Mare Nostrum Corsica 

Les nouveaux droits des passagers maritimes au départ des ports de l'Union européenne à compter de fin 2012 

Bien que touché par la crise, le Pirée demeure l'un des ports les plus actifs d'Europe, avec ici les Nissos Chios (Hellenic Seaways), Blue Star Paros & Superferry II (Blue Star Ferries), Knossos Palace (Minoan Lines) et Highspeed 6 (Vodafone) en février 2011.
Le nouveau règlement européen a un champ d'action très large : il couvre aussi bien les lignes maritimes intérieures de chaque Etat membre que les lignes internationales
de ferries ou de croisière au départ d'au moins un port de l'Union. Ici, au Pirée (port d'Athènes), l'un des tous premiers ports de Méditerranée.

 

Un renforcement manifeste des droits des passagers maritimes 

Le texte du règlement européen a été adopté le 6 juillet 2010 par le Parlement européen et entrera en vigueur le 18 décembre 2012. Il porte sur "les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure" et vise à leur apporter de nouvelles garanties, à l'instar des droits que possèdent déjà les passagers empruntant les autres modes de transport au sein de l'Union Européenne. Il s'inscrit plus particulièrement dans un souci de protection des consommateurs.

L'accent a été mis sur le renforcement des droits des voyageurs à mobilité réduite ou présentant un handicap. Selon le texte, une compagnie ne pourra plus refuser l'embarquement à un passager à titre d'un handicap ni lui facturer de supplément tarifaire. En avertissant la compagnie au moins 48 heures avant l'embarquement, un passager à mobilité réduite aura droit également à une assistance gratuite dans les ports.

Le champ visé par ce texte est très large puisque ces nouvelles règles s'appliqueront à tous bateaux transportant plus de 12 personnes, à de rares exceptions près, telles que les excursions et les visites touristiques. En particulier, outre les lignes intérieures, "la protection des passagers devrait s'étendre […] aussi aux services de transport de passagers entre [des ports situés sur le territoire des États membres] et des ports situés hors du territoire des États membres, compte tenu des risques de distorsion de concurrence sur le marché du transport de passagers". Dès lors, sont concernées aussi bien les lignes maritimes de Corse vers les continents Français et Italien que les lignes maritimes de ferries ou de croisière entre la France (et les autres pays de l'Union) et les pays du Maghreb, par exemple.

Ce règlement constitue aussi une avancée considérable pour les droits des passagers maritimes car il institue des garanties substantielles en cas de retards des navires ainsi que des droits étendus à l'information et de nouvelles facilités de dépôt de plaintes en cas de litiges. Les transporteurs devront, en cas d'annulation ou de retard d'un service de transport de passagers, prévoir le versement aux passagers d'une indemnisation équivalant à un pourcentage du prix du billet, sauf si l'annulation ou le retard intervient en raison de conditions météorologiques1 compromettant l'exploitation du navire en toute sécurité ou dans des circonstances extraordinaires2   "qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises".

Ainsi, en cas d'annulation de voyages ou de retard au départ supérieurs à 90 minutes causés par les compagnies maritimes, les passagers auront le droit d'être réacheminés vers leur point de départ ou de se faire rembourser le prix du billet, sous 7 jours. Des collations, des repas ou des rafraîchissements devront également être offerts aux passagers "en suffisance compte tenu du délai d'attente, à condition que ceux-ci soient disponibles ou qu'ils puissent raisonnablement être livrés". Si, à cause d'un retard au départ ou d'une annulation de traversée imputable à la compagnie maritime, le passager est forcé de passer une ou plusieurs nuits à l'hôtel, ces nuitées devront être remboursées également par son transporteur. Pour chaque passager, la compagnie "peut limiter à un montant de 80 euros par nuit, pour un maximum de trois nuits, le coût total de l'hébergement à terre, non compris le transport dans les deux sens entre le terminal portuaire et le lieu d'hébergement."

De plus, une grille d'indemnisation a été adoptée en cas de retard à l'arrivée, qui oblige les compagnies maritimes à verser jusqu'à 25% ou 50% du prix du billet aux passagers sous certaines conditions, précisées dans le tableau ci-dessous : plus la traversée était initialement prévue pour être brève, plus le taux de remboursement se déclenche rapidement.

Indemnisations des passagers maritimes prévues en cas de retard à l'arrivée (en % du prix du billet), en fonction de la durée théorique du trajet...
Traversée initialement prévue pour durer...
Retard...  ...4 heures ou moins 4 à 8 heures 8 à 24 heures Plus de 24 heures
 ... d'au moins 1 heure 25% 0% 0% 0%
 ... d'au moins 2 heures 50% 25%
 ... d'au moins 3 heures 25%
 ... d'au moins 4 heures 50%
 ... d'au moins 6 heures 50% 25%
... d'au moins 12 heures 50%
Lecture : pour une traversée prévue à l'origine pour durer 4 heures ou moins, une indemnisation égale à 25% du prix du billet payé devra être accordée en cas de retard à l'arrivée d'au moins 1 heure ; cette indemnisation sera portée à 50% du prix du billet pour des retards à l'arrivée d'au moins 2 heures.
Source : règlement européen du 6 juillet 2010 relatif aux droits des passagers maritimes ; présentation : Mare Nostrum Corsica.

L'indemnisation en cas de retard à l'arrivée devra être payée dans le mois suivant le dépôt de la demande ; elle pourra être versée en espèces si le passager le demande (ou sinon, éventuellement en bons de voyages ou de services auprès de la compagnie maritime, à condition que les conditions soient flexibles, notamment en ce qui concerne la période de validité et la destination).

À noter que :
-
l'indemnisation est calculée par rapport au prix que le passager a réellement payé pour le service de transport de passagers ayant subi un retard (et non par rapport au prix standard de cette traversée, hors toute rédcution éventuelle) ;
- lorsque le transport porte sur un trajet aller-retour, l'indemnisation en cas de retard à l'arrivée, à l'aller ou au retour, est calculée par rapport à la moitié du prix payé pour le transport effectué au moyen du service de transport de passagers. La référence n'est donc pas le prix du seul voyage ayant subi le retard mais le prix moyen acquitté.


Quelle incidence sur les transports maritimes de la Corse ? 

Opérations portuaires à Nice en juillet 2011 : embarquement du Mega Smeralda et accostage du Corse.
En été, lorsque les navires effectuent des rotations très tendues,
la pression sur les compagnies pour assurer le respect des horaires est particulièrement forte.


Comme précisé plus haut, les lignes maritimes de Corse sont toutes pleinement concernées par cette avancée des droits des passagers, il s'agit donc a priori d'une bonne nouvelle pour eux. Il faut donc espérer que les compagnies maritimes puissent facilement construire des horaires de traversées suffisamment "robustes" de manière à éviter les retards, à défaut, un tel barème conduira immanquablement à une hausse du prix moyen des billets (car ceux-ci devront inclure une "provision pour risque de remboursement"), ce qui est loin d'être l'objectif initial recherché par le Parlement européen.

Quelques points de difficulté potentielles peuvent d'ores et déjà être notés au vu des règles d'indemnisation retenues en cas de retards :

- globalement, si le règlement visait initialement à aligner les droits des passagers maritimes au niveau de ceux des passagers aériens, il semble qu'il soit en fait plutôt allé au-delà.  En effet, l'obligation de prise en charge des nuits d'hôtel faite aux compagnies maritimes en cas de retard au départ semble plus large que celle faite aux transporteurs aériens pour lesquelles elle est cantonnée soit à des retards plus importants (plus de deux heures sur les vols de moins de 1500 km ou ceux donnant lieu à une arrivée le lendemain du jour prévu), soit à des annulations totales. De même, les indemnisations qui concernent les retards à l'arrivée se déclenchent dès une heure de retard pour les traversées maritimes les plus courtes alors que les remboursements forfaitaires de 250 euros des transporteurs aériens ne sont dus qu'en cas de retard d'au moins cinq heures
par exemple pour les vols de moins de 1500 km comme Paris, Marseille ou Nice-Corse. Il faut donc espérer que le nouveau réglement ne contribue pas à déstabiliser les compagnies maritimes par rapport aux compagnies aériennes opérant sur les mêmes marchés alors que ces premières sont déjà, pour la plupart, déficitaires en Europe ;

- le barème apparaît comparativement plus sévère pour les traversées maritimes courtes que pour les plus longues. Ainsi, l'indemnisation de 25% du prix du billet en cas de retard à l'arrivée se déclenche dès la première heure de retard sur une ligne courte comme Bastia-Livorno alors qu'est admis sans pénalité pour les compagnies un retard allant jusqu'à 3 heures sur la plupart des traversées entre Marseille et la Corse et jusqu'à 6 heures sur les lignes les plus longues (Marseille-Oran par exemple, qui dure généralement 24 heures ou plus). Cela revient à considérer qu'il est plus pénalisant d'avoir un certain retard lorsque le voyage est court - ce qui peut éventuellement se discuter - mais surtout, cela ne tient pas compte du fait qu'il est toujours bien plus difficile pour les navires de rattraper leur retard sur les lignes les plus courtes. Reste donc à espérer que cela ne pénalisera pas trop fortement les compagnies qui opèrent sur les routes les moins longues (d'Italie vers l'Ile d'Elbe ou vers la Corse par exemple) ;

- le règlement européen inclut les conflits sociaux dans les circonstances exceptionnelles ne donnant pas lieu à indemnisation. S'il est louable
qu'un règlement sur la protection des droits des passagers ne porte pas atteinte, même indirectement, au droit de grève, force est de constater qu'en cas de conflit social les passagers pourraient ne pas bénéficier du même niveau de couverture en cas de retard ou d'annulation de leur traversée. En effet, ceux-ci devraient a priori s'en remettre aux politiques d'indemnisation propres à chaque compagnie, susceptibles de ne pas proposer des solutions de remplacement ou de remboursement aussi avantageuses.

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Notes :

1 Le règlement du 6 juillet 2010 précise que "les transporteurs devraient, conformément aux principes communément admis, avoir la charge de prouver que l'annulation ou le retard sont dus auxdites conditions météorologiques ou circonstances extraordinaires. Les conditions météorologiques compromettant l'exploitation du navire en toute sécurité devraient inclure, sans s'y limiter, des vents de forte puissance, une mer agitée, des courants de forte intensité, des conditions de gel difficiles et un niveau des eaux extrêmement haut ou bas, les ouragans, tornades et inondations".

2 D'après le règlement, "les circonstances extraordinaires devraient inclure, sans s'y limiter, les catastrophes naturelles telles que les incendies et les tremblements de terre, les attentats terroristes, les guerres et les conflits armés militaires ou civils, les insurrections, les confiscations militaires ou illégales, les conflits sociaux, le débarquement de personnes malades, blessées ou décédées, les opérations de recherche et de sauvetage en mer ou sur les voies de navigation intérieure, les mesures nécessaires pour la protection de l'environnement, les décisions prises par les organismes de gestion du trafic ou par les autorités portuaires ou encore les décisions arrêtées par les autorités compétentes en matière d'ordre public et de sécurité publique, ainsi que pour répondre à des besoins de transports urgents".


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