Mare Nostrum Corsica 
- Préfiguration des nouveautés 2022 sur les lignes de Corse -

Saison 2022 : vers un retour progressif à la normale ?
Le Vizzavona croisant le Pascal Lota dans le Cap Corse au large de Capraï en juillet 2021 ; photo : Romain Roussel
Le Vizzavona de la Corsica Linea croise le Pascal Lota de la Corsica Ferries au large du Cap Corse, en juillet 2021, avec l'île de Capraï en arrière-plan ; photo : Romain Roussel.



Après la chute vertigineuse de 2020 du fait de la pandémie, les trafics maritimes de la Corse
ont commencé à se redresser un peu en 2021 mais l'essentiel du chemin reste à faire !

En 2021, Bastia, le premier port de Corse, n'a retrouvé sur les 9 premiers mois de l'année que 27% des trafics passagers disparus en 2020 (voir bilan 2021 détaillé)...



Avant même le déclenchement de la pandémie de coronavirus qui a touché l'Europe à partir de février 2020, le contexte était déjà assez morose pour les compagnies maritimes. Celles-ci faisaient face dès le début 2020 au renchérissement des coûts de transport lié à l'entrée en vigueur de nouvelles normes environnementales. Déjà en difficulté financière, la Moby a échappé de peu courant octobre 2019 à une mise en faillite demandée par certains de ses créanciers et s'est placée depuis sous la protection du tribunal de commerce de Milan, pour renégocier ses dettes avec ses créanciers ; de nouvelles cessions de navires sont attendues dans les prochaines années. La Méridionale a quant à elle perdu au profit de Corsica Linea les principales lignes de Corse dont elle était jusqu'ici délégataire (voir article thématique) et, du fait de cette décision de la Collectivité de Corse (CdC), a été contrainte de se retirer totalement de la ligne Marseille-Bastia depuis octobre 2019 ; elle n'a pu reprendre la ligne Marseille-Ajaccio qu'en mars 2021 ! 

À compter de mars 2020, la pandémie de coronavirus est venue paralyser quasi-totalement les transports maritimes et a entraîné au cours de l'année 2020 une chute historique des trafics maritimes de la Corse, même si la saison estivale - et en particulier le mois d'août - n'a pas été aussi catastrophique qu'annoncé. Depuis le printemps 2021, les trafics ont commencé à se redresser doucement, faisant de la Corse une "destination refuge", privilégiée par certains des vacanciers continentaux jusqu'ici habitués à voyager à l'étranger. Mais la reprise de 2021 est encore très loin de compenser les pertes subies en 2020, d'autant que le trafic aérien continue de gagner des parts de marché sur les lignes de Corse, alors même qu'il s'agit du mode transport le moins écologique (un avion émet jusqu'à 20 fois plus de dioxyde de carbone qu'un bateau par passager transporté). Ainsi, pour le seul port de Bastia, premier port de l'île, les pertes de trafics avaient atteint 46% sur les 9 premiers mois de 2020 (de janvier à septembre inclus) par rapport à la période comparable de 2020, soit 868 000 passagers perdus sur 1,87 million, selon la CCI de Corse. En 2021, sur les 9 premiers mois de 2021, le gain n'est que de 235 000 passagers par rapport à l'an passé, ce qui ne compense que 27% des pertes subies sur cette même période de 2020, selon cette même source. La situation est heureusement plus favorable sur d'autres plateformes portuaires corses de moindre importance, comme Porto Vecchio ou Ile Rousse, ce dernier port ayant par exemple retrouvé en 2021 des niveaux de trafics légèrement supérieurs à ceux de 2019 (près de 334 000 passagers sur les 9 premiers mois de 2021, contre 322 000 sur la même période de 2019, toujours selon la CCI de Corse). La situation relativement défavorable de Bastia s'explique par le fait que le port concentre largement les trafics des lignes italiennes. Or ces liaisons maritimes de et vers l'Italie ont énormément souffert, en raison notamment des incessants changements de justificatifs sanitaires demandés aux frontières et de la peur des vacanciers européens - notamment italiens, suisses et allemands, traditionnellement nombreux en Corse en saison - de voyager à l'étranger. Ainsi, le nombre de rotations Italie-Corse a été énormément réduit et la saison très raccourcie depuis deux ans, les compagnies ayant retiré plusieurs navires de ces liaisons, en particulier la Moby Lines...

Pour 2022, avec le recul de la pandémie, l'incertitude semble moindre et les perspectives meilleures, même si les programmes des compagnies maritimes sont de nouveau susceptibles d'ajustements en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. Le risque de liquidation de la Moby (qui a perdu plus de la moitié de son trafic passagers sur la Corse en 2020, et n'a que faiblement repris en 2021) s'est dissipé en 2022, avec l'entrée au capital en mars du groupe MSC, qui possède déjà, outre l'un des plus puissants groupes de transport conteneurisé au monde et de nombreux navires de croisières, les armateurs italiens de ferries GNV et SNAV. Quoique très fragilisée, La Méridionale a retrouvé un peu d'oxygène et devrait réduire ses pertes en 2021, depuis qu'elle a pu rouvrir ses liaisons avec Ajaccio en sus de celles de Propriano. La réouverture des lignes de la Corsica Linea avec l'Algérie, à l'automne 2021, après 18 mois de fermeture, devrait contribuer également à améliorer la situation de la compagnie aux bateaux rouges, dont les trafics estivaux sur la Corse ont atteint des niveaux très satisfaisants. Enfin, la Corsica Ferries a récemment remporté une victoire historique en justice, qui lui a assuré une réparation à hauteur de 86,3 millions d'euros (plus 9 millions d'euros d'intérêts) du préjudice subi pour la concurrence définitivement jugée illégale du service complémentaire estival des ferries de la SNCM de 2007 à 2013. La compagnie aux bateaux jaunes semble aussi plus optimiste pour la saison 2022, au vu de sa programmation préliminaire assez fournie.

Si des incertitudes demeurent quant au devenir
à moyen terme de la délégation de service public Marseille-Corse, système en bout de course et qui gagnerait à être profondément revu pour permettre de relancer l'économie de l'île à un coût soutenable pour la collectivité, la saison 2022 pourrait être celle d'un retour progressif à une situation plus normale. Le mode maritime devra toutefois relever très vite l'immense défi de la transition énergétique et des mesures de décarbonation de cette industrie, que l'Organisation maritime internationale (OMI) mettra en vigueur, progressivement mais rapidement à l'échelle des flottes, à partir de 2023 (voir l'article thématique dédié à cette problématique environnementale). Aussi, les compagnies ont-elles tout juste commencé à relever le défi, avec la mise en oeuvre de premières mesures de transition écologique (courant à quai, filtres à particules...) mais devront en faire beaucoup plus pour pouvoir continuer à faire naviguer leurs ferries dans les prochaines années. L'éco-programme Yellow Cares de la Corsica Ferries, entré en vigueur en 2021 et qui s'est déjà traduit notamment par l'usage de fiouls plus légers, devrait ainsi conduire à la conversion de plusieurs de ses navires à des carburants alternatifs moins polluants (de type méthanol ou gaz naturel liquéfié - GNL), à une date encore à préciser. Quant à la Corsica Linea, elle devrait lancer si tout va bien dès octobre 2022 un nouveau cargo mixte, A Galeotta, qui sera justement le premier sur la Corse à être propulsé au GNL. C'est à ce jour le seul nouveau ferry annoncé sur les lignes de Corse pour 2022...

La Corsica Ferries s'est dotée d'un nouveau navire, le Mega Regina, et va poursuivre sa transition écologique
L'arrivée à Toulon du Mega Regina de la Corsica Ferries, en août 2021 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
L'arrivée à Toulon du Mega Regina de la Corsica Ferries, en août 2021 ; photo : Jean-Pierre Fabre.

La Corsica Ferries a ouvert à la vente début cotobre 2021 un pré-programme de ses traversées pour la période allant jusqu'à début septembre 2022. Il s'agit d'une programmation préliminaire à ce stade. L'ouverture des réservations couvre les lignes de Corse, mais aussi celles de la Sardaigne et des Baléares (Majorque et Minorque), et devrait être complétée d'ici la fin de l'année par celle des lignes de l'île d'Elbe et inter-îles (Corse-île d'Elbe et Corse-Sardaigne notamment). Cette pré-programmation est rassurante car elle mobilise sur ces îles les 12 ferries de la compagnie (en attendant le NGV affecté principalement à l'île d'Elbe), preuve que la Corsica Ferries table pour la saison 2022 sur une reprise des trafics passagers qui ont fortement subi les effets de la crise depuis deux ans. Des traversées supplémentaires pourraient même être programmés au fil de l'eau pour face face à la demande et, cette année non plus, personne ne restera à quai faute de bateau ! En outre, depuis quelques années, la compagnie préfère faire naviguer ses navires sur plusieurs lignes au cours de l'année plutôt que de les spécialiser dans une seule : nombre de ses clients, principalement des lignes de Corse, devraient donc pouvoir emprunter l'un ou l'autre de ses ferries la saison prochaine sur leur parcours habituel à une date ou à une autre... Le nom des navires effectuant les traversées n'est plus mentionné lors de la réservation (ce qui permet à la compagnie de substituer un navire à l'aure en cas de besoin), mais est communiqué par mail aux clients 3 jours avant le départ, lors du check-in.

Toutes lignes confondues, les samedis de pointe d'août, la Corsica Ferries pourrait ainsi assurer en 2022 encore au moins une douzaine de rotations dans chaque sens entre la Corse et le continent, ce qui reste de loin le réseau le plus dense sur la Corse, même si ce niveau est sensiblement inférieur au record absolu atteint en 2018 (jusqu'à 17). C'est un niveau déjà comparable à celui de la programmation définitive de l'été 2021, ce qui peut laisser penser qu'il y en aura en fait davantage au final, une fois d'éventuelles rotations supplémentaires programmées (au-delà de celles entre Bastia, Portoferraïo et Piombino en navire à grande vitesse, programmées pour l'été 2022 deux fois par semaine à la fin octobre). Cela devrait aussi se traduire par moins de modifications d'horaires de traversées en cours d'été, le programme prévisionnel semblant d'ores et déjà avoir un caractère nettement plus abouti que l'an dernier à même époque.

Sur les lignes françaises, les rotations sur Toulon sont toujours aussi denses en 2022 dans le réseau de la Corsica Ferries, avec jusqu'à trois allers-retours quotidiens Toulon-Ajaccio en été et jusqu'à deux allers-retours sur Toulon-Bastia. Au départ du port varois, la compagnie dessert aussi en saison quais-quotidiennement le port d'Ile Rousse et, plusieurs fois par semaine, celui de Porto Vecchio. C'est aussi le hub varois qui a été choisi par la compagnie pour y développer des liaisons vers d'autres îles de la Méditerranée : vers la Sardaigne depuis 2016 (vers le port de Porto Torres), puis vers les ports des îles Baléares (Alcúdia, situé au nord est de Majorque, et Ciutadella, qui lui fait face sur l'île de Minorque) depuis 2018. Les traversées de et vers Nice se concentrent toujours fortement en 2022 sur le port de Bastia, même si on en compte plus que l'an dernier sur le ports d'Ile Rousse (jusqu'à 5 par semaine) et de Porto Vecchio (jusqu'à 2 par semaine) en haute saison. Les lignes Nice-Corse restent toutefois sous l'épée de Damoclès de l'instauration possible - à un horizon encore à déterminer et sous réserve de confirmation - d'une taxe de 60 euros par véhicule et par voyage, souhaitée par le maire de Nice pour mettre fin à ces liaisons maritimes. Cela a entraîné un certain émoi auprès des élus des deux rives, d'autant que la Corsica Ferries a précisé que 40% des clients des liaisons Nice-Corse étaient des riverains de Corse ou de la Côte d'Azur. Deux pétitions ont aussi été ouvertes, en Corse et à Nice, pour exiger le renoncement à ce projet de nouvelle taxe et le maintien de la ligne maritime (dont la suppression en ferait qu'accroître les déplacements par avion, bien plus polluants), assurée sans discontinuer depuis l'après seconde guerre mondiale. Quant aux lignes Italie-Corse, leur programmation provisoire pour l'été 2022 semble proche de celle de 2021, avec jusqu'à deux allers-retours quotidiens sur la ligne Livorno-Bastia et jusqu'à trois allers-retours quotidiens sur Savona-Bastia. 

À noter, que jusqu'à trois fois par semaine d'avril à octobre, la liaison de nuit de Savona à Bastia serait prolongée jusqu'à Golfo Aranci en Sardaigne, en sus des liaisons assurées vers ce port depuis Livorno. Sur les lignes Italie-Sardaigne toujours, la capacité de transport se concentre toutefois toujours essentiellement sur Livorno-Golfo Aranci, ligne sur laquelle la Corsica Ferries assure jusqu'à trois allers-retours quotidiens avec des navires de type Mega Express de grande capacité pendant la saison 2022, même si la ligne Piombino-Golfo Aranci est également renforcée en saison par rapport à 2021. 

Enfin, s'agissant de la flotte, l'année 2022 sera celle de la remise en service en juin du nouveau navire de la compagnie, le Mega Regina, acquisition surprise auprès de la compagnie finlandaise Viking Line en mai 2021, en remplacement d'un des navires historiques de la Corsica Ferries, le Sardinia Regina, vendu depuis à un armateur Libyen, et renommé Kevalay Queen par son nouveau propriétaire (voir ici le reportage de Vidéonavi retraçant la carrière du Sardinia Regina pour le compte de la Corsica Ferries). Il restera donc bien toujours un Regina sur les lignes de Corse de la compagnie aux bateaux jaunes ! Si le nouveau Mega Regina a d'ores et déjà navigué sous les couleurs jaunes de la compagnie durant l'été 2021, il est réaménagé au printemps 2022 de manière notamment à ce que sa capacité garage soit plus en phase avec celle requise par le marché Méditerranéen (passage de 430 à près de 600 voitures, par modification des car-decks et ajout d'une cale en remplacement de certaines cabines situées sous la ligne de flottaison). Après transformation, ce navire, présenté comme le plus écologique de la flotte en raison de sa faible consommation par passager transporté et du fait qu'il dispose de filtres à particules (visant à réduire de 60% les émissions d'oxyde d'azote dans l'air) et d'un branchement électrique à quai (dans les ports qui en sont équipés, comme Toulon), peut transporter 2500 passagers dans 705 cabines, toutes situées au-dessus des ponts garage et dotées d'une salle de bains privative, à l'instar des autres navires de la Corsica Ferries

Au-delà de la mise en service de ce navire, la compagnie aux bateaux jaunes déploie progressivement depuis plusieurs années une nouvelle stratégie de développement durable, désormais baptiséee Yellow Cares (voir détails sur le site de la compagnie). Cela se traduit déjà par des actions concrètes de plusieurs ordres : mesures concernant directement les navires (réduction du nombre de traversées, suppression totale de l'usage des matières plastiques à usage unique après celle des sacs plastiques déjà supprimés depuis plusieurs années...), partenariats accrus avec des organisations environnementales (notamment concernant le repérage des cétacés en Méditerranée lors de traversées, grâce notamment à la fondation CIMA) et engagements de forte réduction des émissions de matières polluantes. Ces engagements sont concrétisés notamment depuis l'été 2019 par l'adhésion de la Corsica Ferries à la charte SAILS. Cette charte a également signée simultanément par la plupart des armateurs français (La Méridionale, Corsica Linea, Brittany Ferries...) et par un seul armateur italien (Grimaldi Lines). Mais ils se traduisent aussi concrètement par l'usage d'un carburant encore plus léger que celui prévu par la nouvelle réglementation (0,1% de soufre contre 0,5%) lors des phases d'approche des ports de Nice et de Toulon et lors des escales à quai dans ces ports. De fait, de récentes études atmosphériques réalisées dans la zone portuaire de Toulon et les quartiers limitrophes ont montré l'efficacité de ces mesures, puisqu'aucun pic de pollution lié aux ferries n'a été enregistré pendant l'été 2020, selon un organisme indépendant.

Lancée à l’initiative du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, avec le soutien d’Armateurs de France, la charte SAILS (pour Sustainable Actions for Innovative and Low-impact Shipping) vise à permettre aux compagnies "de poursuivre et formaliser leurs engagements pionniers visant à protéger notre planète et ses habitants". Concrètement, les compagnies signataires s'engagent, "de manière volontaire et au-delà de leurs obligations réglementaires", à mettre en place des actions spécifiques dans tout ou partie des domaines suivants : protection des cétacés, réduction de l’impact sonore sous-marin des navires, diminution des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, renforcement des liens avec le secteur scientifique, lutte contre les espèces invasives, optimisation de la performance énergétique des navires ou encore sensibilisation des passagers et meilleure définition des routes maritimes (actions spécifiques pour les compagnies de croisières et de ferries). Pour la Corsica Ferries, cela passe notamment par la participation à des études transverses aux ports de Nice, Toulon et Marseille pour aboutir sur la solution optimale concernant le raccordement à quai des ferries et par le renforcement des actions avec le monde de la recherche en matière de préservation des cétacés. Plus concrètement, les quais du port venant d'être adaptés, toute la flotte escalant à Toulon pourra s'y connecter d'ici 2024 (après le Mega Regina, ce devrait être le cas notamment de son navire amiral, le Pascal Lota).

La Corsica Ferries a aussi signé la charte '"Euroméditerranéenne en faveur de l'environnement" et est l'un des rares armateurs méditerranéens à avoir publiquement pris parti en faveur de la création d'une zone à émissions réduites (SECA) en Méditerranée, qui pourrait voir le jour à l'horizon 2022 et permettrait d'aller plus loin que la réglementation actuellement prévue quant aux émissions de dioxyde de soufre. Pour faire face aux nouvelles normes environnementales tout en continuant de proposer des tarifs compétitifs, la compagnie serait en train de finaliser une nouvelle stratégie en termes de motorisation de ses navires, dont l'ébauche aurait été dévoilée lors de la signature de la charte SAILS. Elle consisterait à convertir, quatre de ses Mega Express - on ignore encore lesquels et selon quel calendrier précis, la crise du coronavirus ayant sous doute entraîné des retards sur les échéances initailes prévues à l'horizon 2024 - à une propulsion mixte GNL-méthanol très innovante. Il semblerait toutefois réaliste de penser qu'il s'agisse des navires les plus rapides de la flotte, ceux naviguant à 28 noeuds environ, à savoir le Pascal Lota, le Mega Express, le Mega Express Two et le Mega Express Three, sous réserve de confirmation. Par ailleurs, la compagnie aux bateaux jaunes travaillait, avant la pandémie de coronavirus, à un projet de navire neuf dual-fuel, capable d’être alimenté au GNL. Ce projet a toutefois dû être repoussé et reste donc à confirmer dans le contexte économique actuel très incertain post pandémie. 



Quoique fortement chahutées en Justice, les dessertes de service public entre la Corse et Marseille devraient se poursuivre normalement par la Corsica Linea et La Méridionale jusqu'à la fin 2022
Le Paglia Orba à quai à Bastia, en juillet 2021 ; photo : Romain Roussel
Le Paglia Orba de la Corsica Linea, à quai à Bastia en juillet 2021, avec à l'arrière plan, le A Nepita de la compagnie ; photo : Romain Roussel.

La Corsica Linea, qui a succédé depuis avril 2016 à l'ex-opérateur historique de la Corse, la SNCM, disparue au début de cette année-là après de nombreux rebondissements, a dans un premier temps rompu le partenariat historique avec La Méridionale. Suite à une procédure d'appels d'offres ligne par ligne organisée par la Collectivité de Corse pour les lignes reliant l'île à Marseille, la Corsica Linea a navigué d'octobre 2019 à fin février 2021 sur les deux principales lignes de fret de l'île (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio), tout en bénéficiant de montants de subventions plus élevés qu'auparavant ! Le processus d'attribution de ces délégations de service public a pourtant été de plus en plus contesté par de nombreux observateurs et diverses autorités (Autorité de la concurrence, Commission européenne...) qui lui reprochent un manque d'équité entre les candidats, générateur de monopoles et de coûts élevés (voir à ce sujet l'article thématique de Mare Nostrum Corsica appelant à une profonde refonte du système de continuité territoriale de la Corse). 

De ce fait, le dispositif transitoire envisagé à l'automne 2020 par la CdC et qui prévoyait pour 2021 une reconduction à l'identique des contrats de service public maritime de la Corse en vigueur en 2020, à savoir la présence exclusive de Corsica Linea sur les lignes de Marseille vers Bastia, Ajaccio et Ile Rousse et de La Méridionale de Marseille vers Porto Vecchio et Propriano, a finalement dû être revu. Les conventions n'ont finalement été prolongées que de deux mois (de fin décembre 2020 à fin février 2021) et un nouvel appel d'offres ligne à ligne a été relancé pour les 22 mois suivants, jusqu'à fin 2022. Les lignes maritimes ont ainsi été réattribuées le 25 février 2021 par les élus de l'Assemblée de Corse pour les années 2021 et 2022. Les compagnies délégataires sont de nouveau la Corsica Linea et La Méridionale, mais avec une répartition un peu différente des lignes. La ligne Marseille-Ajaccio est désormais partagée entre la Corsica Linea et La Méridionale, qui se retire en contrepartie de celle de Porto Vecchio. Dès lors, la Corsica Linea conserve 5 navires sur les lignes de Corse - comme c'était le cas depuis l'automne 2019 - et La Méridionale, 2 (pour mémoire, elle en avant 3 avant l'automne 2019). Sur les 22 mois de la délégation de service public, ces deux compagnies se partagent 168 millions d'euros de subventions, d'après le rapport de l'Office des transports de la Corse. Ces sommes s'ajoutent à celles déjà accordées à l'automne 2020 : selon le rapport de l'Office des transports de la Corse adopté début novembre 2020, seules les compagnies délégataires du service public sur Marseille reçoivent, en sus de la subvention déjà versée, des indemnisations de plusieurs millions d'euros en tout (à ce stade 5,4 millions pour Corsica Linea et 675 000 euros pour La Méridionale selon l'OTC) de la part de la Collectivité pour les moindres trafics intervenus durant les périodes de la COVID-19...

Cette reconduction d'un système de délégation de service public pour près de deux ans, sur la base d'un cahier des charges officiellement revu mais en fait extrêmement proche du précédent, n'apparaît pas comme une solution très satisfaisante pour de nombreux observateurs. Une alternative aurait été que ces lignes soient placées sous un régime d'obligations de service public (OSP), plutôt que d'une délégation de service public (DSP). Dans le premier cas, cela aurait permis une concurrence réelle entre opérateurs et des subventions seraient versées aux transporteurs routiers (et/ou aux passagers) embarquant sur les navires plutôt qu'aux compagnies délégataires et le marché aurait été nettement plus ouvert, pour un coût vraisemblablement bien moindre pour la Collectivité (à titre de comparaison, le dispositif d'aide sociale utilisé de 2002 à 2014 sous régime d'OSP sur les lignes entre Toulon, Nice et la Corse revenait à moins de 20 millions d'euros par an). Toutefois, cette option est combattue tant par l'Exécutif de Corse - qui craint un amoindrissement de la desserte de l'île hors saison - que par les syndicats et responsables des compagnies actuellement délégataires (Corsica Linea et La Méridionale), pour lesquelles cette ouverture serait synonyme de pertes de parts de marché et de subventions publiques. À l'inverse,ce système plus ouvert serait apprécié par leurs concurrentes (Corsica Ferries et Moby Lines), ainsi que par les autorités de concurrence et par la Commission européenne. Comme du temps de la SNCM, cette dernière enquête déjà depuis le début 2020 sur des surcompensations éventuelles versées par la CdC à la Corsica Linea pour ce service public, avec le risque au final d'une requalification de tout ou partie des aides déjà versées à cette compagnie en aides d'Etat, interdites par le traité fondateur de l'Union européenne...

Dans ce contexte de relative stabilisation du cadre juridique de la desserte maritime jusqu'à la fin 2022, les réservations de la Corsica Linea pour l'été 2022 ont été ouvertes dès la fin septembre 2021, soit nettement plus tôt que l'an passé (elles n'avaient pu ouvrir qu'en février 2021 pour l'été 2021 en raison des rebondissements évoqués plus haut). Sur la principale ligne insulaire pour le fret, Marseille-Bastia, en plus du Pascal Paoli, la Corsica Linea aligne le Vizzavona, en remplacement du Piana de La Méridionale, selon les conditions signées cette année-là dans le contrat de service public. Pourtant, par le passé, c'est souvent le Paglia Orba, plus adapté à ce port, qui a effectué à sa place les rotations, contrairement à ce qui était prévu par le contrat de service public souscrit avec la Collectivité de Corse, qui jugeait ce navire trop obsolète pour en faire l'acquisition et le faire naviguer sous ses propres couleurs [1]. Cela a fait dire à La Méridionale, précédemment écartée de la ligne principale Marseille-Bastia pour des questions de navires, que la Corsica Linea bénéficie de conditions plus favorables que celles qui lui avaient été opposées lors de la négociation des contrats de DSP... Sur Marseille-Ajaccio, c'est le A Nepita de la Corsica Linea qui vient s'ajouter au Piana de La Méridionale. Sur Marseille-Ile Rousse, cette liaison est desservie de longue date par le Monte d'Oro de Corsica Linea. En 2021, la Corsica Linea a fait son retour sur Porto Vecchio avec le Jean Nicoli et cette desserte est, à ce stade, maintenue à l'identique dans le programme prévisionnel de la compagnie pour 2022.

Pour autant, ces affectations de navires de la Corsica Linea aux différentes dessertes pourraient être complétées d'ici l'été 2022. Le nouveau cargo mixte de la compagnie, dont le nom a finalement été dévoilé le 23 novembre 2021 ne devrait finalement entrer en service que courant octobre 2022 : ce sera A Galeotta, en référence au navire amiral de Pascal Paoli. Annoncé sur Marseille-Ajaccio et sur Marseille-Bastia (bien que ce dernier port ne puisse, en théorie, accueillir de manière régulière des navires d'une telle longueur), l'incertitude plane encore sur sa date exacte de mise en service (le directeur commercial et marketing de la compagnie, Pierre Mainguy, avait laissé entendre dans la presse début novembre 2021 qu'elle pourrait finalement n'intrevenir que début 2023...). Quoi qu'il en soit, il s'agira d'un cargo mixte de grande capacité (2 560 mètres linéaires de roll, 150 voitures et 650 passagers), en cours d'achèvement aux chantiers italiens Visentini de Porto Viro (près de Venise). Compte tenu de sa trop grande longueur (206,6 mètres), il est vraisemblable que ce premier navire propulsé au GNL des lignes de Corse soit principalement dévolu en saison à la ligne Marseille-Ajaccio, où il pourrait remplacer le A Nepita. Par jeu de chaises musicales, plusieurs navires de la Corsica Linea pourraient alors riper d'une ligne à l'autre par rapport à la programmation commercialisée jusqu'ici, et l'avenir du Méditerranée, affecté jusqu'alors aux lignes Marseille-Algérie et qui n'est plus utilisé depuis le début de la crise du coronavirus et est toujours en vente (pour 10 M€ environ), semble plus que jamais très incertain. Il est, depuis mars 2022, utilisé comme navire d'accueil pour les migrants ukrainiens réfugiés en France et stationné au port de Marseille. Depuis la saison 2019, la Corsica Linea ne programme plus de car-ferries de grande capacité comme le Méditerranée et le Danielle Casanova en saison sur la Corse, ceux-ci étant désormais exclusivement dévolus à la desserte de l'Algérie et de la Tunisie au départ de Marseille, lorsque ces dessertes sont permises par les autorités sanitaires. Ces liaisons ont beaucoup souffert de la crise, celles avec l'Algérie ayant même été totalement interrompues durant 18 mois.

Sans attendre la mise en service de son futur navire, la Corsica Linea avait elle aussi engagé l'adaptation de sa flotte à l'aide d'épurateurs de fumée, installés à Bizerte en Tunisie sur le Paglia Orba début 2019, plusieurs autres de ses navires ayant suivi, dont le Pascal Paoli (le Vizzavona en étant déjà équipé d'origine, dès son achat à Grimaldi Lines). L'usage de ces scrubbers en circuit ouvert fait toutefois polémique car les rejets en mer qu'ils induisent contribueraient à l'acidification du milieu marin selon certaines études. La Corsica Linea bénéficie aussi du courant à quai au port de Marseille, lors des escales longues de ses navires, comme c'est déjà le cas depuis 2017 pour ceux de La Méridionale. Avant l'épidémie de coronavirus, la Corsica Linea envisageait la commande possible d'un second navire au GNL d'ici la fin 2020, mais cette option a finalement été abandonnée à la suite de la crise du coronavirus. 


Le départ de Bastia du Piana, en juillet 2019 ; photo: Romain Roussel
Evincée de Bastia par Corsica Linea sur décision de l'Assemblée de Corse depuis octobre 2019, La Méridionale subsiste sur la Corse dans un format réduit avec seulement deux cargos mixtes, dont son navire amiral, le Piana, affecté à la ligne Marseille-Ajaccio. Ici, quittant Bastia en juillet 2019 ; photo : Romain Roussel. 


Après de nombreuses turbulences consécutives à la perte de ses lignes principales de fret (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio) et à des mouvements sociaux dûs aux incertitudes sur l'avenir de la compagnie, La Méridionale est toujours fragilisée. Son avenir de court terme semble toutefois assuré suite aux décisions de la Collectivité de Corse l'ayant retenue pour les lignes Marseille-Propriano et pour une partie de la desserte Marseille-Ajaccio jusqu'à la fin 2022 au moins. Sa présence reste toutefois réduite à deux navires sur les lignes de Corse. En effet, une forme de "divorce" a été consommé avec la Corsica Linea : les deux compagnies disposent désormais de systèmes de réservation séparés (un système unique était jusqu'en 2019 géré par la Corsica Linea pour le compte des deux compagnies) et ne desservent plus qu'une ligne en commun (Marseille-Ajascio), alors que c'était traditionnellement aussi le cas sur Marseille-Bastia de très longue date (autrefois en partenariat avec la SNCM, avant 2016). Toutefois, depuis mars 2021, le climat semble s'être très légèrement réchauffé entre les deux compagnies, puisque le système de réservation de Corsica Linea indique les traversées de La Méridionale sur son site internet - et vice-versa - mais uniquement sur la ligne Marseille-Ajaccio où les deux compagnies travaillent de concert, pas pour les autres liaisons...

D'après le journal Le Marin, la brouille entre les deux compagnies aurait trouvé son origine dans la volonté de la Corsica Linea d'absorber La Méridionale. Elle le lui avait proposé début 2018 mais se serait heurtée au refus de l'actionnaire majoritaire de cette dernière - le groupe frigorifique STEF - de céder ses parts de la compagnie aux bateaux bleus... Depuis la Corsica Linea a renforcé son offre sur Marseille-Corse au détriment de sa partenaire. Aussi, en 2022 comme en 2021, La Méridionale ne desservira plus que deux ports secondaires du sud Corse : Propriano avec le Kalliste, comme c'était le cas auparavant, et Ajaccio avec le Piana, conçu pour la ligne Marseille-Bastia sur laquelle il naviguait jusqu'à l'éviction de la compagnie de cette ligne à l'automne 2019. Les réservations de La Méridionale ont été ouvertes dès la fin septembre 2021 pour l'été 2022.

Consciente que son avenir risque de plus en plus de se jouer hors de Corse du fait de la position hégémonique de Corsica Linea pour le fret entre Marseille et la Corse, La Méridionale qui s'était dotée d'un quatrième navire pour répondre sans la Corsica Linea aux précédentes DSP de la Corse, s'est lancée sur une nouvelle ligne hors de l'île. Ainsi, le Pelagos, acquis courant 2019 et le Girolata naviguent-ils de pair entre Marseille et Tanger. Cette liaison est assurée deux à trois fois par semaine par ces navires, à raison de 39 heures environ de traversée, mais son équilibre financier, sur fond de pandémie et de restrictions de déplacement, serait précaire depuis son lancement et ce, d'autant plus que La Méridionale n'avait jusqu'ici jamais assuré de ligne à l'année en dehors de celles subventionnées. 

Le pari de La Méridionale apparaît toutefois comme un bon moyen d'employer utilement ces deux navires et atteste d'un vrai dynamisme de la compagnie, malgré l'adversité. Soucieuse de l'environnement, elle a été la première à bénéficier de la connexion du courant à quai à Marseille (dès 2017, lors des escales longues de ses navires qui passent la journée à quai) et a expérimenté à l'automne 2018 un système de raccordement permettant aussi de limiter les émissions polluantes sur le port d'Ajaccio. En outre, en vue du durcissement des normes d'émissions de polluants dans l'air, elle a expérimenté à compter du printemps 2019 un nouveau système de filtre à particulessur un des moteurs du Piana, qui a donné d'excellents résultats. Aussi a-t-elle décidé à l'automne 2021 de déployer ce dispositif sur l'autre moteur du navire, avant de vraisemblablement l'étendre à d'autres de ses cargos mixtes à l'avenir. Ce système, à base de bicarbonate de soude, conçu par Andritz et Solvay, permet d'épurer les fumées émises et pourrait constituer une alternative avantageuse aux scrubbers, critiqués pour leurs rejets en mer et leur manque d'efficacité. D'après Benoît Dehaye, le directeur général de La Méridionale, ce dispositif pourrait permettre d'aller au-delà des nouvelles normes environnentales et d'éliminer "en plus des oxydes de soufre, 99 % des particules fines". La compagnie adhère d'ailleurs depuis octobre 2020 au label Green Marine Europe, programme volontaire de certification environnementale reconnu à six armateurs européens (dont également Corsica Linea et Brittany Ferries) qui s'engagent à mesurere leur empreinte environnementale pour mieux la réduire.

L'Office des transports de la Corse ne semble toujours pas avoir obtenu des compagnies délégataires - SNCM, puis Corsica Linea et La Méridionale - qu'elles alternent un jour sur deux les traversées vers les ports de Porto Vecchio et Propriano. Déjà identifié comme l'un des points faibles des précédentes conventions de service public, cette concentration de la desserte fret de l'extrême Sud sur trois jours de la semaine était un frein pour l'économie du sud de l'île. La DSP Marseille-Corse attribuée pour 2021 et 2022 prévoit de nouveau un schéma de desserte assez déséquilibré entre ces deux compagnies : à titre d'illustration, seuls deux départs du continent pour la Corse sont assurés les jeudis soirs (pour Ajaccio et Bastia), mais cinq les vendredis soirs (avec en sus des traversées pour Ile Rousse, mais aussi pour Porto Vecchio avec la Corsica Linea et Propriano pour La Méridionale, programmées donc le même soir...).   

Enfin, la liaison corso-sarde Propriano-Porto Torres, assurée naguère jusqu'à 2 à 3 fois par semaine par le Kalliste de La Méridionale en traversée de jour, dans le prolongement de sa traversée de nuit Marseille-Propriano, a totalement disparu depuis plus de deux ans. Corse net infos révèlait toutefois en novembre 2021 qu'un projet de nouvelle DSP devrait prochainement être relancé pour cette ligne, avec une reprise du service attendue dès 2023. En attendant, des liaisons ponctuelles sont toutefois assurées entre Ajaccio et Porto Vecchio d'une part et Golfo Aranci et Porto Torres en Sardaigne d'autre part par la Corsica Ferries, ces différentes liaisons permettant donc de faire transiter du fret entre Corse et Sardaigne plus facilement que par le port de Bonifacio, peu adapté à ce type de trafic.



Quoique son risque de faillité soit désormais écarté, la Moby Lines ne propose finalement pas en 2022 de programme de rotations plus fourni sur la Corse 
Le Moby Aki, quittant Bastia, en juillet 2021 ; photo : Romain Roussel
Le Moby Aki de la Moby Lines, quittant Bastia, en juillet 2021 ; photo : Romain Roussel. Ce ferry et de son jumeau, le Moby Wonder, dont la vente était jusu'à récemment envisagée dans le cadre du plan de redressement de la compagnie, ne fera finalement plus escale à Bastia en 2022.

 
 

Plus encore que la Corsica Ferries, la Moby Lines a très durement subi en 2020 et 2021 les effets de la pandémie sur les lignes de Corse, du fait de sa spécialisation exclusivement sur les lignes avec l'Italie (Genova et Livorno), qui sont celles qui ont le plus souffert de la crise du coronavirus. Ainsi, sa présence sur les lignes entre Bastia et l'Italie, déjà saisonnière habituellement, a été très fortement raccourcie depuis 2020 et concentrée sur les seuls mois d'été. Pour 2022, la compagnie, qui avait initialement prévu de programmer davanatge de rotations qu'en 2021, limitera finalement assez fortement le nombre de ses rotations sur la Corse. La ligne Genova-Bastia, assurée jusqu'en 2019 inclus de jour comme de nuit en saison, n'est plus desservie qu'une seule fois par jour en saison depuis 2020. Elle l'était en 2020 et 2021 par les navires amiraux Moby Aki et Moby Wonder,dont la vente était jusqu'à récemment envisagée d'ici 3 ans dans le cadre du plan de redressement de la compagnie. Pour 2022, il avait été programmé début novembre 2021 que la ligne Genova-Bastia devait être assurée non seulement par ces navires, mais aussi par le Moby Corse, ce qui aurait constitué un accroissement important de l'offre de transport. Finalement, il n'en sera rien et aucun de ces trois navires ne devrait toucher le port de Bastia en 2022. Mi-novembre 2021, c'était cette fois le Moby Zazà, jusqu'ici employé sur la ligne sarde de la Tirrenia (appartenant au groupe Moby) que la compagnie italienne a fermé définitivement en septembre 2021, qui était annoncé pour l'été 2022 sur Genova-Bastia. Finalement, en avril 2022, la Moby a revu pour la troisième fois son programme de la haute saison, en décidant que ce serait non pas le Moby Zazà mais le Moby Dada qui assurerait cette liaison ! Il assurera cette desserte de nuit dans le sens de plus forte affluence et de jour, en 7h30, dans le sens creux. Sur la ligne Livorno-Bastia, où la programmation est passée à une seule rotation par jour depuis 2020, la principale nouveauté de 2022 devait être la substitution du Moby Vincent par le Moby Zazà, mais finalement, il n'en sera rien et la compagnie à la baleine bleue laisserait les choses inchangées sur cette ligne.

Le groupe Moby, que son président historique, Vincenzo Onorato, accusé par le tribunal de Milan de banqueroute frauduleuse, a quitté en octobre 2021, a fait face à une restructuration financière très difficile depuis plus de deux ans, qui s'est achevé par un dénouement en sa faeur, avec l'entrée en capital du puissant groupe MSC, déjà propriétaire par ailleurs des compagnies italiennes GNV et SNAV, qui lui a permis de s'acquitter de ses dettes les plus urgentes. Elle subit toutefois les conséquences d'une politique de diversification jugée hasardeuse (sur la Sicile, en Baltique en lien avec le groupe russe St Peter's Line et, auparavant, sur Nice-Bastia...) par certains observateurs, et les conséquences d'une
plus grande ouverture du marché maritime sarde à la concurrence (notamment à celle du groupe Grimaldi Lines), et d'une perte de subventions de la Tirrenia sur plusieurs ce ces liaisons. Pour autant, la Moby attend en 2023 la livraison de deux navires géants en construction en Chine, les Moby Fantasy et Moby Legacy, dont elle devrait être en fait simple affréteur, les propriétaires demeurant des investisseurs chinois (ICBC Bank). Ces navires sont destinés aux lignes sardes du groupe et à concurrencer frontalement les maxi-navires déjà déployés par Grimaldi Lines depuis la saison 2021 entre Livorno et Olbia, en Sardaigne, les Cruise Europa et Cruise Sardegna.

S
ur les lignes corso-sardes enfin, un bras de fer se jouait depuis plusieurs années entre la Moby et une compagnie concurrente, sur la ligne Bonifacio-Santa Teresa di Gallura. La BluNavy, qui avait elle-même pris le relai de la Saremar il y a quelques années, a cédé la place à l'été 2021 à la nouvelle compagnie italienne Genova Trasporti Marittimi (GTM), pour se recentrer sur les lignes Italie-île d'Elbe. La GTM a repris le navire Ichnusa qui effectue cette liaison depuis sa mise en service en 1988 et opère sous le nom commercial de Ichnusa Lines. Toutefois, son trafic passagers reste faible, nettement inférieur en 2021 à celui que réalisait la BluNavy les années précédentes, même en 2020 ! Cette compagnie, filiale à parité de deux sociétés génoises, la Finsea et San Giorgio del Porto, spécialisée dans la réparation navale, bénéficie toutefois du soutien logistique de la Corsica Ferries pour l'armement du navire. La Moby continue quant à elle de desservir la ligne Bonifacio-Santa Teresa en altrenance avec les ferries Giraglia et Bastia, de plus en plus contestés en raison des nombreux incidents et interruptions du service subies ces dernières années pour des raisons techniques. 

Mega Regina et Pascal Paoli à Bastia, en août 2021 ; photo : Romain Roussel
De gauche à droite, les Mega Regina de la Corsica Ferries et Pascal Paoli de la Corsica Linea à Bastia en août 2021 ; photo : Romain Roussel.

 Notes ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

[1] En juillet 2018, par décision de l'Assemblée de Corse, la Collectivité de Corse a finalement renoncé à reprendre à son compte les deux navires mixtes les plus anciens (Monte d'Oro et Paglia Orba) de Corsica Linea pour constituer le noyau de sa future compagnie maritime régionale. À compter de l'été 2019, ces deux navires devaient en théorie être cédés pour 10 millions d'euros à cette compagnie, mais la création de cette compagnie a finalement été repoussée, dans un premier temps à 2021, puis plus probablement à 2025, à la suite de l'échec de l'attribution des contrats de service public des sociétés d'économie mixte pour la période 2021-2027. En effet, les offres des compagnies privées jusqu'ici délégataires du service public Marseille-Corse (Corsica Linea et La Méridionale) ont été jugées trop coûteuses par la Collectivité de Corse, dépassant de plus d'un tiers le budget prévisionnel établi par la CdC sur la base du coût des DSP précédentes pour un service identique...

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