque citoyenne de Dhébrox, que mes impôts servent à engraisser de telles gens. En tout cas, vous avez entre les mains de quoi faire triompher le bon droit et la justice, c'est merveilleux. Je donnerai cher pour voir la tête du Ministre quand ce document paraîtra dans la presse, ah ah ah !
- Juste, ce serait une juste punition pour sa vilenie que d'être déconsidéré. Et je pense... Mais, qu'as-tu dans les mains ?
Ils avaient tiré Sook du lit, et elle avait refusé de leur adresser la parole avant d'avoir pris une infusion d'un breuvage à la potabilité discutable. Elle était encore à moitié engourdie dans les noires profondeurs du Styx morphéen, mais tentait de se tenir éveillée en faisant sauter dans sa main un petit objet cubique et métallique, tellement familier à Morgoth que celui-ci n'y avait même pas prêté attention jusque là. Et s'il lui était familier, c'était qu'il possédait le même, dans sa poche. Et cela faisait des mois qu'il essayait de savoir ce que c'était.
- Ben, c'est un cube à thaumine.
- Je vois bien mais, où l'as-tu eu ? Et surtout ça sert à quoi ?
- Oh c'est tout simple, la thaumine est un alliage nain qui a la propriété d'absorber la magie lorsqu'il est congelé, et de la rejeter lorsqu'il est échauffé. Alors ça peut servir à capturer un sortilège. L'amusant c'est qu'une telle magie est difficilement détectable tant que le sortilège n'est pas libéré, sauf si on sait ce qu'on cherche. Dans ce cube par exemple, j'ai glissé un sort de bouclier, c'est pratique non ?
- Alors ça, c'est incroyable. J'ai étudié la magie des années durant et je n'ai jamais entendu parler d'une telle chose.
- Oui, c'est nouveau, c'est peu diffusé en province.
- Ce genre de systèmes pourrait sans peine remplacer les parchemins, les bâtons magiques...
- Holà, doucement, comment tu y vas. Ces cubes se vendent gentiment mais ça n'a pas le succès que j'espérais, parce que si on met un sortilège trop puissant dedans, le cube est détruit par la libération de l'énergie mystique. Et puis la thaumine, c'est horriblement cher. Je vous ai dit que c'était moi qui fabriquais ça ? C'est moi qui fabrique ça. Enfin, j'ai des parts dans la société qui les fabrique.
- Ah, mais ça alors !
- Ben oui. Il faut bien vivre. Bon, Bedilan, vous comptez faire quoi ?
- Le dénoncer pardi, la justice doit triompher, le droit, la liberté...
- Oui oui, très bien.
- Il y a quand même un petit truc que je ne comprends pas. Que Bedilan complote, admettons, mais pour quelles raisons a-t-il laissé cette lettre le compromettant ?
- Oh ça je sais. C'est que Figatelli a oublié d'être bête, c'est sans doute pas son premier coup tordu, et je suppose qu'il n'a eu qu'une confiance très modérée en Bedilan. Voici pourquoi il lui a fait signé un document tel que celui-ci, au cas où les choses tourneraient mal, au cas où Bedilan se ferait descendre par quelqu'un d'autre, au cas où... bref, Figatelli s'est couvert, et on ne peut pas lui donner tort sur ce point. Je suppose qu'une fois l'affaire terminée, ils se seraient retrouvés pour brûler la lettre et mettre fin solennellement à leur coterie.
- Ah, le beau sac d'ordures !
- Que voulez-vous, le monde n'est pas peuplé que d'honnêtes gens.
18 ) The Wouping Machine
Et au matin, les preuves de la supercherie abominable du Ministre du Commerce s'étalaient dans les colonnes du " Séléune Libéré ", qui avait différé la diffusion pour sortir le scoop. Rapidement, la ville entière fut au courant. Figatelli et Bedilan furent entendus par la milice, et la presse se déchaîna contre le Ministre, qui dut donner sa démission et quitter la vie publique par la petite porte, celle de la réprobation générale. Il n'y eut pas d'autre suite juridique, le délit étant somme toute fort mineur, mais les Phalanstériens, bien qu'ils eussent pris leurs distances avec les amis de Bedilan, avaient pour un temps perdu tout espoir de gouverner Dhébrox.
Contents d'avoir résolu la petite énigme et satisfaits d'avoir utilement occupé leurs journées, nos trois compères passèrent encore trois jours paisibles dans la belle cité, dont ils apprirent à connaître tous les aspects, même les moins reluisants. Puis, Sook vint les trouver pour leur annoncer que les préparatifs étaient terminés, et que le départ aurait lieu le soir même. Ils rassemblèrent donc leurs baluchons, leurs armes et leur matériel, payèrent ce qu'ils devaient à l'aubergiste, et quittèrent Dhébrox en fiacre, en direction des locaux de la SODERA.
Ils y arrivèrent à la nuit tombée. Les gardes peu commodes étaient là, et avaient été prévenus de leur arrivée. Ils furent conduits auprès du " hangar de l'installation spéciale ". C'était une salle rectangulaire, dont le haut plafond était soutenu par des piliers de bois largement espacés. Le sol était encombré d'un bric-a-brac invraisemblable de caisses, d'outils, de matériaux et de papiers recouverts de tableaux, graphiques et interminables colonnes de chiffres, ainsi que des " Monsieur Bloblo ". Huit magiciens en grande tenue, payés par Sook, s'agitaient autour du dispositif, qui consistait en une large plate-forme surélevée d'un mètre, tout en malachite polie. Six cônes de lumière magique jaillissant du plafond délimitaient par terre six cercles diffus.
- Voici la machine à woup, énonça Sook, bien que la chose fut évidente pour tous.
- Et ça marche comment ?
- Et bien quand on actionne le dispositif de commande qui est ici, la machine transforme le sujet en toutes petites particules, qui sont des morceaux très très fins, et les projette très très vite jusqu'au point souhaité, où ils se réassemblent automatiquement. Et normalement, dans le bon ordre.
- C'est... c'est douloureux ?
- En principe non. Oui Morgoth ?
- Pourrais-tu me suivre à côté, j'aimerais avoir ton avis sur le réglage à apporter aux broches, loin du champ de polarisation des modules d'interface induit par le couplage des bobines à induction du dispositif.
- êh ? Ah, oui, comme tu veux.
Ils s'isolèrent dans une petite pièce, un bureau inoccupé à cette heure de la nuit.
- Bien trouvé la polarisation de l'induction machin, t'as inventé ça tout seul ?
Morgoth s'appuya à la fenêtre et scruta l'obscurité. La pluie avait redoublé et formait un film mou sur l'extérieur de la vitre, parcouru par des ruisseaux, des torrents éphémères.
- En fait, je voulais ton avis sur cette histoire avec Bedilan.
- Je croyais l'affaire classée. La manigance tortueuse du politicien véreux s'est retournée contre lui, la justice et la vérité ont triomphé, les vaches broutent dans les prés, générique de fin. Tu veux quoi de plus ?
- Oui, tout est pour le mieux. Cela dit, il y a encore quelques zones d'ombre dans cette histoire. Bedilan met en scène l'agression, soit, mais pour quelle raison nous a-t-il ensuite engagés pour faire la lumière sur cette conjuration ? Il ne nous connaissait pas et n'avait aucun moyen de s'assurer que nous ne découvririons pas la vérité.
- C'est vrai, c'est assez curieux, quand on y réfléchit. Trop de confiance en lui, peut-être.
- Un travers assez commun, mais un autre détail m'a tout de même étonné. A la place de Bedilan, je n'aurais sûrement pas agi de la sorte. Je suis sans doute trop prudent, mais il me semble que je n'aurais jamais joué ma carrière politique d'une façon aussi légère, en tout cas pas en misant sur une franche canaille telle que Figatelli. Et puis, les ennemis de Bedilan sont puissants, ces fabricants d'armes sans foi ni loi, prêts à faire des fortunes en compromettant la paix de Dhébrox et du monde, ils existent, et certains sont sûrement assez sournois pour ourdir des complots tortueux pour le perdre.
- Du genre ?
- Par exemple, imaginons qu'une puissance souterraine ai payé Figatelli, ou bien se soit attaché ses services par un quelconque moyen. Imaginons que l'attentat ait été faux, certes, mais que Bedilan n'ai pas été au courant. En fait, on peut supposer que Figatelli aurait approché Bedilan pour le prévenir et que, sous couvert de lui donner des conseils de prudence, il se soit renseigné sur ses habitudes et ses itinéraires. Le lendemain, notre politicien ne résiste pas à l'envie de faire connaître ses misères à la presse, sauf que quelques jours plus tard, on découvre "par hasard" des documents mettant en cause Bedilan lui-même dans cette crapulerie. Il s'en sortirait ridiculisé, les Phalanstériens seraient très affaiblis de ce scandale, d'autant qu'apparemment, il y en a eu d'autres auparavant...
- Ah, voilà un plan bien compliqué.
- Mais poursuivons le raisonnement. Qui donc aurait pu monter un coup aussi tordu ? Un magicien, assurément, car sans cela Figatelli n'aurait pu s'échapper le soir de l'attentat. Quelqu'un de puissant et riche, ayant des intérêts dans les fabriques d'armes, puisque c'est le principal intérêt de perdre les Phalanstériens. Quelqu'un enfin qui nous aurait mis sur la voie de Figatelli, quelqu'un qui savait qu'il ferait un crochet par la tour en ruine ce soir là, et que les providentielles preuves de la forfaiture de Bedilan s'y trouvaient. Bref, un être profondément sournois et doté d'une remarquable absence de scrupules moraux.
- Crois-tu ? Pourtant, il me semble...
En se déplaçant insensiblement, Sook avait pris le coupe-papiers qui traînait sur son bureau, un ustensile d'acier particulièrement aiguisé. Son mouvement était si maîtrisé, le son de sa voix si banal qu'elle ne se serait pas conduite autrement en faisant ses courses. Son attaque fut presque parfaite, une attaque que Vertu elle-même n'aurait pas renié. N'eut-elle été myope toutefois, qu'elle se serait aperçue que dans le reflet de la vitre, Morgoth l'observait. Un simple mot de commande lui suffit pour déployer, en une fraction de seconde, le sortilège protecteur qui transforma sa peau en une matière souple comme le cuir, solide comme le fer, grise comme le roc. La lame de la sorcière fut impuissante à la pénétrer et se brisa net près à ras la garde, et tout en émettant une note de pur cristal, jaillit dans les airs en tournoyant, manquant d'éborgner la meurtrière. Bien que légèrement ralenti par sa protection, Morgoth se retourna et empoigna son adversaire à la gorge, étouffant la conjuration mortelle qu'elle s'apprêtait à lancer.
- Et maintenant, c'est plus qu'un soupçon. Ainsi c'est toi, traîtresse, qui était derrière toute cette noirceur, et ce sont tes petits trafics que tu cherchais à protéger. Et dire que nous sommes venus te demander notre aide pour te débusquer toi-même, ah tu as dû bien rire de notre naïveté ! Comment un être d'une telle vilenie a-t-il bien pu prospérer dans cette ville de paix ? Parle, créature maléfique !
- Rheuu... rueuu...
- Ah oui, pardon. Parle maintenant, et gare à toi si tu cherches à marmonner une incantation...
-Ah, donc tu m'as découverte. Qu'est-ce qu'on dit dans ces cas là ? Malédiction, je suis faite comme un rat ? les Karoths sont qu'huit (7)? C'est bon, tu as gagné, tu es le plus fort et le plus malin, tu les auras tes XP. Mais ça n'a pas d'importance, car vois-tu, ça ne changera rien au déroulement de l'histoire. Les Phalanstériens sont déconsidérés, les Séléunes gagneront ces élections, et j'obtiendrai du Sénat les lois que j'ai payées. Et enfin, je pourrai vendre à prix d'or les automates de Baentcher.
- Ainsi donc, tu travailles bien pour eux. Mais quelle folie t'a prise de t'allier à Condeezza et à ses sbires ?
- Tu ne comprends pas gamin, je ne suis pas alliée à eux. S'ils réclament avec tant d'insistance mes soldats mécaniques, c'est parce qu'ils ont découvert que l'usurpateur de Gunt avait à sa disposition une nouvelle arme magique, l'oeuf de Merenra, un outil de destruction capable de détruire une cité entière en une seconde. L'invasion de Gunt qu'ils préparent a pour but de détruire cette arme avant que l'usurpateur ne soit en mesure de l'utiliser contre Baentcher. Moi, je n'ai fait que leur vendre les armes qu'ils réclamaient pour se défendre légitimement contre une tyrannie expansionniste. En somme, je fais le bien. Tout en veillant à ma prospérité, bien sûr.
- Mais quelle est cette histoire d'oeuf de Merenra ? De quoi s'agit-il encore ?
- Oh, une arme terrible, comme je te l'ai dit. Tu vois le cube de thaumine ? Imagine un instant qu'on en empile mille, les uns accrochés aux autres. Tu remarqueras que c'est particulièrement facile grâce aux encoches et rainures que tu as sans doute étudiées, et qui sont tout à fait idoines à cet usage.
- Et alors ? On obtiendrait un gros cube.
- Or, la thaumine libère les sortilèges qu'elle emprisonne dès qu'elle est exposée à une forte température. Suppose qu'une de ces sphères de thaumine se déclenche, produisant son effet, comme par exemple, au hasard, une boule de feu...
- Ses proches voisines seraient immédiatement...
- Tu commences à comprendre.
- Et elles mettraient alors le feu aux autres, et ainsi de suite...
- Les mille autres !
- Hazam tout-puissant !
- Sache maintenant que l'oeuf de Merenra est un tel dispositif, qui contient non pas mille, mais un million de cubes ! Imagine la puissance dégagée en une seconde. A mon avis, ça doit être joli à regarder, mais de loin. Même une ville de la taille de Baentcher serait réduite en cendres. Très fines les cendres. Et éparpillées jusqu'à loin.
- Malédiction.
Morgoth s'appuya contre un mur, frappé soudain par la sauvagerie des hommes capables de concevoir de telles abominations pour leurs guerres ineptes.
- Mais quel genre de sorcier pourrait faire une chose pareille ? De quel esprit tordu et démoniaque pourrait donc surgir une telle monstruosité ? Quel genre de malade...
- Tiens, j'ai l'impression qu'une idée horrible te vient...
- Mais bien sûr... C'est toi qui fabrique ces cubes, c'est toi qui a...
- Et notre sympathique gagnant remporte un filet garni !
- Tu armes... les deux nations...
- Comme je te l'ai dit, je ne suis pas alliée à Baentcher, pas plus qu'à Gunt ou à Tartempion City d'ailleurs. Non seulement j'ai fourni, par le biais de deux sociétés distinctes, des armes aux deux puissances, mais en plus, j'ai tenu soigneusement au courant chaque parti des avancées de l'autre, des fois qu'ils oublient l'utilité de m'acheter mes petites merveilles. Alors bonhomme, ça t'épate hein ? ça change des arnaques à deux piastres de miss Vertu pas vrai ?
- C'est... c'est...
- Subtil ? Finement joué ? D'une rare intelligence ?
- C'est pas tout à fait ce que je voulais dire.
- Eh eh eh... Et le pire dans l'affaire, mon p'tit bonhomme, c'est que tu ne vas rien dire à personne de mes petites manigances. D'une part parce que c'est trop tard, les premières livraisons ont déjà eu lieu, les armées sont déjà en marche, j'ai juste besoin d'une toute petite loi pour toucher mon or. D'autre part parce que tu auras beau retourner la question dans tous les sens, tu as besoin de moi pour libérer les autres ahuris. Alors maintenant, mon coco, le choix est simple, soit tu sauve le ministricule du déshonneur, soit tu évites à tes compagnons de se faire raccourcir par le bourreau de Jhôr. La décision t'appartient, Morgoth l'Empaleur.
- Le principe de cette machine ne m'inspire pas confiance, vous êtes sûre qu'elle va marcher ?
- Positivement. D'ailleurs, je monte dedans, et je suis mentalement équilibrée non ?
- Vous avez sans doute raison. Je suppose que vous l'avez déjà essayée des dizaines de fois.
- Oh oui... enfin, des dizaines, peut-être pas, mais on l'a testée, ça c'est sûr.
- Sur des gens ?
- Mais oui. Des sortes de gens. On peut dire qu'on a testé comme sur des gens.
- "Comme" ?
- Comme des sortes de gens... sur quatre pattes... avec un groin et une queue en tire-bouchon. Mais c'est quasi-pareil... Bon, on a fait trois tests sur des cochons, ça vous va ?
- Des cochons ? Et ils ont survécu ?
- Ah oui, surtout le troisième. Il s'appelle monsieur Gruîk. Les deux autres... ben... il est vrai que du strict point de vue scientifique, ce qui est arrivé ressemblait plus à un tas de rillettes... Mais on a compris le problème, et on a mis au point ces tenues de contention moléculaire que nous allons enfiler.
- Ces pyjamas ?
- Ce ne sont pas des pyjamas, ce sont des tenues de contention moléculaire, et je vous conseille de les mettre soigneusement et de les respecter très fort, parce que c'est ça ou les rillettes.
Et ils mirent les tenues en question, qui en effet ressemblaient à des pyjamas noirs, avec les épaules et le haut de la poitrine colorés de rouge, bleu ou jaune selon les modèles. Le tissus en était souple et élastique, très confortable bien que serré, et mettait particulièrement en valeur les formes sveltes de Xyixiant'h ainsi que les muscles puissants de Piété.
- Ne crois pas que nous en ayons terminé, sorcière, chuchota Morgoth à l'oreille de Sook.
- C'est agaçant de se faire coincer hein ?
- Les êtres de ta sorte sont la lie de l'humanité, et dès que tout ceci sera terminé, je m'arrangerai pour que nous nous affrontions entre sorciers, pour que triomphe le droit.
- "Et je reviendrai, et ma vengeance sera terrible, et bla bla bla...." Si j'avais eu dix sous à chaque fois que j'ai entendu ça...
Puis, rompant l'aparté, elle désigna la dalle noire et ronde.
- Allez, montez et mettez vous bien droit au-dessus des petits ronds blancs. Surtout ne laissez rien dépasser, à moins que vous ne soyez particulièrement amateur de rillettes de main.
Elle donna l'exemple en grimpant et en prenant position. Une fois que chacun eut gagné sa place, elle porta la main à son inexistante poitrine pour activer la broche qu'elle y portait, qui émit une trille joyeuse lorsque le lien se fit avec son homologue située au loin, à Gunt. Puis s'adressant à ses assesseurs, Sook, fière et pour une fois sérieuse, s'exclama :
- Quatre à téléporter. Energie.
Et une pluie d'étincelles descendit sur nos aventuriers tandis qu'ils se dissolvaient dans le néant.
Comme le faisait remarquer l'autre, c'est pas une donjonnette de tarlouze...
Morgoth IX : La Tour de Fer
1 - L'acrimonie qui n'est pas du tout une variété d'invertébré marin cousin des éponges, mais une sorte de ressentiment.
2 - Surnom donné pour ne pas choquer les oreilles des enfants innocents avec le récit exact de ses turpitudes intrajudiciaires.
3 - Les Zarikos étaient une fière tribu Héborienne du pays de Kokoth, qui fut décimée lors de la guerre de Kaaz-Hoolay sous les ordres de Thadel, le sorcier-mort. Leur triste fin inspira cette expression populaire, traduisant la funeste appréhension d'un destin implacable.
4 - Il est nécessaire, afin d'éviter toute équivoque, d'expliquer ici le système monétaire ayant cours à Dhébrox. La petite pièce de fer frappée d'une chouette maladive qui circulait parmi les gens du peuple était l'archibrille. Elle était de peu de valeur, il en fallait deux à un mendiant pour s'acheter un quignon rassis à un boulanger avare. Douze archibrilles faisaient une myriagemme, pièce plus large et épaisse mais de même aspect, et sept myriagemmes faisaient un dragondor, monnaie heptagonale de cuivre argenté, au motif variable selon le millésime. Les gens du commun avaient peu l'usage du nobelain, pièce d'or trouée en son centre d'un vingtaine de grammes et valant huit dragondors, et encore moins de la bourgeoisette, quatre fois plus lourde, qui ne servait guère que pour l'échange de marchandises onéreuses ou en gros. Les monnaies suivantes n'étaient plus frappées, et n'avaient qu'une valeur comptable. La bellelivre valait dix-sept bourgeoisettes, la quinte dix bellelivres, la dîme faisait cinq quintes et il en fallait douze pour faire une obolicule. Avec ses trois fifrelaings, valant chacun six obolicules, elle possédait donc une des plus grosses fortunes de la ville.
5 - En toute bonne foi, je devrais transcrire ici les propos de ce jeune homme tels qu'ils les auraient lui-même écrits, c'est à dire selon une graphie du genre : « anfin je sé pa si c 1 fantik mé pr avoir la klaaaaasss kom sa c au moins 1 fantik ki fo IMHO :-))) ». Toutefois, ayant quelque respect pour mes lecteurs, pour mes professeurs, pour mon ordinateur et pour moi-même, je m'en abstiendrai.
6 - La solution de l'énigme est bien sûr "l'aigle noir".
7 - Cette expression populaire rappelle une anecdote historique. Lorsque Thadel le sorcier-mort affronta les Pictetés lors de la bataille décisive de Dûnkhalzbong, à la fin de la guerre Kaaz-Hoolay, il attendit le renfort de la légion des farouches guerriers Karoths, qui lui devaient allégeance. Hélas, seuls huit d'entre eux se présentèrent pour honorer la parole donnée, force bien insuffisante pour renverser le cours tragique de l'histoire. Sic transit gloria mundi…