Le Plan du Film

« … NON SEULEMENT UN FILM A L’ENVERS, MAIS EN QUELQUE SORTE L’ENVERS DU CINEMA…»

JEAN-LUC GODARD

Réaliser un film qui serait conçu "à l’envers" : Orlan prend le cinéaste au mot avec ses Affiches de films imaginaires. Cette série d’images commencée en 1985 sert aujourd’hui de point de départ pour la réalisation d’"un film à l’envers". Orlan compose ses affiches avec des images directement issues de son œuvre d’artiste, performances, photographies, installations, etc. Ces images sont produites avec une firme spécialisée dans la réalisation d’affiches peintes du cinéma des années 50. Elles sont peintes à l’acrylique sur toiles tendues sur châssis (2 x 3 mètres). Chaque image est accompagnée d’un bandeau publicitaire de 2 mètres de long, calicot noir et lettrage jaune, dont le texte, rédigé par un publicitaire, vante les mérites du film. Par exemple : " JAMAIS FILM AUSSI ABJECT N’AVAIT SONNÉ AUSSI PUR ". Au cours d’une performance publique, un acteur, Jean-Christophe Bouvet, a également, improvisé 3 scénarios à partir de 3 de ces affiches.

Le Plan du film suit le découpage suivant :

Plan 1 : Une nouvelle série d’images répondant à un cahier des charges défini par l’univers iconographique d’Orlan est conçue par des publicitaires spécialisés dans la promotion de films. Le générique réunit, comme dans la première série d’affiches de films, les noms de personnalités et d’amis concernant la vie privée et professionnelle de l’artiste. Mais, dans cette liste, se glisse le nom d’une star de cinéma, comme si le film était déjà réalisé et sur le point d’être diffusé.

Plan 2 : À partir d’une affiche d’Orlan, acteurs professionnels, écrivains ou scénaristes conçoivent un synopsis formant la trame d’un scénario qui sera ultérieurement rédigé. Ce synopsis fait l’objet d’une lecture ou d’une improvisation en public sur fond de projection d’une photo de l’affiche.

Plan 3 : Des scénaristes et des dialoguistes développent ainsi une ou deux esquisses de scénarios à partir des images de l’artiste.

Plan 4 : Des réalisateurs conçoivent la bande-annonce des films correspondant aux images de départ. Orlan réalise elle aussi une des bandes-annonces.

Plan 5 : Un des cinéastes auxquels les scénarios auront été proposés choisit celui qu’il va réaliser.

Plan 6 : Une fois qu’un producteur a donné son accord pour financer un des projets, le réalisateur s’attache à répondre au cahier des charges, qui recommande les points suivants:
a) faire figurer dans le film, même très brièvement, Orlan ainsi que les quelques personnes dont le nom est peint dans l’affiche de départ
b) citer, d’une manière ou d’une autre, la phrase de Godard
c) l’affiche de départ apparaît, même très brièvement, dans le film
d) l’affiche finale garde la trace, même très modeste, de l’affiche de départ. Cependant, les visages, les noms, le générique changent pour répondre aux exigences de la distribution cinématographique commerciale. L’œuvre trouve naturellement son achèvement dans la réalisation d’un film 35 mm et le processus du film, inversé, se poursuit ainsi jusqu’à la production d’un long métrage, à sa distribution en salle et à sa diffusion en DVD.

OrlAn