Mare Nostrum Corsica 

Quatrième année de hausse consécutive pour le trafic passagers du port de Bastia,
qui surpasse son niveau de 2019, tandis que le fret stagne

L'arrivée du Mega Victoria à Bastia, en juillet 2024, avec le Pascal Lota à quai ; photo : Romain Roussel.
L'arrivée du Mega Victoria à Bastia, en juillet 2024, avec le Pascal Lota à quai ; photo : Romain Roussel.



Le port de commerce de Bastia a été inauguré en 1877 et fortement réaménagé par la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Bastia et de la Haute-Corse entre les années 1980 et 2000 Bastia est le principal port de Corse, tant pour le trafic des marchandises que pour les flux de passagers :

Le port de Bastia a regagné 1 million de voyageurs depuis 2020, dont près de 100 000 en 2024, et son trafic passagers retrouve ses niveaux d'avant crise-COVID 





Sur la période récente post-crise de la COVID-19, en 2022, le contexte avait été plus favorable, un vent de reprise de 35,8% redonnant au port de Bastia des trafics plus conformes à ses niveaux habituels, avec 1,99 million de voyageurs selon la CCI de Corse. Ce sont les lignes italiennes, qui avaient le plus souffert pendant la crise du coronavirus, qui avaient enregistré les plus fortes reprises, avec une hausse spectaculaire de 72,9%, contre +10,8% pour les lignes nationales. Aussi, les lignes italiennes ont-elles repassé en 2022 la barre symbolique du million de voyageurs à Bastia, avec 1 022 000 passagers, et devancé de nouveau les lignes françaises, qui enregistraient 971 000 voyageurs. L'année 2023 avait confirmé cette tendance d'une évolution divergente des lignes italiennes et françaises au profit des premières et cette tendance s'est poursuivie encore en 2024. Sur Bastia, en effet, les lignes italiennes ont atteint un trafic de 1 207 000 passagers (+9,4%), contrastant de nouveau avec le recul des lignes françaises (923 000 voyageurs, soit -2,2%). Cela traduit notamment un réallongement de la saison sur les lignes italiennes, la programmation des compagnies ayant retrouvé son rythme de croisière, y compris en avant saison.

S'agissant du niveau de remplissage par navire, après la forte crise de 2020, le ratio de nombre de passagers par rotation se maintient depuis 2022 au-dessus des 500, avec 536 voyageurs en moyenne en 2024, soit l'équivalent de son record de 2008. De 2011 à 2018, on observait au global un mouvement pluriannuel de baisse du nombre de passagers par rotation effectuée, témoin d'une perte d'attractivité du vecteur maritime, concomittant à la réorientation d'une partie importante des subventions de la Collectivité de Corse du maritime vers le mode aérien, pourtant porteur de plus fortes nuisances sonores et environnementales (en termes de bilan carbone émis par passager transporté) et de séjours touristiques d'une moindre durée selon l'INSEE... Ce mouvement contrastait avec celui d'une hausse tendancielle du remplissage des navires et du nombre moyen de passagers transportés qui avait marqué les années 2000, du fait notamment d'une politique active de réduction des tarifs des passagers transportés par mer portée par la Collectivité de Corse (aide sociale bénéficiant alors à deux tiers des passagers au global et à l'ensemble des résidents corses) et du développement des lignes de Nice puis de Toulon par la Corsica Ferries, par la mise en service de ses Mega Express. Toutefois, depuis 2022, la reprise du nombre de voyageurs étant plus prononcée que celle du nombre de rotations, les coefficients de remplissage des ferries remontent. Cela traduit désormais la mise en service de navires de plus forte capacité en lieu et place de navires plus anciens de plus petite taille (le Mega Regina en particulier ayant remplacé le Sardinia Regina au sein de la flotte de la Corsica Ferries depuis l'été 2021, puis le Mega Victoria ayant remplacé le Corsica Victoria en 2023). Cela tarduit aussi et surtout une programmation des rotations des compagnies qui tend à devenir plus mesurée, en lien avec la contrainte environnementale qui se renforce (voir article thématique dédié) et qui devrait continuer de fortement s'accroître à l'avenir, conduisant à un certain rationnement du nombre de rotations (en particulier, la Corsica Ferries réduit tendanciellement chaque année son nombre de traversées, notamment de jour, depuis 2019 et la Moby prévoit en 2025 un fort raccourcissement de ses périodes de desserte et un fort allègement de sa programmation, même en plein été).



S'il veut rester leader incontesté en Corse, le port de Bastia devra à l'avenir être plus allant quant à l'évolution de ses infrastructures et mieux adapter ses quais à l'accueil des navires de plus grande taille qui sont de plus en plus nombreux et deviennent incontournables. La capacité du port à accueillir les cargos mixtes A Nepita et A Galeotta de Corsica Linea, qui mesurent respectivement 203 et 206 mètres de long, constituent des gageures, sachant que Bastia n'accueille le Mega Express Three de la Corsica Ferries
, à peine plus long (212 mètres), que bien plus ponctuellement, essentiellement hors saison. Alors que le projet de réalisation éventuelle d'un nouveau port de Bastia plus au sud, à la Carbonite, se heurte à des obstacles divers (d'ordre environnementaux et financiers notamment, au vu du coût très élevé d'une telle structure et des risques que cela représenterait pour la préservation d'espèces marines protégées et de la plage de l'Arinella), le comblement partiel du quai nord est n'apparaît comme une première réponse insuffisante à la pénurie d'espaces de stockage des remorques de fret et non au nécessaire accueil d'un nombre croissant de navires de 180 mètres ou plus (voir articles sur les perspectives 2025 et la controverse sur le port de la Carbonite et ses alternatives possibles, qu'il s'agisse d'une digue semi-flottante sur le site actuel ou d'une version revue du projet de nouveau port au sud de Bastia, nommée Portu Novu). De fait, les accidents de navire dans le port - jusqu'ici heureusement sans trop de gravité - ont eu tendance à se multiplié ces dernières années, le dernier en date, celui du Paglia Orba de la Corsica Linea, intervenu fin janvier 2021, ayant entraîné une immobilisation du navire de plusieurs mois...


Bastia représente en 2024 un trafic passagers supérieur de plus de 278 000 à celui des autres ports Corses cumulés
Les Moby Orli et Pascal Paoli à quai à Bastia, en août 2024 ; photo : Romain Roussel.
Les Moby Orli et Pascal Paoli à quai à Bastia, en août 2024 ; photo : Romain Roussel.




Globalement, avec près de 4,0 millions de passagers en 2024, les ports de Corses voient au global leur trafic légèrement progresser en 2024 (+3,6%) après la relative stabilisation observée en 2023 (+0,5%) qui avait suivi les forts rebonds post-COVID enregistrés en 2022 (+26,6%) et en 2021 (+31,8%), selon la CCI de Corse. Cela efface la baisse colossale de 41,7% enregistré en 2020, selon les données de la CCI de Corse, le trafic passagers des lignes maritimes de Corse étant redevenu au global, en 2024, un peu supérieur à celui de 2019. Depuis 2022, la reprise est plus forte à Bastia qu'ailleurs en moyenne. En effet, la majorité des autres ports insulaires dépend moins du trafic avec l'Italie, à l'exception notable de Bonifacio. Les parts de marché des différents ports insulaires ne se déforment qu'assez lentement sur longue période. Au total, avec 53,5% du total, le port de Bastia a draîné en 2024 un peu plus de la moitié des passagers maritimes des lignes de Corse et regagne 0,3 point de parts de marché, après les 4,8 points de parts de marché déjà regagnés depuis 2022, à la faveur de la forte reprise des lignes italiennes. Ajaccio arrive deuxième loin derrière avec 22,9% et a vu ses positions légèrement se redresser (+0,8 point de parts de marché) après les pertes déjà relevées en 2023 (-2,0 points), 2022 (-2,4 points) et 2021 (-1,5 point). Le trafic et les parts de marché du port d'Ile Rousse sont en revanche assez stables en 2023 (10,1% de parts de marché), à la faveur d'une stabilisation de son trafic annuel qui se maintient, de peu, au-dessus des 400 000 voyageurs. Porto Vecchio(4,6% de parts de marché contre 5,0% en 2023 et, surtout, 7,7% en 2022) marque le pas tandis que Propriano (2,6% de parts de marché en 2024) et Bonifacio (6,2%) stagnent à des niveaux assez bas. En particulier, la desserte Bonifacio-Sardaigne souffre du manque de fiabilité des navires qui y sont affectés, la Moby ayant dû à plusieurs reprises interrompre totalement son trafic et pour des périodes assez longues, pouvant durer parfois plusieurs mois, y compris en été.



A Bastia, les lignes italiennes confirment chaque année leur dynamisme depuis 2022
et Livorno a repris depuis lors 
la première place à Toulon

L'arrivée du Mega Express et le Mega Express Five à Bastia, en juillet 2024 ; photo : Romain Roussel.

Fait notable, en 2019, les lignes maritimes italiennes, en progression de 1,9%, étaient revenues à la hauteur des françaises, alors en recul de 6,8%, sur le port de Bastia, avec chacune environ 1 058 000 passagers, selon la CCI de Bastia. Alors que les lignes italiennes avaient de nouveau supplanté les lignes françaises sur le port de Bastia en 2008 puis en 2009 (ce qui n'était plus arrivé depuis 20031) à la faveur de la toujours plus grande concentration des dessertes italiennes sur l'escale bastiaise et des efforts tarifaires des compagnies Corsica Ferries et Moby Lines pour stimuler la demande, les lignes françaises avaient repris le dessus depuis 2010 sans discontinuer. Mais la suppression de la ligne de Nice par la Moby à compter de janvier 2019, la réduction du nombre d'escales de la Corsica Ferries sur ce même port (au profit d'une concentration des rotations sur Toulon, plutôt redéployées vers Porto Vecchio) et la fin des car-ferries de Corsica Linea sur Marseille en saison ainsi que la développement continu du bord à bord aérien ont pesé significativement sur les trafics du port de Bastia avec le continent français.

En 2020, la crise du coronavirus a fortement rebattu les cartes, signant une chute des lignes françaises et un effondrement encore plus massif des lignes italiennes. En dépit d'un léger mieux en 2021, les lignes italiennes ne représentaient plus à Bastia qu'environ les deux tiers des lignes françaises en termes de trafics passagers, avec respectivement 591 000 et 876 000 voyageurs. En 2022, les lignes italiennes, du fait de leur spectaculaire rebond, devancent de nouveau les françaises de plus de 51 000 passagers sur Bastia et cet écart s'est encore accru en 2023 et en 2024 avec une avance désormais de plus de 300 000 passagers ! 






Résultant de ces évolutions, en 2024, les liaisons du port de Bastia sont toujours concentrées sur si
x destinations principales. Comme le montrent les statistiques de la CCI de Corse, avec 23,9% de parts de marché en 2024, le port de Toulon est de nouveau nettement devancé par celui de Livorno (29,5%), avec respectivement 514 000 et 635 000 voyageurs. Si c'était déjà le cas, dans une moindre mesure depuis 2022, cela n'était plus arrivé depuis 2018 (voir graphique ci-dessous). Savona, après avoir déjà retrouvé des couleurs depuis 2022, enregistre en 2024 encore la plus forte hausse sur Bastia, avec +25,3% et 357 000 voyageurs et atteint un niveau de 16,6 points de parts de marché, à la faveur d'une programmation plus nourrie et assurée en saison par des navires de la Corsica Ferries de plus grosse capacité qu'auparavant (de type Mega Express). Savona devance Marseille (12,6 points, en recule de 0,8% avec près de 272 000 passagers), Genova 
(8,1 points, en hausse de 1,9% avec 174 000 passagers) et Nice (6,4 points, en hausse de 7,5%, à 138 000 passagers), toujours d'après les données de la CCI de Corse. Les autres ports desservis sont nettement distancés, comme Piombino et Portoferraïo sur l'île d'Elbe, qui ne sera plus desservie en 2025 depuis la Corse et atteignent au total 2,8 points de parts de marché. On note toutefois un développement récent des destinations des mini-croisières de la Corsica Ferries à l'occasion de ponts (Napoli, Civitavecchia, La Spezia, Palermo...), qui s'effectuent principalement au départ du port de Bastia.





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Notes :

[1] De 1986 à 2003 inclus, proximité géographique oblige, le trafic du port de Bastia avec l'Italie avaitpour la première fois supplanté celui avec le continent français ; il avait même représenté certaines années les deux-tiers du trafic total (jusqu'en 1995). Il faut dire que le trafic avec l'Italie est désormais quasi-exclusivement concentré sur le port de Bastia (si l'on excepte les rotations Corse-Sardaigne, assurées principalement depuis Bonifacio, et les liaisons saisonnières vers l'Ile Rousse et Porto Vecchio de la Corsica Ferries) tandis que le trafic Corse-continent français, réparti sur cinq ports (Bastia et Ajaccio, mais aussi Ile Rousse, Propriano et Porto-Vecchio), ne l'est qu'à environ 38% en 2024. Rappelons également qu'en 2002, on dénombrait encore quatre compagnies opérant vers l'Italie au départ de Bastia - soit deux de plus qu'aujourd'hui - avant le retrait de la filiale Corsica Marittima de la SNCM et le dépôt de bilan de la Happy Lines qui desservait la ligne Bastia-La Spezia...


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