Mare Nostrum Corsica 
- Les nouveautés 2021 sur les lignes de Corse -

Une saison 2021 plus imprévisible que jamais pour les compagnies maritimes du fait d'un contexte sanitaire toujours très incertain, mais quelques éclaircies à l'horizon ?
Bastia, février 2020 ; photo : Romain Roussel
De gauche à droite, les Paglia Orba de la Corsica Linea et Mega Express Two de la Corsica Ferries au large de la jetée du port de Bastia, en février 2020 ; photo : Romain Roussel.



Les trafics maritimes ont chuté de manière vertigineuse en 2020 sur les lignes de Corse du fait de la crise de la COVID

Bastia, premier port de Corse, a perdu
46% de ses trafics passagers, soit près d'un million de voyageurs par rapport à 2019 (voir bilan détaillé)...



Avant même le déclenchement de la pandémie de coronavirus qui a touché l'Europe à partir de février 2020, le contexte était déjà assez morose pour les compagnies maritimes. Celles-ci faisaient face dès le début 2020 au renchérissement des coûts de transport lié à l'entrée en vigueur de nouvelles normes environnementales. Déjà en difficulté financière, la Moby a échappé de peu courant octobre 2019 à une procédure de mise en faillite demandée par certains de ses créanciers et s'est placée depuis sous la protection du tribunal de commerce de Milan, pour renégocier ses dettes avec ses créanciers ; de nouvelles cessions de navires sont attendues. La Méridionale a quant à elle perdu au profit de Corsica Linea les principales lignes de Corse dont elle était jusqu'ici délégataire (voir article thématique) et, du fait de cette décision de la Collectivité de Corse (CdC), a été contrainte de se retirer des lignes Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio à compter d'octobre 2019 ! Pour autant, elle a pu compter pour la saison 2020 avec la concession des lignes Marseille-Porto Vecchio et Marseille-Proprianoqui, bien que remportées dans des conditions contestées, lui a permis d'être encore présente sous un format réduit, sur les lignes de Corse. Une réduction notable de l'offre de transport ayant déjà été entreprise par les compagnies maritimes en 2019, on pouvait donc espérer au global une relative stabilisation de leurs trafics sur la Corse en 2020, d'autant que les trafics constatés lors de deux premiers mois de l'année par l'ORTC témoignaient d'une hausse encourageante.

Las, la pandémie de coronavirus est venue briser cet espoir, en paralysant quasi-totalement les transports maritimes du début du confinement, intervenu courant février en Italie et mi-mars en France, à mi-mai. Sur cette période, on a assisté à un recul historique des flux passagers transportés par mer, réduits aux seules personnes spécifiquement autorisées à voyager pour raison de force majeure... Dès lors, on a assisté à une baisse des flux transportés par mer de 90 à 98% pour les passagers et de 30% à 40% pour le fret sur les lignes de Corse pendant cette période de confinement selon les compagnies... Seuls naviguaient quelques navires spécialement armés pour le fret à un rythme un peu ralenti sur les ports principaux de l'île (Corsica Linea) ou sur celui de Porto Vecchio (La Méridionale) et des navires à capacité passagers très fortement réduite (limitée réglementairement à 100, à comparer à leur capacité théorique de 1 800 à 2 000) de la Corsica Ferries entre Ajaccio, Bastia, Toulon et Livorno, à une cadence extrèmement réduite, nettement inférieure à celle habituellement constatée au plus creux de l'hiver !

Depuis le début du déconfinement, par étapes, la reprise qui s'est dessinée a été extrêmement timide et la saison 2020 en Corse n'a plus rien eu à voir avec celle escomptée initialement, ce qui a pesé fortement sur les socioprofessionnels du tourisme et les transporteurs. Les compagnies ont multiplié les nouvelles précautions sanitaires prises lors des traversées (capacités réduites, respect des gestes barrière, mise à disposition de gel hydroalcoolique, désinfection renforcée, médecin ou care manager à bord...) mais la reprise a été si mince que les trafics de début juin 2020 - en théorie, le troisième ou quatrième plus important trafic mensuel de l'année pour les transports maritimes de la Corse - n'ont pas atteint ceux d'un mois de plein hiver habituel ! Ainsi, la Moby Lines, traditionnellement présente d'avril à début octobre sur les lignes Italie-Corse, n'a repris ses rotations que mi-juin et son programme estival d'escales a été plus que divisé par deux par rapport à celui de 2019, avec une présence extrêmement réduite en juillet ; la Corsica Ferries n'a atteint un rythme quotidien entre l'Italie et la Corse que fin juin 2020 et son programme estival a fait l'objet d'ajustements constants en fonction de la demande. En comparaison, les lignes de service public entre Marseille et la Corse de Corsica Linea et La Méridionale ont été moins affectées ; ce sont aussi les seules qui continuent de bénéficier d'un soutien financier par des subventions.

Au final, selon des statistiques de l'Observatoire régional des transports de la Corse, les trafics maritimes de l'île ont diminué de 72% en juin et de 32% en juillet. En août, la baisse a été un peu moins prononcée : sur le port de Bastia, elle atteint ce mois-là 28%.
L'automne n'a pas été meilleur, loin s'en faut, les nouvelles mesures sanitaires (test COVID négatif à présenter en Italie pour les passagers en provenance de Corse, puis tests négatifs à présentre en Corse pour l'ensemble des voyageurs entrant dans l'île, quelle que soit leur provenance) faisant chuter les trafics. En cumulé sur l'année 2020, le premier port de l'île a perdu près de 1 million de passagers, avec seulement 1,14 million de passagers transportés.  

Pour 2021, l'incertitude est à son comble, les programmes étant de nouveau susceptibles d'ajustements - dans un sens ou dans l'autre - en cas de modifications des consignes sanitaires. Des interrogations planent de surcroît sur la continuité d'activité de la Moby (qui a perdu plus de la moitié de son trafic passagers sur la Corse en 2020), à la suite de la réorganisation de la desserte maritime de service public de la Sardaigne. La Méridionale apparaît aussi très fragilisée depuis que l'Assemblée de Corse lui a retiré les lignes Marseille-Bastia et Ajaccio à l'automne 2019 pour en confier le monopole à Corsica Linea, et la direction de la compagnie aux bateaux bleus expérimente depuis d'autres pistes de développement hors de l'île (ligne Marseille-Tanger, au Maroc) et a renégocié ses accords sociaux avec les syndicats. Si les incertitudes quant au devenir de la délégation de service public Marseille-Corse, qui apparaît en bout de course à la suite de l'infructuosité de l'appel d'offres lancé pour la période 2021-2027, ont finalement été levées pour les années 2021 et 2022, l'horizon de création d'une compagnie maritime publique régionale, annoncée depuis plusieurs années, s'éloigne. Aussi, comme le soulignent notamment la Commission européenne et de nombreux observateurs du dossier, le système de continuité territoriale de la Corse gagnerait à être profondément revu pour permettre de relancer l'économie de l'île à un coût soutenable pour la collectivité, mais l'Assemblée de Corse a pour le moment préféré jouer la carte de la continuité par rapport au système existant, en attribuant des DSP suivant les mêmes schémas que précédemment à la Corsica Linea et, secondairement, à La Méridionale jusqu'à la fin 2022. Une nouvelle positive est toutefois intervenue en mai 2021 avec l'annonce surprise par la Corsica Ferries de l'acquisition d'un nouveau navire, le Mariella, de la célèbre compagnie finlandaise Viking Line. Rebaptisé Mega Regina, il entrera en service pour la saison 2021 sur des lignes à préciser et devrait être le seul nouveau ferry des lignes de Corse l'été prochain...


Les côtes de Corse vues de la mer, en juillet 2019 ; photo : Romain Roussel
Les côtes du Cap Corse telles qu'elles se présentent lors d'une arrivée en bateau depuis la mer ; au tiers gauche de l'image, l'île de la Giraglia et son phare (photo Romain Roussel, prise en juillet 2019).






La Corsica Ferries se dote d'un nouveau navire en 2021, le Mega Regina, pour poursuivre sa transition écologique
Nice, octobre 2019 ; photo : Romain Roussel
À la Corsica Ferries, la programmation préliminaire des traversées pour la saison 2021 s'inscrit dans la continuité de celle de 2020 mais pourra être revue dans les prochains mois en fonction de l'évolution de la demande.
Ici, le Pascal Lota de la Corsica Ferries, à son arrivée à
Nice en octobre 2019 (photo : Romain Roussel).

La Corsica Ferries a ouvert à la vente mi-octobre 2020 un pré-programme de ses traversées pour la période allant jusqu'à l'été 2021. Il s'agit d'une programmation préliminaire dans laquelle les navires effectuant les traversées ne sont pas nommés explicitement mais par leur caractéristique principale - Mega Express ou Cruise Ferry (ce dernier terme désignant les ferries classiques de la compagnie, tandis que le premier recouvre aussi en sus les jumeaux Mega Andrea et Mega Smeralda et, vraisemblablement aussi, son nouveau Mega). Cette programmation "anonyme" permettra à la compagnie aux bateaux jaunes d'ajuster sa programmation finale en fonction de la demande, en affectant sur les lignes les plus prisées ses navires de plus grande capacité. Elle la conduit aussi à afficher des temps de traversée allongés (calés sur les vitesses des navires les moins rapides), qui pourront être raccourcis une fois que les navires dévolus à ces dessertes auront effectivement été désignés par la compagnie. La programmation en vente sur la Corse, mais aussi sur la Sardaigne et sur les Baléares (Majorque et Minorque), a déjà été complétée courant novembre de traversées vers la Sicile en Mega Express à partir de l'été 2021 : la Corsica Ferries envisage de relancer ainsi la liaison bi-hebdomadaire Toulon-Trapani qui avait été suspendue en 2020 du fait des incertitudes liées au contexte épidémique. La programmation de la compagnie pourra de nouveau être ajustée dans un sens ou dans l'autre en fonction des conditions sanitaires et économiques induites par la crise du COVID-19, comme cela avait déjà été le cas à l'été 2020. La pré-programmation est toutefois rassurante car elle mobilise sur ces îles les 13 ferries de la compagnie et le NGV affecté principalement à l'île d'Elbe, preuve que la Corsica Ferries table à ce stade pour la saison 2021 sur une reprise des trafics passagers qui ont fortement subi les effets de la crise en 2020. Des traversées supplémentaires pourraient même être programmés au fil de l'eau pour face face à la demande et, cette année non plus, personne ne restera à quai faute de bateau ! En outre, depuis quelques années, la compagnie préfère faire naviguer ses navires sur plusieurs lignes au cours de l'année plutôt que de les spécialiser dans une seule : nombre de ses clients, principalement des lignes de Corse, devraient donc pouvoir emprunter l'un ou l'autre de ses ferries la saison prochaine sur leur parcours habituel à une date ou à une autre... 

Si les horaires de départ et d'arrivée seront nécessairement réajustés une fois désignés les navires en services sur les différentes lignes, cela ne devrait se faire que dans le sens d'un raccourcissement de la durée des traversées. Toutes lignes confondues, les samedis de pointe d'août 2021, la Corsica Ferries pourrait ainsi assurer en 2021 encore au moins une douzaine de rotations dans chaque sens entre la Corse et le continent, ce qui reste de loin le réseau le plus dense sur la Corse, même si ce niveau est sensiblement inférieur au record absolu atteint en 2018 (jusqu'à 17). 

Sur les lignes françaises, les rotations sur Toulon sont toujours aussi denses en 2021 dans le réseau de la Corsica Ferries, avec jusqu'à trois allers-retours quotidiens Toulon-Ajaccio en été et jusqu'à deux allers-retours sur Toulon-Bastia. Au départ du port varois, la compagnie dessert aussi plusieurs fois par semaine en saison le port d'Ile Rousse et celui de Porto Vecchio. C'est aussi le hub varois qui a été choisi par la compagnie pour y développer des liaisons vers d'autres îles de la Méditerranée : vers la Sardaigne depuis 2016 (vers le port de Porto Torres), puis vers les ports des îles Baléares (Alcúdia, situé au nord est de Majorque, et Ciutadella, qui lui fait face sur l'île de Minorque) depuis 2018 et vers la Sicile en 2019 (cette dernière ligne, mise en sommeil en 2020 du fait de la crise du coronavirus, pourrait être relancée au printemps 2021). Les traversées de et vers Nice se concentrent quasi-exclusivement en 2021 sur le port de Bastia, même si le port d'Ile Rousse est également desservi aussi en haute saison, jusqu'à trois fois par semaine en périodes de pointe. Les lignes Italie-Corse ne sont pas oubliées, avec jusqu'à deux allers-retours quotidiens sur la ligne Livorno-Bastia et jusqu'à trois allers-retours quotidiens sur Savona-Bastia en Cruise Ferry dans le programme préliminaire de la compagnie pour la saison 2021. 

À noter, nouveauté 2021, que trois fois par semaine d'avril à octobre, la liaison de nuit de Savona à Bastia sera prolongée jusqu'à Golfo Aranci en Sardaigne, en sus des liaisons assurées vers ce port depuis Livorno. Si cela reste à ce stade une simple hypothèse, ces traversées pourraient peut-être être assurées en grande partie par le nouveau navire de la compagnie, le Mega Regina. En effet, les caractéristiques de ce navire (forte capacité passagers - près de 2 500, ce qui en fait le plus gros ferry de la compagnie aux bateaux jaunes - et surtout, un nombre impressionnant de cabines : environ 840, alors que le précédent record sur les lignes de Corse, toutes compagnies confondues avoisinait les 600) le rendent idéal pour ces traversées de nuit assez longues. Acquisition surprise auprès de la compagnie finlandaise renommée Viking Line annoncée en mai 2021, ce cruise-ferry devrait entrer en service dès la saison 2021 une fois mis aux couleurs jaunes de la compagnie et être ensuite réaménagé à l'hiver 2021-2022. Cette transformation interviendrait dans un chantier à préciser pour voir sa capacité véhicules augmentée de 430 à 600 par l'ajout de car-decks et, possiblement, d'une cale pour véhicules à la place des cabines situées en-dessous du pont garage, comme cela avait été le cas en leur temps pour les Mega Smeralda et Mega Andrea. Sur les lignes Italie-Sardaigne toujours, la capacité de transport se concentre toutefois toujours essentiellement sur Livorno-Golfo Aranci, ligne sur laquelle la Corsica Ferries assure jusqu'à trois allers-retours quotidiens avec des navires de type Mega Express de grande capacité pendant la saison 2021. Enfin, pour compléter le programme sur les lignes de Corse, deux liaisons hebdomadaires devraient être assurées entre Bastia, Portoferraïo (île d'Elbe) et Piombino, à l'aide du navire à grande vitesse Corsica Express Three pendant la haute saison 2021 (ces rotations n'avaient pu être assurées l'an dernier du fait de la pandémie). 



Le Mariella de la Viking Line, désormais Mega Regina de la Corsica Ferries, dans le détroit de Kustaanmiekka, près d'Helsinki (Finlande), en avril 2005. Photo : Antti Havukainen, disponible sur Wikimedia Commons.



En outre, la compagnie aux bateaux jaunes déploie progressivement depuis plusieurs années une nouvelle stratégie de développement durable. Cela se traduit déjà par des actions concrètes de plusieurs ordres : mesures concernant directement les navires (réduction du nombre de traversées, suppression totale de l'usage des matières plastiques à usage unique après celle des sacs plastiques déjà supprimés depuis plusieurs années...), partenariats accrus avec des organisations environnementales (notamment concernant le repérage des cétacés en Méditerranée lors de traversées, grâce notamment à la fondation CIMA) et engagements de forte réduction des émissions de matières polluantes. Ces engagements sont concrétisés notamment depuis l'été 2019 par l'adhésion de la Corsica Ferries à la charte SAILS. Cette charte a également signée simultanément par la plupart des armateurs français (La Méridionale, Corsica Linea, Brittany Ferries...) et par un seul armateur italien (Grimaldi Lines). Mais ils se traduisent aussi concrètement par l'usage d'un carburant encore plus léger que celui prévu par la nouvelle réglementation (0,1% de soufre contre 0,5%) lors des phases d'approche des ports de Nice et de Toulon et lors des escales à quai dans ces ports. De fait, de récentes études atmosphériques réalisées dans la zone portuaire de Toulon et les quartiers limitrophes ont montré l'efficacité de ces mesures, puisqu'aucun pic de pollution lié aux ferries n'a été enregistré pendant l'été 2020, selon un organisme indépendant.

Lancée à l’initiative du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, avec le soutien d’Armateurs de France, la charte SAILS (pour Sustainable Actions for Innovative and Low-impact Shipping) vise à permetre aux compagnies "de poursuivre et formaliser leurs engagements pionniers visant à protéger notre planète et ses habitants". Concrètement, les compagnies signataires s'engagent, "de manière volontaire et au-delà de leurs obligations réglementaires", à mettre en place des actions spécifiques dans tout ou partie des domaines suivants : protection des cétacés, réduction de l’impact sonore sous-marin des navires, diminution des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, renforcement des liens avec le secteur scientifique, lutte contre les espèces invasives, optimisation de la performance énergétique des navires ou encore sensibilisation des passagers et meilleure définition des routes maritimes (actions spécifiques pour les compagnies de croisières et de ferries). Pour la Corsica Ferries, cela passe notamment par la participation à des études transverses aux ports de Nice, Toulon et Marseille pour aboutir sur la solution optimale concernant le raccordement à quai des ferries et par le renforcement des actions avec le monde de la recherche en matière de préservation des cétacés. Plus concrètement, les quais du port venant d'être adaptés, un navire sera raccordé au courant quai à Toulon dès 2021 (vraisemblablement son navire amiral, le Pascal Lota), puis quatre d'ici fin 2021 et toute la flotte escalant à Toulon à l'horizon 2024. Par ailleurs, le Mega Regina, nouvellement acquis, est déjà doté d'une connexion à quai qui serait utilisable au port de Toulon et d'épurateurs de fumée, visant à réduire de 60% les émissions d'oxyde d'azote dans l'air. Enfin, la Corsica Ferries s’est engagée à poursuivre les actions déjà mises en place pour optimiser la performance énergétique de ses navires : cela consiste en une réduction du nombre de voyages, une optimisation de la vitesse des ferries et des temps d’escale réduits afin de diminuer nuisances sonores et pollutions. 

La Corsica Ferries aurait aussi signé la charte '"Euroméditerranéenne en faveur de l'environnement" et est l'un des rares armateurs méditerranéens à avoir publiquement pris parti en faveur de la création d'une zone à émissions réduites (SECA) en Méditerranée, qui pourrait voir le jour à l'horizon 2022 et permettrait d'aller plus loin que la réglementation actuellement prévue quant aux émissions de dioxyde de soufre. Pour faire face aux nouvelles normes environnementales tout en continuant de proposer des tarifs compétitifs, la compagnie serait en train de finaliser une nouvelle stratégie en termes de motorisation de ses navires, dont l'ébauche aurait été dévoilée lors de la signature de la charte SAILS. Elle consisterait à convertir, quatre de ses Mega Express- on ignore encore lesquels et selon quel calendrier précis, la crise du coronavirus ayant sous doute entraîné des retards sur les échéances initailes prévues à l'horizon 2024 - à une propulsion mixte GNL-méthanol très innovante. Par ailleurs, la compagnie aux bateaux jaunes travaillait, avant la pandémie de coronavirus, à un projet de navire neuf dual-fuel, capable d’être alimenté au GNL, qui aurait pu être mis en service en 2023. Ce projet serait toutefois repoussé et à confirmer dans le contexte économique actuel très incertain. De même, les rumeurs d'affrètement d'un nouveau navire de construction japonaise propriété de Stena RoRo, la filiale fret de l'armateur suédois Stena Line, n'ont pas été confirmées (le Stena Nova, cargo mixte construit en 2003 et acquis par Stena RoRo,devait être transformé pour être adapté aux normes et au marché européen en vue d'être ensuite affrété par un armateur à préciser, mais à finalement été vendu à un armateur philippin à la suite de la crise du coronavirus...).    



Quoique fortement remises en cause, les dessertes de service public entre la Corse et Marseille ont finalement été attribuées à la Corsica Linea et à La Méridionale jusqu'à la fin 2022
Ajaccio, août 2020 ; photo : Pascal Lenzi
Le A Nepita de Corsica Linea (ici, à Ajaccio en août 2020 ; photo : Pascal Lenzi), initialement prévu pour les lignes d'Algérie, devrait assurer la ligne Marseille-Ajaccio durant l'été 2021

La Corsica Linea, qui a succédé depuis avril 2016 à l'ex-opérateur historique de la Corse, la SNCM, disparue début 2016 après de nombreux rebondissements, a dans un premier temps rompu le partenariat historique avec La Méridionale. Suite à une procédure d'appels d'offres ligne par ligne organisée par la Collectivité de Corse pour les lignes reliant l'île à Marseille, la Corsica Linea a navigué d'octobre 2019 à fin février 2021 sur les deux principales lignes de fret de l'île (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio), tout en bénéficiant de montants de subventions plus élevés qu'auparavant ! Le processus d'attribution de ces délégations de service public a pourtant été de plus en plus contesté par de nombreux observateurs et diverses autorités (Autorité de la concurrence, Commission européenne...) qui lui reprochent un manque d'équité entre les candidats, générateur de monopoles et de coûts élevés (voir à ce sujet l'article thématique de Mare Nostrum Corsica appelant à une profonde refonte du système de continuité territoriale de la Corse). 

De ce fait, le dispositif transitoire envisagé à l'automne 2020 par la CdC et qui prévoyait pour 2021 une reconduction à l'identique des contrats de service public maritime de la Corse en vigueur en 2020, à savoir la présence exclusive de Corsica Linea sur les lignes de Marseille vers Bastia, Ajaccio et Ile Rousse et de La Méridionale de Marseille vers Porto Vecchio et Propriano, a finalement dû être revu. Les conventions n'ont finalement été prolongées que de deux mois (de fin décembre 2020 à fin février 2021) et un nouvel appel d'offres ligne à ligne a été relancé pour les 22 mois suivants, jusqu'à fin 2022. Les lignes maritimes ont ainsi été réattribuées le 25 février 2021 par les élus de l'Assemblée de Corse pour les années 2021 et 2022. Les compagnies délégataires sont de nouveau la Corsica Linea et La Méridionale, mais avec une répartition un peu différente des lignes. La ligne Marseille-Ajaccio est désormais partagée entre la Corsica Linea et La Méridionale, qui se retire en contrepartie de celle de Porto Vecchio. Dès lors, la Corsica Linea conserve 5 navires sur les lignes de Corse - comme c''était le cas depuis l'autimne 2019 - et La Méridionale, 2 (pour mémoire, elle en avant 3 avant l'automne 2019). Sur les 22 mois de la délégation de service public, ces deux compagnies se partageront 168 millions d'euros de subventions, d'après le rapport de l'Office des transports de la Corse. Ces sommes s'ajoutent à celles déjà accordées à l'automne 2020 : selon le rapport de l'Office des transports de la Corse adopté début novembre 2020, seules les compagnies délégataires du service public sur Marseille reçoivent, en sus de la subvention déjà versée, des indemnisations de plusieurs millions d'euros en tout (à ce stade 5,4 millions pour Corsica Linea et 675 000 euros pour La Méridionale selon l'OTC) de la part de la Collectivité pour les moindres trafics intervenus durant les périodes de la COVID-19...

Cette reconduction d'un système de délégation de service public pour près de deux ans, sur la base d'un cahier des charges officiellement revu mais en fait extrêmement proche du précédent, n'apparaît pas comme une solution très satisfaisante pour de nombreux observateurs. Une alternative aurait été que ces lignes soient placées sous un régime d'obligations de service public (OSP), plutôt que d'une délégation de service public (DSP). Dans le premier cas, cela aurait permis une concurrence réelle entre opérateurs et des subventions seraient versées aux transporteurs routiers (et/ou aux passagers) embarquant sur les navires plutôt qu'aux compagnies délégataires et le marché aurait été nettement plus ouvert, pour un coût vraisemblablement bien moindre pour la Collectivité (à titre de comparaison, le dispositif d'aide sociale utilisé de 2002 à 2014 sous régime d'OSP sur les lignes entre Toulon, Nice et la Corse revenait à moins de 20 millions d'euros par an). Toutefois, cette option est combattue tant par l'Exécutif de Corse - qui craint un amoindrissement de la desserte de l'île hors saison - que par les syndicats et responsables des compagnies actuellement délégataires (Corsica Linea et La Méridionale), pour lesquelles cette ouverture serait synonyme de pertes de parts de marché et de subventions publiques. À l'inverse,ce système plus ouvert serait apprécié par leurs concurrentes (Corsica Ferries et Moby Lines), ainsi que par les autorités de concurrence et par la Commission européenne. Comme du temps de la SNCM, cette dernière enquête déjà depuis le début 2020 sur des surcompensations éventuelles versées par la CdC à la Corsica Linea pour ce service public, avec le risque au final d'une requalification de tout ou partie des aides déjà versées à cette compagnie en aides d'Etat, interdites par le traité fondateur de l'Union européenne...

Dans ce contexte, les réservations de la Corsica Linea n'ont été ouvertes pour l'année 2021 que fin février. Sur la principale ligne insulaire pour le fret, Marseille-Bastia, en plus du Pascal Paoli, la Corsica Linea aligne depuis octobre 2019 en théorie le Vizzavona, en remplacement du Piana de La Méridionale, selon les conditions signées cette année-là dans le contrat de service public. Pourtant, en pratique, c'est souvent le Paglia Orba, plus adapté à ce port, qui a effectué à sa place les rotations, contrairement à ce qui était prévu par le contrat de service public souscrit avec la Collectivité de Corse, qui jugeait ce navire trop obsolète pour en faire l'acquisition et le faire naviguer sous ses propres couleurs [1]. Cela a fait dire à La Méridionale, précédemment écartée de la ligne principale Marseille-Bastia pour des questions de navires, que la Corsica Linea bénéficie de conditions plus favorables que celles qui lui avaient été opposées lors de la négociation des contrats de DSP... Sur Marseille-Ajaccio, c'est désormais en 2021 le A Nepita de la Corsica Linea - et non plus le Jean Nicoli, comme c'était le cas en 2020 - qui vient s'ajouter au Piana de La Méridionale... Sur Marseille-Ile Rousse, cette liaison est desservie de longue date par le Monte d'Oro de Corsica Linea. En 2021, La Corsica Linea fait son retour sur Porto Vecchio avec le Jean Nicoli.

Les rotations des navires mixtes de Corsica Linea commercialisées dans le cadre de la DSP s'effectuent de nuit : les horaires des traversées de nuit sont imposés par le cahier des charges de la délégation de service public. Pendant l'été 2020, la seule modification sensible par rapport à 2019 avait concerné l'ajout de rotations supplémentaires, principalement destinées à l'approvisionnement de l'île en marchandises, à certaines périodes en dehors de la pleine saison et l'appoint initialement non prévu d'un nouveau navire, le A Nepita. Pour le fret, l'offre la plus abondante dans le cadre de la DSP n'est pas exigée en été mais lors des périodes précédant les vacances scolaires : en mars en vue des congés de printemps, en mai-juin en amont de la saison estivale et en novembre, en préparation des fêtes de fin d'année (pour plus de détails, voir l'article thématique détaillant les spécifications du cahier des charges). Il n'est en revanche pas exigé de traversées supplémentaires pour les passagers en été, que la compagnie pourra toutefois programmer en sus si elle le souhaite. Depuis la saison 2019, la Corsica Linea ne programme dès lors plus de car-ferries de grande capacité comme le Méditerranée et le Danielle Casanova en saison sur la Corse, ceux-ci étant désormais exclusivement dévolus à la desserte de l'Algérie et de la Tunisie au départ de Marseille. Toutefois, ces deux dessertes ont été totalement interrompues - mis à part quelques opérations ponctuelles de rapatriement - dans le contexte de l'épidémie de coronavirus et les conditions de leur reprise pour la saison 2021 restent à préciser. La desserte du Maghreb devait pourtant initialement être renforcée dès la saison 2020 avec l'affrètement pour plusieurs annés d'un cargo mixte supplémentaire pour les lignes algériennes, le A Nepita, qui avait furtivement navigué sous le nom de Jean Nicoli pour le compte de la SNCM en 2007. Ce navire a bien été mis aux couleurs de la compagnie et a rejoint Marseille depuis Perama, en Grèce, le 10 juin 2020. Son entrée en service sur l'Algérie a toutefois été reportée sine die en raison de l'incertitude sur l'assouplissement des règles de circulation des voyageurs au-delà des frontières nationales et européennes suite au déconfinement ; ce pourquoi il est venu pendant l'été 2020 en renfort des autres navires mixtes de la compagnie sur les deux ports principaux de Corse, Bastia et Ajaccio. Plus précisément, le A Nepita effectuait alors deux allers-retours hebdomadaires sur chacun de ces ports depuis Marseille du 23 juin à la mi-août 2020 et à partir de la mi-août, un aller-retour quotidien sur Marseille-Ajaccio, de jour dans le sens continent-Corse et de nuit dans l'autre sens. Comme il est employé sur Marseille-Ajaccio pour l'été 2021, cela ne sera plus possible d'effectuer ce type de rotations supplémentaires avec ce navire, mais c'est désormais le Paglia Orba de la Corsica Linea, endommagé fin janvier 2021 au port de Bastia lors d'une manoeuvre d'accostage, qui fait office de navire de réserve. Courant mars 2021, ont été programmées des rotations supplémentaires sur la Corse avec ce navire pour l'été 2021 au départ de Marseille, pour Bastia, Ajaccio, Porto Vecchiolors des périodes de pointe.  

Pour l'avenir, la compagnie aux bateaux rouges a passé commande en juillet 2019 d'un navire neuf, propulsé au gaz naturel liquéfié, dans le cadre du renouvellement de sa flotte, pour une mise en service attendue en 2022. Malgré d'épidémie de coronavirus, sa construction a effectivement débuté aux chantiers italiens Visentini de Porto Viro (près de Venise), spécialisés dans les cargos mixtes. Compte tenu de sa longueur importante (206 mètres), ce nouveau cargo mixte de grande capacité (2 560 mètres linéaires de roll, 150 voitures et 650 passagers) ne pourra pas accoster de manière régulière dans l'actuel port de Bastia. Il est donc vraisemblable qu'il soit principalement dévolu à la ligne Marseille-Ajaccio, où il pourrait remplacer le A Nepita. Avant l'épidémie de coronavirus, la Corsica Linea envisageait la commande possible d'un second navire au GNL d'ici la fin 2020, mais cette option a finalement été abandonnée à la suite de la crise du coronavirus. Sans attendre la mise en service de son futur navire, la Corsica Linea a engagé l'adaptation de sa flotte à l'aide d'épurateurs de fumée, installés à Bizerte en Tunisie sur le Paglia Orba début 2019, plusieurs autres de ses navires ayant suivi, dont le Pascal Paoli (le Vizzavona en étant déjà équipé d'origine, dès son achat à Grimadi Lines). L'usage de ces scrubbers en circuit ouvert fait toutefois polémique car les rejets en mer qu'ils induisent contribueraient à l'acidification du milieu marin selon certaines études. La Corsica Linea bénéficie aussi du courant à quai au port de Marseille, lors des escales longues de ses navires, comme c'est déjà le cas depuis 2017 pour ceux de La Méridionale.


La Seyne-sur-mer ; octobre 2020 ; photo : Jean-Pierre Fabre
Pour la première fois, un navire nouvellement acquis par La Méridionale ne naviguera pas de manière régulière sur les lignes de Corse : le Pelagos a d'abord été placé sur une nouvelle liaison entre Marseille et Tanger, au Maroc avant de faire quelques remplacements de navires en arrêt sur Marseille-Ajaccio et enfin d'être affrété par DFDS pour les liaisons France-Irlande. Ici, à son arrivée à La Seyne-sur-mer en octobre 2020 ; photo : Jean-Pierre Fabre.


Après de nombreuses turbulences consécutives à la perte de ses lignes principales de fret (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio) et à des mouvements sociaux dûs aux incertitudes sur l'avenir de la compagnie, La Méridionale apparaît désormais particulièrement fragilisée. Son avenir de court terme semble désormais assuré suite aux décisions de la Collectivité de Corsede la retenir pour les lignes Marseille-Propriano et pour une aprtie de la desserte Marseille-Ajaccio durant les années 2021 et 2022. Sa présence reste toutefois réduite à deux navires sur les lignes de Corse, indépendamment même de la crise du coronavirus qui pourrait encore durement affecter les trafics... Une forme de "divorce" a désormais été consommé avec la Corsica Linea : les deux compagnies disposent désormais de systèmes de réservation séparés (un système unique était jusqu'en 2019 géré par la Corsica Linea pour le compte des deux compagnies) et ne desservent plus qu'une ligne en commun (Marseille-Ajascio), alors que c'était traditionnellement aussi le cas sur Marseille-Bastia de très longue date (autrefois en partenariat avec la SNCM, avant 2016). Toutefois, en mars 2021, le climat semble s'être très légèrement réchauffé entre les deux compagnies, puisque le système de réservation de Corsica Linea indique les traversées de La Méridionale sur son site internet - et vice-versa - mais uniquement sur la ligne Marseille-Ajaccio où les deux compagnies travaillent de concert, pas pour les autres liaisons...

D'après le journal Le Marin, la brouille entre les deux compagnies aurait trouvé son origine dans la volonté de la Corsica Linea d'absorber La Méridionale. Elle le lui avait proposé début 2018 mais se serait heurtée au refus de l'actionnaire majoritaire de cette dernière - le groupe frigorifique STEF - de céder ses parts de la compagnie aux bateaux bleus... Puis la Corsica Linea aurait chercher à renforcer son offre sur Marseille-Corse au détriment de sa partenaire. Plus précisément, Le Marin suggère que Corsica Linea aurait proposé à La Méridionale de se retirer des lignes principales de fret les plus rentables - Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio - où les deux compagnies opéraient historiquement en alternance un jour sur deux, et aurait tenté de la reléguer sur deux lignes secondaires (au départ de Propriano et d'Ile Rousse). Dans ce schéma évoqué par l'hebdomadaire maritime, comme la Corsica Linea aurait a priori aussi cherché à maintenir son offre sur Porto Vecchio, elle aurait opéré alors avec 5 navires (au lieu de 4) et La Méridionale avec seulement 2 (au lieu de 3 jusqu'ici) ! Cela n'avait pas été considéré comme acceptable du point de vue de La Méridionale. Pour autant, au final, on est arrivé en 2020 à un schéma très proche avec respectivement 5 et 2 navires mixtes à plein temps sur la Corse, La Méridionale se repliant finalement temporairement sur les lignes entre Marseille, Porto Vecchio et Propriano. Autre élément de brouille, rapporté également par Le Marin : la Corsica Linea aurait pu inciter la Brittany Ferries - qui siège à son conseil d'administration - à affréter à la place de La Méridionale le Stena Egeria de la compagnie suédoise Stena Line, sur laquelle comptait la compagnie aux bateaux bleus pour compléter son offre de transport sur Marseille-Bastia. 

En 2020, La Méridionale a desservi uniquement deux ports secondaires du sud Corse : Propriano avec le Kalliste, comme c'était le cas jusqu'ici, et Porto Vecchio avec le Piana, conçu pour la ligne Marseille-Bastia sur laquelle il naviguait jusqu'à l'éviction de la compagnie de cette ligne à l'automne 2019. En 2021, dans le cadre d'un nouveau partenariat qui avait été signé avec la Corsica Linea, La Méridionale troque donc la desserte de Porto Vecchio pour celle d'Ajaccio (avec un navire sur cette liaison, l'autre navire relevant de Corsica Linea). Du fait de l'incertitude sur la reconduction de la desserte de service public par la CdC, les réservations de La Méridionale sur la Corse pour la saison 2021 n'ont été ouvertes que fin février.

Consciente que son avenir risque de plus en plus de se jouer hors de Corse du fait de la position hégémonique de Corsica Linea pour le fret entre Marseille et la Corse, La Méridionale qui s'était dotée d'un quatrième navire pour répondre sans la Corsica Linea aux précédentes DSP de la Corse, s'est lancée sur une nouvelle ligne hors de l'île. Ainsi, le Liverpool Seaways, désormais rebaptisé Pelagos, acquis courant 2019 et le Girolata (frété à Grimaldi Ferries pour la saison 2020, où il naviguait entre le continent italien et la Sicile avant de revenir temporairement stationner à Marseille du fait de l'épidémie de coronavirus...) ont-ils été placés de pair entre Marseille et Tanger. Cette ligne était initialement annoncée pour novembre 2020 mais n'a en fait été lancée que début décembre 2020 par La Méridionale avant d'être en partie suspendue (seul le Girolata y navigue encore, le Pelagos ayant finalement temporairement rejoint la ligne Marseille-Ajaccio pour remplacer sur les lignes de Corse le Paglia Orba, indisponible suite à son accident) et réservée au fret en janvier 2021, à la suite de la fermeture des frontières extérieures de l'UE pour cause de crise du coronavirus. Cette liaison pourrait à moyen terme faire l'objet d'un partenariat avec l'armateur géant basé à Marseille CMA CGM. En attendant, elle est assurée jusqu'à deux fois par semaine par ces navires, à raison de 39 heures environ de traversée et un rythme tri-hebdomadaire est annoncé si la situation sanitaire s'arrange d'ici quelques mois ! Il s'agit d'un pari risqué pour la compagnie aux bateaux bleus (CMA CGM ayant déjà fait une tentative en ce sens il y a quelques années), qui n'a jusqu'ici jamais développé d'activité très significatives hors DSP, mais qui avait expérimenté avec succès au printemps 2020 depuis le déconfinement quelques traversées sur cette liaison.

Le pari de La Méridionale est un bon moyen d'employer utilement ces deux navires jusqu'ici sans affectation pour 2021 et atteste d'un vrai dynamisme de la compagnie, malgré l'adversité. Elle a en effet dénoncé tous ses accords d'entreprise en octobre 2020 et a renégocié de nouvelles conditions d'armement avec ses syndicats pour parvenir à passer le cap. Dès 2017, elle avait déjà commencé par renouveler son image : les navires de la compagnie ont arboré progressivement une nouvelle livrée, mêlant deux tons de bleus (au lieu d'un seul auparavant). Le logo de la compagnie a été également retouché et une tête de maure est désormais peinte sur le flanc avec l'inscription "Of Corse !". Soucieuse de l'environnement, la compagnie méridionale a été la première à bénéficier de la connexion du courant à quai à Marseille (dès 2017, lors des escales longues de ses navires qui passent la journée à quai) et a expérimenté à l'automne 2018 un système de raccordement permettant aussi de limiter les émissions polluantes sur le port d'Ajaccio. En outre, en vue du durcissement des normes d'émissions de polluants dans l'air en 2020, elle a expérimenté pendant six mois à compter du printemps 2019 sur un des moteurs du Piana un nouveau système de filtre à particules, qui a donné d'excellents résultats et sera pérennisé. Ce système, à base de bicarbonate de soude, conçu par Andritz et Solvay, permet d'épurer les fumées émises et pourrait constituer une alternative avantageuse aux scrubbers, critiqués pour leurs rejets en mer et leur manque d'efficacité. D'après Benoît Dehaye, le directeur général de La Méridionale, ce dispositif pourrait permettre d'aller au-delà des nouvelles normes environnentales et d'éliminer "en plus des oxydes de soufre, 99 % des particules fines". Ce système devrait donc progressivement être généralisé à l'ensemble de la flotte. La compagnie adhère d'ailleurs depuis octobre 2020 au label Green Marine Europe, programme volontaire de certification environnementale reconnu à six armateurs européens (dont également Corsica Linea et Brittany Ferries) qui s'engagent à mesurere leur empreinte environnementale pour mieux la réduire.

Quant à la liaison corso-sarde Propriano-Porto Torres, assurée naguère jusqu'à 2 à 3 fois par semaine par le Kalliste de La Méridionale en traversée de jour, dans le prolongement de sa traversée de nuit Marseille-Propriano, et qui avait déjà failli totalement disparaître
dès le printemps 2015, faute de rentabilité, elle a désormais totalement disparu, y compris des débats publics tenus à l'Assemblée de Corse ! Une desserte de service public avait pourtant être lancée en 2019 pour cette liaison (financée par la Collectivité de Corse, la région sarde finançant quant à elle une nouvelle délégation de service public plus dense entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura, attribuée à la Moby) mais l'appel d'offres a été infructueux. On ignore à ce stade si cette liaison sera reprise ou non à l'avenir, sachant que des liaisons ponctuelles sont déjà assurées entre Ajaccio et Porto Vecchio d'une part et Golfo Aranci et Porto Torres en Sardaigne d'autre part par la Corsica Ferries, et que la Corsica Linea propose aussi parfois quelques traversées entre Ajaccio et Porto Torres.

Enfin, lors des précédentes DSP, l'
Office des transports de la Corse de l'époque n'avait pas obtenu
des compagnies délégataires - SNCM, puis Corsica Linea et La Méridionale - qu'elles alternent un jour sur deux les traversées vers les ports de Porto Vecchio et Propriano. Déjà identifié comme l'un des points faibles de la précédente convention de service public, cette concentration de la desserte fret de l'extrême Sud sur trois jours de la semaine était un frein pour l'économie du sud de l'île. La DSP Marseille-Corse attribuée en février 2020 avait remédié à cela, les deux lignes étaient attribuées au même opérateur, La Méridionale, qui a dès lors eu intérêt à alterner les jours de desserte pour assurer chaque soir en semaine un départ de et vers la Corse. Cela ne perdure toutefois pas pour la saison 2021, le schéma de desserte retenu par les deux compagnies partenaires apparaissant de nouveau assez déséquilibré : à titre d'illustration, seuls deux départs du continent pour la Corse sont assurés les jeudis soirs (pour Ajaccio et Bastia), mais cinq les vendredis soirs (avec en sus des traversées pour Ile Rousse, mais aussi pour Porto Vecchio avec la Corsica Linea et Propriano pour La Méridionale, programmées donc le même soir...).   





En grande difficulté, la Moby Lines réduit plus drastiquement encore sa présence sur la Corse en 2021 qu'en 2020 et la BluNavy cède la place à un nouvel entrant, Genova Trasporti Marittimi (GTM), entre Corse et Sardaigne !
Capraï, août 2019 ; photo : Romain Roussel
Ici, 
le Moby Vincent en mer devant Capraï en août 2019 (photo : Romain Roussel). Il s'agit du seul navire de la Moby qui a assuré des rotations quotidiennes entre Bastia et l'Italie (avec Livorno) pendant tout l'été 2020, la présence de la compagnie sur Genova s'étant très fortement réduite. En 2021, le nombre maximal de rotations quotidiennes de la Moby de Bastia vers l'Italie se réduit encore, de 3 à 2.
 
 


Plus encore que la Corsica Ferries, la Moby Lines a subi en 2020 les effets de la crise sur les lignes de Corse, du fait de sa spécialisation exclusivement sur les lignes avec l'Italie (Genova et Livorno), qui sont celles qui ont le plus souffert de la crise du coronavirus. Ainsi, sa présence sur les lignes entre Bastia et l'Italie, déjà saisonnière habituellement, a été très fortement raccourcie en 2020 et concentrée sur les seuls mois d'été. Même dans ces conditions, la programmation 2020 de la compagnie à la baleine bleue a dû être très fortement réduite par rapport à celle commercialisée initialement. Les liaisons bi-quotidiennes entre Genova et Bastia, assurées par les Moby Zazà et Moby Corse, dont les capacités sont très proches (environ 450 voitures chacun et de 1 200 à 1 400 passagers) et qui assuraient les étés précédents une rotation de nuit et une rotation de jour pendant toute la saison n'ont en fait eu lieu qu'au seul mois d'août ; en juillet, seules quelques rotations ponctuelles ont été assurées sur cet axe par plusisurs navires, en alternance (le Moby Corse, mais aussi les navires amiraux Moby Aki et Moby Wonder, dont la vente à la compagnie danoise DFDS avait échoué à l'hiver 2019-2020). La ligne Livorno-Bastia a été à peine plus épargnée, avec des rotations quotidiennes assurées par le Moby Vincent, celles du Moby Kiss ayant été finalement annulées (ce navire assurait en 2019 un aller-retour quotidien au départ de Bastia vers Livorno le matin, avec retour en Corse en fin d'après-midi ; il a été transféré sur les lignes de l'île d'Elbe pour la saison 2020). De ce fait, le trafic de la Moby sur Bastia a chuté dans des proportions considérables par rapport à 2019 : -65% en juillet et -47% en août !

En 2021, les capacités de la Moby et la fréquence de ses rotations continue de se réduire entre l'Italie et la Corse. La saison ne commencera que le 20 mai 2021 - si tout va bien - et le nombre maximal de rotations quotidiennes de la compagnie à la baleine bleue passe à 2 seulement entre Bastia et l'Italie, alors qu'elle en assurait encore 3 par jour en août 2020 ! De fait, si le programme de la ligne Livorno-Bastia est inchangé par rapport à 2020 et toujours assuré par le Moby Vincent, la ligne Genova-Bastia subirait de nouvelles coupes sévères. En effet, si la programmation initiale de la Moby est respectée et qu'aucune nouvelle rotation n'est programmée d'ici l'été prochain (le Moby Dada servant à ce stade de navire de réserve pour les lignes de Corse ou de Sardaigne), plus aucune rotation ne serait assurée de nuit sur cet axe, qui était auparavant desservi de nuit quotidiennement dans les deux sens en saison. En 2021, la ligne Genova-Bastia serait desservie uniquement de jour en saison, à l'aide des Moby Aki et Moby Wonder.

Cet effondrement du trafic de la Moby fait suite à d'autres difficultés rencontrées sur son marché principal, la Sardaigne, où la concurrence - de Grimaldi Lines notamment - est de plus en plus rude, si bien que la Moby a frôlé la mise en faillite à l'automne 2019, finalement repoussée par le tribunal de commerce de Milan. Plusieurs des navires du groupe Onorato - des marques Moby, mais aussi Tirrenia, qu'il chapeaute - seraient de nouveau en vente à l'automne 2020, dont plusieurs navires emblématiques, comme les Moby Wonder et Sharden, ainsi que la filiale de la compagnie spécialisée dans les remorqueurs. La situation de la Moby apparaît d'autant plus incertaine pour 2021 qu'elle ne bénéficie que d'un sursis de quelques mois accordé par le tribunal de commerce de Milan pour restructurer sa dette et que le renouvellement des concessions de service public maritime des principales îles italiennes (Sardaigne mais aussi Sicile), est en théorie imminent (il devait intervenir en février 2021 mais n'a pas été bouclé dans les temps et a été repoussé à juin...)... Le groupe Onorato pourrait perdre gros si la concession de service public ne lui était à terme plus attribuée, car la Tirrenia perçoit d'importantes subventions à ce titre (72 millions d'euros par an). Or, la consultation menée par les autorités italiennes auprès des opérateurs de fret et des associations de consommateurs a fait ressortir à l'été 2020 le souhait d'une plus grande ouverture du marché à la concurrence sur plusieurs lignes sardes. 

En outre, si les subventions publiques étaient maintenues sur ces liaisons, leur concession se ferait vraisemblablement ligne à ligne cette fois, et la Moby pourrait se retrouve en compétition avec GNV mais aussi avec la
Grimaldi Lines, opérateur en meilleure santé et qui a déjà multiplié les lignes fret et passagers sur les liaisons Italie-Sardaigne ces dernières années avec des navires plus modernes que ceux de sa concurrente. Pour autant, la Moby entend défendre ses positions, avec la construction en cours de deux à quatre navires géants en Chine, destinés à partir de 2022-2023 aux lignes sardes du groupe et à concurrencer les maxi-navires déjà déployés par Grimaldi Lines entre l'Italie continentale, la Sardaigne et l'Espagne (les Cruise Roma et Cruise Barcelona, récemment allongés de plusieurs dizaines de mètres et assurant la liaison Civitavecchia-Porto Torres-Barcelone). Dès lors, pour l'ensemble de ces raisons et compte tenu du contexte encore très incertain lié au coronavirus, la programmation 2021 de la Moby sur la Corse, qui découle sans doute aussi de ce qui sera décidé pour ses lignes principales de Sardaigne, est encore susceptible de changements potentiellement importants.

S
ur les lignes corso-sardes enfin, un bras de fer se jouait depuis plusieurs années entre la Moby et la BluNavy (ces deux compagnies sont aussi en concurrence sur l'île d'Elbe). En effet, sur la ligne Bonifacio-Santa Teresa di Gallura, la BluNavy avait pris le relai de la Saremar en avril 2016 (en reprenant son navire, l'Ichnusa), suite à sa liquidation judiciaire, mais avait dû renoncer à son lien hivernal, faute de moyens suffisants. Pour la saison 2021, un rebondissement est intervenu le 31 mai 2021 avec la vente de l'Ichnusa par la BluNavy (le navire était mis à prix pour 2,3 millions d'euros depuis plusieurs mois sur des sites spécialisés), qui se retire ainsi des lignes corso-sardes. La compagnie a choisi de ses recentrer sur la desserte de l'île d'Elbe au départ d'Italie (ligne Piombino-Portoferraïo), sur laquelle la BluNavy alignera un second navire en sus de l'Acciarello. La compagnie a en effet obtenu à compter de 2021 trois nouveaux créneaux de départs quotidiens en saison, après plusieurs années de bataille avec le port de Piombino, officiellement saturé. Pour autant, l'Ichnusa ne quittera pas la liaison Bonifacio-Santa Teresa, qu'il devrait assurer à compter de fin juin 2021 pour le compte de son nouveau propriétaire, la nouvelle compagnie italienne Genova Trasporti Marittimi (GTM), créée pour l'occasion. Cette compagnie est une filiale à parité de deux sociétés génoises, la Finsea et San Giorgio del Porto, spécialisée dans la réparation navale. En outre, cette nouvelle compagnie bénéficiera dans les premiers mois du soutien logistique de la Corsica Ferries pour l'armement du navire. La Moby devrait quant à elle continuer de desservir la ligne Bonifacio-Santa Teresa non seulement avec le ferry Giraglia, mais aussi avec son jumeau, le Bastia, portant le nombre l'allers-retours à 6 par jour en pleine saison. Sur cette ligne, un nouveau concurrent, la compagnie italienne Navigazione Libera del Golfo, s'était lancé à la fin de l'été 2020 - du 22 août au 7 septembre - sur des liaisons en catamaran rapide (le Ponza Jet, qui transporte 350 passagers à 40 noeuds, ce qui lui permet de rallier Santa Teresa en 20 minutes, contre 1 heure à ses concurrentes) mais sans possibilité d'emport de véhicules, ce qui en fait un marché de niche très restreint. Cette expérience pourrait néanmoins être reconduite à l'été 2021 et le journal Le Marin évoque même un autre nouvel entrant possible, la société italienne Naviomed, qui souhaiterait affréter le navire grec Psara Glory sur cette ligne, alors même que le trafic passagers corso-sarde est assez faible et a quasiment été divisé par quatre en 2020...

Bastia, août 2019 ; photo : Romain Roussel
De gauche à droite, les Moby Corse, Mega Smeralda, Pascal Paoli (à l'arrière-plan les cheminées du paquebot Seabourn Encore, masqué par le Mega Smeralda) à Bastia en août 2019 ; photo : Romain Roussel.

Notes ----------------------------------------------------------------------

[1] En juillet 2018, par décision de l'Assemblée de Corse, la Collectivité de Corse a finalement renoncé à reprendre à son compte les deux navires mixtes les plus anciens (Monte d'Oro et Paglia Orba) de Corsica Linea pour constituer le noyau de sa future compagnie maritime régionale. À compter de l'été 2019, ces deux navires devaient en théorie être cédés pour 10 millions d'euros à cette compagnie, mais la création de cette compagnie a finalement été repoussée, dasn un premier temps à 2021, puis plus probablement à 2025 à la suite de l'échec de l'attribution des contrats de service public des sociétés d'économie mixte pour la période 2021-2027. En effet, les offres des compagnies privées jusqu'ici délégataires du service public Marseille-Corse (Corsica Linea et La Méridionale) ont été jugées trop coûteuses par la Collectivité de Corse, dépassant de plus d'un tiers le budget prévisionnel établi par la CdC sur la base du coût des DSP précédentes pour un service identique...


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