L'
état nutritionnel à l’entrée à l’hôpital
est souvent méconnu, la prise en charge au cours de l’hospitalisation
est soit inexistante soit inadaptée. La malnutrition est associée
à une morbi- mortalité accrue, facteur de surcoût hospitalier.
Elle ne doit plus être une fatalité, recherchée dès
l’admission et au cours du séjour par l’étude des facteurs
de risque bien connus (les handicaps, la maladie, les thérapeutiques
instaurées, estimation correcte des besoins) .
La création des CLAN
:
L a prise de conscience
de ces problèmes a amené de nombreux professionnels de centres
hospitaliers à réfléchir ensemble à une meilleure
prise en charge. C’est le cas des deux expériences datant de
1995-96 en pédiatrie à l’hôpital Necker et en gériatrie
sur le groupe Hospitalier Joffre- Dupuytren. Le rapport ministériel
mené par le Professeur Guy Grand sur l’alimentation en milieu hospitalier
( Janvier 1997) a fait un constat éloquent : hétérogénéité
des besoins et des moyens dont disposent les établissements, présence
de dysfonctionnements comme le nombre insuffisant de diététiciennes,
le manque d’évaluation nutritionnelle systématique,
le manque de formation initiale et continue des médecins. Ce rapport
a préconisé la mise en place des CLAN
( Comité de Liaison Alimentation et Nutrition)et la création
d’une structure nationale spécifique de coordination faisant partie
de l’agence nationale de l’alimentation et de recherche en nutrition.
Les objectifs de cette démarche
:
Il s’agit d’une
démarche incitative, transversale, interservice et surtout interprofessionnelle
pour améliorer toute la chaîne alimentaire et non les soins
prodigués au sein d’un service unique. L’objectif du CLAN est de
réunir et de sensibiliser les professionnels impliqués dans
l’alimentation des patients hospitalisés, en vue de l’optimisation
de la prise en charge nutritionnelle et de la restauration. Cette démarche
doit permettre en remédiant aux dysfonctionnements d’atteindre
cet objectif, sans générer des coûts excessifs. L'absence
de qualité relevant souvent d’un manque de coordination entre les
différents secteurs ou intervenants, chacun étant très
performant dans son domaine.
Le CLAN coordonne les actions des différents acteurs et les évaluations.
La méthode:
Le CLAN ne peut être ni imposé par une instance médicale
ou non, ni décidé par un seul des partenaires de l’hôpital.
La réussite repose sur une large implication de tous à tous
les niveaux. Cette démarche s’inscrit plus largement dans une politique
d’amélioration de la qualité de l’établissement nécessitant
l’implication de la direction à son plus haut niveau parallèlement
à la mise en place d’une démarche d’accréditation
en référence au manuel de l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation
et d’Evaluation en Santé): amélioration continue de la coordination
et de la prise en charge hôtelière) et à la mise en
place de la méthode HACCP ( Hazard Analysis and Control of Critical
Points) en cuisine. Tous les opérateurs doivent se mobiliser.
L’existence d’un CLAN au sein d’une structure hospitalière publique
ou privée ne tient qu’à une volonté de l’administration
et de l’ensemble des services de travailler ensemble pour une prise
en charge globale de l’alimentation- nutrition. Chaque CLAN doit rester le
maître d’œuvre de ses actions en fonction des dysfonctionnements rencontrés
et des spécificités de terrain.
Les acteurs:
Cette démarche
nécessite l’implication de tous à toutes les étapes
de la chaîne alimentaire: la direction de la structure (Directeur ,
Directeur économique, Directeur chargé de la qualité,
Direction des soins infirmiers), une étroite collaboration entre les
services cliniques ( médecins, infirmières, aides-soignants,
diététiciens), les producteurs (le chef cuisinier, le service
de restauration, la pharmacie), la logistique (responsables de restauration,
de l’hôtellerie, de la formation, de l’hygiène, du laboratoire
de l’établissement).
La dynamique de la procédure:
L’étape initiale
est la création d’un « groupe de pilotage » multidisciplinaire
de professionnels volontaires et motivés pour sensibiliser l’ensemble
des acteurs à impliquer.
La phase essentielle
est l’adhésion de la direction de l’établissement, de la Commission
Consultative Médicale et de la Commission de Soins Infirmiers à
ce projet. Une fois constitué et reconnu, ce groupe est coordonné
par un praticien chargé d’analyser et de piloter l’action consacrant
à cette mission le maximum de son temps
|
Les premières actions à mener sont importantes, elles doivent
être cohérentes avec la structure, permettre l’implication
et le décloisonnement de chacune des familles de professionnels dans
ce concept nouveau où chacun prend conscience de sa complémentarité.
Il est important de savoir comprendre et agir au regard des dysfonctionnements
recensés et de lutter contre la tendance malheureusement trop répandue
de tolérer ces dysfonctionnnements par routine. Il peut être
intéressant à ce stade d’utiliser le Référentiel
Nutrition Assistance Publique Hôpitaux de Paris: « La
qualité de l’alimentation et de la Nutrition dans les services de
soins » .
Le mode de fonctionnement
:
Le CLAN constitué
se réunit pour lancer les actions, en assurer la diffusion et le suivi
et l’évaluation. Chacune des actions engagées rassemble
les professionnels concernés avec une large participation des acteurs
« de terrain » ce qui permet des échanges constructifs.
Chaque groupe de travail rend compte de l’avancée de ses travaux
au CLAN dans ses réunions plénières semestrielles. Le
CLAN « central » est relayé par des portes paroles
( membre du CLAN) en « périphérie » dans les différents
services qui démultiplient l’information au sein de leur service ,
reproduisant une structure similaire pluriprofessionnelle: médecin,
infirmière, aide-soignante, diététicienne.
Le rôle de l’évaluation
:
L’
évaluation première permet de repérer les dysfonctionnements
majeurs et d’instituer des groupes de travail. Il peut s’agir de vérifier
si
tous les points
du référentiel sont satisfaits et de mettre en place les actions
correctives. Ensuite l’évaluation régulière fait partie
du suivi des actions entreprises et permet de s’assurer que la démarche
est bien suivie d’effets qui seront durables et non éphémères.
Par ailleurs l’évaluation permet de recenser les points défectueux
à parfaire et positionne ainsi la démarche de formation locale.
Les conditions de réussite
de la mise en place d’un CLAN:
L’
engagement de la direction et de l’ensemble du corps médical et
soignant. La désignation d’un responsable président du CLAN
et d’un comité représentatif des différents corps professionnels.
La sensibilisation puis la formation de l’ensemble des personnels médecins,
soignants, administratifs, équipe hôtelière, en utilisant
un langage commun permettant l’échange des savoirs et des cultures.
Le test du référentiel qui permet de cibler les dysfonctionnements
majeurs souvent d’ordre organisationnels et protocolaires. La mise en place
parallèle d’un programme d’Assurance Qualité et d’une démarche
d’Accréditation. La mise en place d’une politique de mise en commun
de l’action : mise en place de groupes de travail où chacun s’implique
à son niveau et fait part de son expérience. L’instauration
d’un climat de travail et de confiance, l’objectif de la démarche
étant d’optimiser la prise en charge nutritionnelle et alimentaire
et non de critiquer la façon de faire de l’autre. L’analyse régulière
des progrès réalisés. La rétroinformation à
tout le personnel sur les résultats obtenus et les actions correctrices
mises en œuvre. La valorisation de toute l’énergie déployée...
Les écueils
:
Le développement
d’une telle stratégie ne peut être calquée d’un hôpital
à un autre. Chaque structure a ses particularités et doit
s’approprier le concept en l’adaptant à ses spécificités
et à ses contraintes. Les difficultés de mise en œuvre ne doivent
pas être sous évaluées, si l’étape limitante est
l’engagement fort de la direction, il reste souvent à régler
le problème plus délicat de l’indifférence de
certains médecins. Cette démarche n’est pas encore de pratique
courante. Il faut vaincre le poids de la routine, des habitudes et du scepticisme,
dépenser beaucoup d’énergie et de temps. Cependant dès
le processus d’amélioration continue de la qualité engagé,
les premiers résultats se font vite sentir. Cette politique profite
à tout le monde aussi bien aux malades bien sur, qu’aux soignants
par l’amélioration de la qualité de vie au travail, la reconnaissance
d’un professionnalisme et une meilleure collaboration interprofessionnelle.
|
Conclusions:
Le repas en institution implique et engage la responsabilité de
tous les acteurs de soin. Le principe du CLAN est de mobiliser, par
une démarche pluridisciplinaire, le corps médical et soignant,
afin d’améliorer la prise en charge nutritionnelle des personnes
fragilisées, il est aussi d’impliquer les administratifs pour obtenir
une adéquation entre les besoins des patients et les commandes alimentaires.
L'implication de tous et à tous les niveaux, la dynamique lancée,
l’effort de concertation, de formation, permettent d’améliorer la
prise en charge des patients hospitalisés, avant que n’en apparaissent
les redoutables complications. Ce programme transversal dont l’objectif
est la qualité du soin et de vie en milieu hospitalier commence
à donner ses fruits et s'inscrit dans une démarche d’assurance-qualité
qui devrait permettre d’être au rendez- vous de l’accréditation.
|
|