Mare Nostrum Corsica
Les nouveaux droits des passagers maritimes au départ des ports de l'Union européenne à compter de fin 2012
Le nouveau règlement européen a un champ d'action très large : il couvre aussi bien les lignes maritimes intérieures de chaque Etat membre que les lignes internationales
de ferries ou de croisière au départ d'au moins un port
de l'Union. Ici, au Pirée (port d'Athènes), l'un des tous
premiers ports de Méditerranée.
Un renforcement manifeste des droits des passagers maritimes
Le texte du règlement européen a été adopté le 6 juillet 2010 par le Parlement européen
et entrera en vigueur le 18 décembre 2012. Il porte sur "les
droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation
intérieure" et vise à leur apporter de nouvelles
garanties, à l'instar des droits que possèdent
déjà les passagers empruntant les autres modes de
transport au sein de l'Union Européenne. Il s'inscrit plus particulièrement dans un souci de protection des consommateurs.
L'accent a été mis sur le renforcement des droits des
voyageurs à mobilité réduite ou présentant un handicap. Selon le texte,
une compagnie ne pourra plus refuser l'embarquement à un passager à
titre d'un handicap ni lui facturer de supplément tarifaire. En avertissant la compagnie au moins 48 heures
avant l'embarquement, un passager à mobilité réduite aura droit
également à une assistance gratuite dans les ports.
Le champ visé par ce texte est
très large puisque ces nouvelles règles
s'appliqueront à tous bateaux
transportant plus de 12 personnes, à de rares exceptions
près, telles que
les excursions et les visites touristiques. En particulier, outre les
lignes intérieures, "la protection des passagers devrait
s'étendre […]
aussi aux services de transport de passagers entre [des ports
situés
sur le territoire des États membres] et des ports situés
hors du
territoire des États membres, compte tenu des risques de
distorsion de
concurrence sur le marché du transport de passagers". Dès
lors, sont concernées aussi bien
les lignes maritimes de Corse vers les continents Français et
Italien que les lignes maritimes de ferries ou de croisière
entre la France (et les autres pays de l'Union) et les pays du Maghreb,
par exemple.
Ce règlement constitue aussi
une avancée considérable pour les droits des passagers
maritimes car il institue des garanties substantielles en cas de
retards des navires ainsi que des droits étendus à
l'information et de nouvelles facilités de dépôt de
plaintes en cas de litiges. Les transporteurs devront, en cas
d'annulation ou de retard d'un service de transport de passagers,
prévoir le versement aux passagers d'une indemnisation
équivalant à un pourcentage du prix du billet,
sauf si l'annulation ou le retard intervient en raison de
conditions météorologiques1 compromettant l'exploitation du navire en toute sécurité ou dans des
circonstances extraordinaires2
"qui n'auraient pas pu être évitées même si
toutes les mesures raisonnables avaient été prises".
Ainsi, en cas d'annulation de voyages ou de retard
au départ
supérieurs à 90 minutes causés par les compagnies
maritimes, les passagers auront le droit d'être
réacheminés vers leur point de départ ou de se
faire rembourser le prix du billet, sous 7 jours. Des collations,
des repas ou des rafraîchissements devront également
être offerts aux passagers "en suffisance compte tenu du
délai d'attente, à condition que ceux-ci soient
disponibles ou qu'ils puissent raisonnablement être
livrés". Si, à cause d'un retard au départ ou
d'une annulation de traversée imputable à la compagnie
maritime, le passager est forcé de
passer une ou plusieurs nuits à l'hôtel, ces
nuitées devront être remboursées également
par son transporteur. Pour chaque passager, la compagnie "peut limiter
à un montant de 80 euros par nuit, pour un maximum de trois
nuits, le coût total de l'hébergement à terre, non
compris le transport dans les deux sens entre le terminal portuaire et le lieu d'hébergement."
De plus, une grille d'indemnisation a
été adoptée en cas de retard à l'arrivée,
qui oblige les
compagnies maritimes à verser jusqu'à 25% ou 50% du
prix du billet aux passagers sous certaines conditions,
précisées dans le tableau ci-dessous
: plus la traversée était initialement prévue
pour être brève, plus le taux de remboursement se
déclenche rapidement.
Indemnisations des passagers maritimes prévues en cas de retard à l'arrivée (en % du prix du billet), en fonction de la durée théorique du trajet...
|
Traversée initialement prévue pour durer...
|
Retard... |
...4 heures ou moins |
4 à 8 heures |
8 à 24 heures |
Plus de 24 heures
|
... d'au moins 1 heure |
25% |
0% |
0% |
0% |
... d'au moins 2 heures |
50% |
25% |
... d'au moins 3 heures |
25% |
... d'au moins 4 heures |
50% |
... d'au moins 6 heures |
50% |
25% |
... d'au moins 12 heures |
50% |
|
Lecture : pour une traversée prévue à l'origine pour durer 4
heures ou moins, une indemnisation égale à 25% du prix du
billet payé devra être accordée en cas de retard
à l'arrivée d'au moins 1 heure ; cette indemnisation sera portée à 50% du prix du billet
pour des retards à l'arrivée d'au moins 2 heures.
Source : règlement européen du 6 juillet 2010 relatif aux droits des passagers maritimes ; présentation : Mare Nostrum Corsica.
L'indemnisation en
cas de retard à l'arrivée devra être payée
dans le mois suivant le dépôt de la demande ; elle pourra
être versée en
espèces si le passager le demande (ou sinon,
éventuellement en bons de voyages ou de services auprès
de la compagnie maritime, à
condition que les conditions soient flexibles, notamment en ce qui
concerne la période de validité et la destination).
À noter que :
- l'indemnisation est calculée par rapport au prix que le passager a réellement payé
pour le service de transport de passagers ayant subi un retard (et non
par rapport au prix standard de cette traversée, hors toute
rédcution éventuelle) ;
- lorsque le transport porte sur un trajet aller-retour, l'indemnisation en cas de retard à l'arrivée, à l'aller ou au retour, est calculée par rapport à la moitié
du prix payé pour le transport effectué au moyen du
service de transport de passagers. La référence n'est
donc pas le prix du seul voyage ayant subi le retard mais le prix moyen
acquitté.
Quelle incidence sur les transports maritimes de la Corse ?
En été, lorsque les navires effectuent des rotations très tendues, la pression sur les compagnies pour assurer le respect des horaires est particulièrement forte.
Comme précisé plus haut, les lignes maritimes de
Corse sont toutes pleinement concernées par cette avancée
des droits des passagers, il s'agit donc a priori
d'une bonne nouvelle pour eux. Il faut donc espérer que les
compagnies maritimes puissent facilement construire des horaires de
traversées suffisamment "robustes" de manière à
éviter les retards, à défaut, un tel barème
conduira immanquablement à une hausse du prix moyen des billets
(car ceux-ci devront inclure une "provision pour risque de
remboursement"), ce qui est loin d'être l'objectif initial recherché par le Parlement européen.
Quelques points de difficulté potentielles peuvent d'ores et
déjà être notés au vu des règles
d'indemnisation retenues en cas de retards :
- globalement, si le règlement
visait initialement à aligner les droits des passagers maritimes
au niveau de ceux des passagers aériens, il semble qu'il soit en
fait plutôt allé au-delà. En effet,
l'obligation de prise en charge des nuits d'hôtel faite aux
compagnies maritimes en cas de retard au départ semble plus
large que celle faite aux transporteurs aériens pour lesquelles
elle est cantonnée soit à des retards plus importants
(plus de deux heures sur les vols de moins de 1500 km ou ceux
donnant lieu à une arrivée le lendemain du jour
prévu), soit à des annulations totales. De
même, les indemnisations qui concernent les retards à
l'arrivée se déclenchent dès une heure de retard
pour les traversées maritimes les plus courtes alors que les
remboursements forfaitaires de 250 euros des transporteurs
aériens ne sont dus qu'en cas de retard d'au moins cinq heures par exemple pour les vols de moins de 1500 km comme Paris, Marseille ou Nice-Corse. Il
faut donc espérer que le
nouveau réglement ne contribue pas à déstabiliser les compagnies
maritimes par rapport aux compagnies aériennes opérant
sur les mêmes marchés alors que ces premières
sont déjà, pour la plupart, déficitaires en Europe
;
- le barème apparaît
comparativement plus sévère pour les traversées
maritimes courtes que pour les plus longues.
Ainsi,
l'indemnisation de 25% du prix du billet en cas de retard à
l'arrivée se déclenche dès la première
heure de retard sur une ligne courte comme Bastia-Livorno alors
qu'est admis sans pénalité pour les compagnies un retard
allant jusqu'à 3 heures sur la plupart des traversées
entre Marseille et la Corse et jusqu'à 6 heures sur les lignes
les plus longues (Marseille-Oran par exemple, qui dure
généralement 24 heures ou plus). Cela revient à
considérer qu'il est plus pénalisant d'avoir un certain
retard lorsque le voyage est court - ce qui peut
éventuellement se discuter - mais surtout, cela ne tient pas
compte du fait qu'il est toujours bien plus difficile pour les navires
de rattraper leur retard sur les lignes les plus courtes. Reste donc
à espérer que cela ne pénalisera pas trop
fortement les compagnies qui opèrent sur les routes les moins
longues (d'Italie vers l'Ile d'Elbe ou vers la Corse par exemple) ;
- le règlement européen
inclut les conflits sociaux dans les circonstances exceptionnelles ne
donnant pas lieu à indemnisation. S'il est louable qu'un règlement sur la protection des droits des passagers ne porte pas atteinte, même indirectement, au droit de grève,
force est de constater qu'en cas de conflit social les
passagers pourraient ne pas bénéficier du même
niveau de couverture en cas de retard ou d'annulation de leur
traversée. En effet, ceux-ci devraient a priori s'en
remettre aux politiques d'indemnisation propres à chaque
compagnie, susceptibles de ne pas proposer des solutions de
remplacement ou de remboursement aussi avantageuses.
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Notes :
1 Le règlement du 6 juillet 2010 précise que "les transporteurs devraient,
conformément aux principes communément admis, avoir la
charge de prouver que l'annulation ou le retard sont dus auxdites
conditions météorologiques ou circonstances
extraordinaires. Les conditions météorologiques
compromettant l'exploitation du navire en toute sécurité
devraient inclure, sans s'y limiter, des vents de forte puissance, une
mer agitée, des courants de forte intensité, des
conditions de gel difficiles et un niveau des eaux extrêmement
haut ou bas, les ouragans, tornades et inondations".
2 D'après le règlement, "les circonstances
extraordinaires devraient inclure, sans s'y limiter, les catastrophes
naturelles telles que les incendies et les tremblements de terre, les
attentats terroristes, les guerres et les conflits armés
militaires ou civils, les insurrections, les confiscations militaires
ou illégales, les conflits sociaux, le débarquement de
personnes malades, blessées ou décédées,
les opérations de recherche et de sauvetage en mer ou sur les
voies de navigation intérieure, les mesures nécessaires
pour la protection de l'environnement, les décisions prises par
les organismes de gestion du trafic ou par les autorités
portuaires ou encore les décisions arrêtées par les
autorités compétentes en matière d'ordre public et
de sécurité publique, ainsi que pour répondre
à des besoins de transports urgents".
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