P R E
S E N T A T I O N
Il y a un demi-siècle, en 1953, Pierre Boulez fondait le «Domaine musical». Dans les années soixante-dix, d'autres groupes (Ars Nova, l'Itinéraire, 2E2M...) se formèrent qui expérimentèrent d'autres formes d'expression musicale et permirent la découverte de talents originaux. Ces groupes, malgré leurs divergences esthétiques indéniables, ont cependant comme point commun d'avoir écarté du champ musical contemporain non seulement toute référence à la tonalité (même élargie) mais aussi à ses conséquences, notamment mélodiques. «Cantus Formus» se propose d'exprimer une pensée musicale complémentaire au travail ainsi effectué.
Loin de condamner les solutions atonales au problème de la modernité musicale, je me suis tout d'abord attaché à en examiner la genèse, et même à les emprunter afin d'en tirer une expérience vivante. Il ne s'agit donc pas de mépriser ou d'ignorer cette tendance de l'art musical d'aujourd'hui mais de proposer une autre voie. Une direction prise par quelques-uns des fondateurs du modernisme dans la première moitié du XX° siècle, et le plus souvent abandonnée lors de sa seconde moitié pour des raisons exprimées par T. W. Adorno dans son livre : «Philosophie de la nouvelle musique» ainsi que dans les écrits de nombreux compositeurs s'étant faits connaître dans l'après-guerre.
«Cantus Formus» est un hybride du latin cantus firmus, littéralement «chant ferme» et de forma, «forme». Est ainsi résumé en deux mots l'esprit d'un travail consistant à présenter au public des oeuvres du XX° et du XXI° siècle d'inspiration essentiellement mélodique au sein d'une conscience organique de la forme.
Les compositeurs réunis autour de «Cantus Formus» ne cherchent pas à nier, au profit d'un certain hédonisme de mauvais aloi, les contraintes formelles et les recherches esthétiques que la musique savante de tradition occidentale a toujours impliquées ; mais, pour eux cette exigence n'est pas incompatible avec l'entretien d'un lien de nature figurative avec le passé.
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Les
concerts de «Cantus Formus» suivront deux axes principaux :
D'une part la présentation de compositeurs du XX° siècle encore mal connus
malgré leur importance déterminante pour la compréhension de l'évolution du
langage musical tonal élargi d'aujourd'hui et de demain.
Le plus souvent ces compositeurs n'ont été commentés et classifiés que partiellement, et non impartialement. Taxés de «néo-classiques» ou de «néo-romantiques», c'est à dire d'épiphénomènes esthétiques traduisant un essoufflement, une décadence, ces compositeurs étaient ainsi condamnés d'avance pour n'avoir pas voulu suivre la voie tracée par l'école de Vienne. Or le nombre croissant de jeunes compositeurs de talent se réclamant de l'influence de ces mal aimés de la modernité, atteste qu'il s'agissait d'une perspective critique discutable... que «Cantus Formus» se propose justement de remettre en question en la replaçant dans un contexte historique bien défini.
D'autre part, la découverte de compositeurs d’aujourd’hui ayant choisi de renouveler de manière exigeante et rigoureuse les formes modernes du sentiment tonal (quelque soit le nom qu’on lui donne : tonalité élargie, polytonalité, cotonalité, polymodalité, post-tonalité…) soit de manière frontale, soit par le biais d'un questionnement de type postmoderne aboutissant à certaines formes de métissages stylistiques.
Grâce à «Cantus Formus» j’espère mettre à la disposition des compositeurs et
du public, un outil contribuant à une plus grande diversité d'expression et de
points de vue au service de la création musicale.
Nicolas Bacri, Paris, septembre 2003