Lettre
au lecteur 23
De la tragique histoire
à la posthumanité
A
peu près
toutes les semaines, si ce n'est tous les trois jours, on
découvre l'ampleur de massacres ou atrocités
perpétrés dans le temps
passé. Dernièrement quoi? Justement qu'est-ce que tu as
trouvé,
me demande-t-on?
Bien sûr l'actualité d'atrocités meurtrières
en Afrique
et des attentats terroristes m'occupe
la pensée, au point de me provoquer un trou de mémoire...
Me revenaient seulement les
famines organisées dans les années mil-neuf-cent-trente
par le pouvoir
soviétique pour punir l'Ukraine ou l'amener à
soumission, résultat environ 3 millions de morts, on imagine la
vie quotidienne tragique pendant plusieurs années dans
ce pays
qui
doit
être beau au printemps et même à toutes les saisons.
Non en fait, c'étaient les massacres commis par
l'armée nippone à Nankin, ville chinoise du nord,
à
peu près à la même période, dont j'avais
découvert l'ampleur les jours
précédents. La population de la ville
décimée, les
détails sont horribles, une témoin occidentale pensait
que
jamais des choses aussi terribles n'avaient pu ni ne pourraient
exister...
Ces semaines dernières, un livre me
fait percevoir la
sauvagerie des croisés mettant à sac
Jerusalem (tuant tous ses habitants) au début du premier
millénaire...
Et puis cette année de
commémoration
de
la fin des
camps nazis a été marquée par la diffusion d'images
d'une horreur absolue dont on comprend d'ailleurs qu'on doit les
oublier un
peu
chaque fois tellement elles sont insupportables.
Mais c'était aussi les soixante ans de la
fin de
la
dite seconde guerre mondiale, cause de tant de
misères, d'abominations, de
morts et de victimes par plusieurs dizaines de millions en Europe et en
Asie...
A cette même date de 1945 en
Algérie
se
produisent les
massacres de Sétif, des milliers de victimes,
on parle de
l'utilisation de fours à chaux pour brûler les
cadavres... Occasion de revisiter les débuts de la colonisation
avec les
pratiques des enfumades. Dans les années 1860 des gens pour fuir
l'armée coloniale se réfugiaient dans
des grottes, rien de plus simple alors que d'enfumer puis d'attendre
que
sortent
les enfumés!
A cette même période, à
peu près deux millions de morts lors de la partition des Indes
britanniques dont on a pourtant retenu l'idéologie de
non-violence propagée par Gandhi sans quoi on peut imaginer
combien de victimes cette indépendance aurait
provoqué.
J'ai dit que je
n'avais jamais su qu'il y avait eu tant de morts à cette
occasion. Que je ne croyais pas qu'aucun pouvoir
pourrait provoquer la famine
aujourd'hui...
Avec rage on me répond que des gens
meurent de faim, en tout cas de malnutrition, un peu partout sur la
planète. Sauf que les organismes de lutte
contre
la faim ne manquent pas d'approvisionnement. même si cela
n'arrive pas sur place au bon moment ou trop tard,
mauvaise organisation, guerres civiles, indifférence des
pouvoirs locaux...
Les objectifs de développement de
l'ONU
visant à ce qu'en
2015 tout enfant de la terre reçoive une éducation, que
tout
humain ait accès à l'eau potable ou que l'extrême
pauvreté soit réduite de moitié sont bien
sûr "ambitieux" mais qu'ils existent est nouveau.
Il se trouve qu'une nouvelle
conscience
selon quoi
l'humanité présente pourrait parvenir à mettre fin
à la misère. Certains disent: nous sommes sans
doute la première génération à penser que
c'est possible d'éradiquer la pauvreté, de contrer les
barbaries, d'apporter
l'éducation, l'eau potable...
Cette nouvelle conscience parait relever d'une prétention
extraordinaire
mais elle est assurément nouvelle.
En tout cas, elle est loin du fatalisme, de la culture de mort, loin du
glas des
grandes cérémonies d'enterrement de chefs religieux,
loin des
scènes d'auto-flagellations des
pélerinages de différents pays, carrément loin
des malheurs provoqués et/ou des douleurs infligées par
des
humains à d'autres humains
pour des raisons de tradition ou de coutume...
Face à l'abondance présente des
affabulations
catastrophistes osons donc cette fable:
Cette préocupation globale n'ayant
jamais
existé de toute
l'Histoire, par exemple l'idée d'éducation
généralisée est une
idée
neuve dans le monde, alors on est
peut-être en
train de sortir de la tragique Histoire,
alors on est peut-être entré sur le chemin d'une
réelle
humanité ou, pour les moins sceptiques, dans la
post-humanité qui deviendrait plus humaine...
30/09/05
/
tous droits réservés / texte reproductible sur demande /
m.a. j. 22/01/06
Lettre au lecteur 22
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