C.L.A.N 
Rôle, constitution, action
B Derycke
Groupe  Hospitalier Joffre- Dupuytren - 91210- Draveil.
 
Page actualisée le : 01/11/2002


 
      L' état nutritionnel à l’entrée à l’hôpital est souvent méconnu, la prise en charge au cours de l’hospitalisation est soit inexistante soit inadaptée. La malnutrition est  associée à une morbi- mortalité accrue, facteur de surcoût hospitalier. Elle ne doit plus être une fatalité, recherchée dès l’admission et au cours du séjour par l’étude des facteurs de risque bien connus (les handicaps, la maladie, les thérapeutiques instaurées, estimation correcte des besoins) . 

La création des CLAN

        L a prise de conscience de ces problèmes a amené de nombreux professionnels de centres hospitaliers à réfléchir ensemble à une meilleure prise en charge.  C’est le cas des deux expériences datant de 1995-96 en pédiatrie à l’hôpital Necker et en gériatrie sur le groupe Hospitalier Joffre- Dupuytren. Le rapport ministériel mené par le Professeur Guy Grand sur l’alimentation en milieu hospitalier     ( Janvier 1997) a fait un constat éloquent : hétérogénéité des besoins et des moyens dont disposent les établissements, présence de dysfonctionnements comme le nombre insuffisant de diététiciennes, le manque  d’évaluation nutritionnelle systématique, le manque de formation initiale et continue des médecins. Ce rapport a préconisé la mise en place des CLAN      ( Comité de Liaison Alimentation et Nutrition)et la création d’une structure nationale spécifique de coordination faisant partie de l’agence nationale de l’alimentation et de recherche en nutrition.

Les objectifs de cette démarche :

         Il s’agit d’une démarche incitative, transversale, interservice et surtout interprofessionnelle pour améliorer toute la chaîne alimentaire et non les soins prodigués au sein d’un service unique. L’objectif du CLAN est de réunir et de sensibiliser les professionnels impliqués dans l’alimentation des patients hospitalisés, en vue de l’optimisation de la prise en charge nutritionnelle et de la restauration. Cette démarche doit permettre  en remédiant aux dysfonctionnements d’atteindre cet objectif, sans générer des coûts excessifs. L'absence de qualité relevant souvent d’un manque de coordination entre les différents secteurs ou intervenants, chacun étant très performant dans son domaine. Le CLAN coordonne les actions des différents acteurs et les évaluations.

La méthode

     Le CLAN ne peut être ni imposé par une instance médicale ou non, ni décidé par un seul des partenaires de l’hôpital. La réussite repose sur une large implication de tous à tous les niveaux. Cette démarche s’inscrit plus largement dans une politique d’amélioration de la qualité de l’établissement nécessitant l’implication de la direction à son plus haut niveau parallèlement à la mise en place d’une démarche d’accréditation en référence au manuel de l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé): amélioration continue de la coordination et de la prise en charge hôtelière) et à la mise en place de la méthode HACCP ( Hazard Analysis and Control of Critical Points)  en cuisine. Tous les opérateurs doivent se mobiliser. L’existence d’un CLAN au sein d’une structure hospitalière publique ou privée ne tient qu’à une volonté de l’administration et de l’ensemble des services de travailler  ensemble pour une prise en charge globale de l’alimentation- nutrition. Chaque CLAN doit rester le maître d’œuvre de ses actions en fonction des dysfonctionnements rencontrés et des spécificités de terrain.

Les acteurs:

Cette démarche nécessite l’implication de tous à toutes les étapes de la chaîne alimentaire: la direction de la structure (Directeur , Directeur économique, Directeur chargé de la qualité, Direction des soins infirmiers), une étroite collaboration entre les services cliniques ( médecins, infirmières, aides-soignants, diététiciens), les producteurs (le chef cuisinier, le service de restauration, la pharmacie), la logistique (responsables de restauration, de l’hôtellerie, de la formation, de l’hygiène, du laboratoire de l’établissement).

La dynamique de la procédure: 

L’étape initiale est la création d’un « groupe de pilotage » multidisciplinaire de professionnels volontaires et motivés pour sensibiliser l’ensemble des acteurs à impliquer.
La phase essentielle est l’adhésion de la direction de l’établissement, de la Commission Consultative Médicale et de la Commission de Soins Infirmiers à ce projet. Une fois constitué et reconnu, ce groupe est coordonné par un praticien chargé d’analyser et de piloter l’action consacrant à cette mission le maximum de son temps

  Les premières actions à mener sont importantes, elles doivent être cohérentes avec la structure, permettre l’implication et le décloisonnement de chacune des familles de professionnels dans ce concept nouveau où chacun prend conscience de sa complémentarité. Il est important de savoir comprendre et agir au regard des dysfonctionnements recensés et de lutter contre la tendance malheureusement trop répandue de tolérer ces dysfonctionnnements par routine. Il peut être intéressant à ce stade d’utiliser le Référentiel Nutrition Assistance Publique Hôpitaux de Paris: «  La qualité de l’alimentation et de la Nutrition dans les services de soins » .

Le mode de fonctionnement :

         Le CLAN constitué se réunit pour lancer les actions, en assurer la diffusion et le suivi et l’évaluation. Chacune des actions engagées  rassemble les professionnels concernés avec une large participation des acteurs «  de terrain » ce qui permet des échanges constructifs. Chaque groupe de travail rend compte de l’avancée de ses travaux au CLAN dans ses réunions plénières semestrielles. Le CLAN « central » est  relayé par des portes paroles ( membre du CLAN) en « périphérie » dans les différents services qui démultiplient l’information au sein de leur service , reproduisant une structure similaire pluriprofessionnelle: médecin, infirmière, aide-soignante, diététicienne.

Le rôle de l’évaluation :

        L’ évaluation première permet de repérer les dysfonctionnements majeurs et d’instituer des groupes de travail. Il peut s’agir de vérifier si
tous les points du référentiel sont satisfaits et de mettre en place les actions correctives. Ensuite l’évaluation régulière fait partie du suivi des actions entreprises et permet de s’assurer que la démarche est bien suivie d’effets qui seront durables et non éphémères. Par ailleurs l’évaluation permet de recenser les points défectueux à parfaire et positionne ainsi la démarche de formation locale.

Les conditions de réussite de la mise en place d’un CLAN:

       L’ engagement de la direction et de l’ensemble du corps médical et soignant. La désignation d’un responsable président du CLAN et d’un comité représentatif des différents corps professionnels. La sensibilisation puis la formation de l’ensemble des personnels médecins, soignants, administratifs, équipe hôtelière, en utilisant un langage commun permettant l’échange des savoirs et des cultures. Le test du référentiel qui permet de cibler les dysfonctionnements majeurs souvent d’ordre organisationnels et protocolaires. La mise en place parallèle d’un programme d’Assurance Qualité et d’une démarche d’Accréditation. La mise en place d’une politique de mise en commun de l’action : mise en place de groupes de travail où chacun s’implique à son niveau et fait part de son expérience. L’instauration d’un climat de travail et de confiance, l’objectif de la démarche étant d’optimiser la prise en charge nutritionnelle et alimentaire et non de critiquer la façon de faire de l’autre. L’analyse régulière des progrès réalisés. La rétroinformation à tout le personnel sur les résultats obtenus et les actions correctrices mises en œuvre. La valorisation de toute l’énergie déployée...

Les écueils

        Le développement d’une telle stratégie ne peut être calquée d’un hôpital  à un autre. Chaque structure a ses particularités et doit s’approprier le concept en l’adaptant à ses spécificités et à ses contraintes. Les difficultés de mise en œuvre ne doivent pas être sous évaluées, si l’étape limitante est l’engagement fort de la direction, il reste souvent à régler le problème plus délicat de  l’indifférence de certains médecins. Cette démarche n’est pas encore de pratique courante. Il faut vaincre le poids de la routine, des habitudes et du scepticisme, dépenser beaucoup d’énergie et de temps. Cependant dès le processus d’amélioration continue de la qualité engagé, les premiers résultats se font vite sentir. Cette politique profite à tout le monde aussi bien aux malades bien sur, qu’aux soignants par l’amélioration de la qualité de vie au travail, la reconnaissance d’un professionnalisme et une meilleure collaboration interprofessionnelle.
 


 



Conclusions:

        Le repas en institution implique et engage la responsabilité de tous les acteurs de soin.  Le principe du CLAN est de mobiliser, par une démarche pluridisciplinaire, le corps médical et soignant, afin d’améliorer la prise en charge nutritionnelle des personnes fragilisées, il est aussi d’impliquer les administratifs pour obtenir une adéquation entre les besoins des patients et les commandes alimentaires.  L'implication de tous et à tous les niveaux, la dynamique lancée, l’effort de concertation, de formation, permettent d’améliorer la prise en charge des patients hospitalisés, avant que n’en apparaissent les redoutables complications.  Ce programme transversal dont l’objectif est la qualité du soin  et de vie en milieu hospitalier commence à donner ses fruits et s'inscrit dans une démarche d’assurance-qualité qui devrait permettre d’être au rendez- vous de l’accréditation.