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                    Lettre au lecteur 12
            

                  Le stade numérique

Il recourt à une sorte de fable pour rendre possible un déplacement de vision.
La fable consiste à poser qu’après le stade politique, il y aura le stade numérique. Comme on peut penser que le stade religieux a été antérieur au stade politique, qu’avant il y a eu celui de la très longue préhistoire, disons chamanique, et qu’avant encore il y aurait eu un stade de la conscience zéro…
La fable vise à nommer ce que l’on ne peut pas encore nommer. Et comment le nommer autrement que numérique ce stade-là?
Considérons internet dont la caractéristique de réseau permet la connexion des ordinateurs individuels. Il n’est pas si différent des réseaux - routier, ferroviaire ou aérien - qu’en réalité il compléte, ou plutôt surpasse dans l’ambition.
Mais il est très différent des réseaux basés sur une appartenance identitaire ou idéologique qui irriguent la vie des sociétés à travers des amicales, des groupes, des partis pris en tout cas. En effet, ces derniers représentent, protègent ou avantagent l’individu en échange d’une adhésion à un corps, plus ou moins hiérarchisé, dont l’objet est de répartir de l’influence ou de distribuer du pouvoir.
Or ce sont là des directions bien absentes du réseau internet qui est essentiellement ouvert, non occulte, hors de tout ordre hiérarchisé. Et qui par principe ne pratique pas la rétention des données. Au contraire, sa singularité est de construire un système général de réponses au désir de savoir, notamment parce que l’accès se fait autant sur la demande d’informations que sur l’offre de contenus.
Le passage au numérique apparaît ainsi changer le monde comme si ce code intermédiaire –numérique- évitait d’en passer par un code moral préexistant, à défaut de se substituer à lui au moins métaphoriquement.

Le paradoxe de cette affaire de réseaux est qu’en général les membres des réseaux locaux rejettent a priori internet. Tandis que ceux qui n’en sont pas se jettent à corps décidés dans le réseau numérique.
Un autre paradoxe réside dans le fait qu’internet transforme le monde en un village global alors qu’il est radicalement éloigné de l’idéologie du village, et ce contrairement aux médias classiques qui continuent de traiter les nouvelles sur le modèle village, certes de façon de plus en plus spectaculaire et publicitaire.
On voit que le réseau numérique relève d’un stade qui lui est propre.
Si le stade religieux est celui de la fatalité vénérée, le stade politique celui du pouvoir organisé, le stade numérique serait celui de la souveraineté des humains.

Cependant aucun de ces stades n’est autonome des autres, celui de la politique est largement dominé par le religieux, comme ce dernier est sous influence du stade chamanique. Et on peut supposer que le numérique s’accompagnera des couches du politique et du religieux, et même de celui du vieux fond préhistorique.
Il n’empêche qu’au-delà de la fable le stade numérique s’installe.



1/8:2001 / tous droits réservés / texte reproductible sur demande

Lettre au lecteur 11
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